57-2_Vogeli

RHOPALOCERA PAPILIONOIDEA
LYCAENIDAE

Sous-famille Polyommatinae
Genre
Maurus


41 Maurus vogelii
L’Azuré marocain ou l’Azuré du Bec-de-grue


Origine et répartition

Endémique marocain.

Type

Lycaena vogelii Oberthür, 1920 ; LT : Tizi-Taghzeft (Maroc).

Taxa au Maroc

Maurus vogelii vogelii (Oberthür, 1920) ; LT : Tizi-Taghzeft, Moyen Atlas (Maroc).
M. vogelii insperatus Tennent, 1996 ; LT : Tizi-n-Test, Haut Atlas (Maroc).

Distribution au Maroc

La ssp. vogelii habite, depuis l’étage montagnard méditerranéen humide jusqu’au plancher de l’oromédierranéen, dans l’écotone intra-atlasique formé entre le versant méridional du Moyen Atlas central (montagnes d’Aït-Kermouss, Tizi-Taghzeft, Col du Zad) et le versant septentrional de l’extrémité orientale du Haut Atlas (Djebel Ali-ou-Rbeddou, Cirque de Jaffar). La localité typique du Taghzeft fut longtemps (75 ans !) la seule résidence prétendue de cet endémique marocain. Répartition verticale : 1900-2300 m.
Quant à la ssp. insperatus, elle n’est pour l’instant connue que de l’oroméditerranéen du Haut Atlas occidental (Adrar-n-Guinouss, région du Tizi-n-Test), mais il ne fait aucun doute qu’elle doit censément peupler de nombreux reliefs du Haut Atlas centro-occidental. La prospection consiste en la recherche de la plante-hôte, de préférence en zones rocheuses d’une exposition appropriée. Répartition verticale : 2400-2600 m.
L’espèce est pressentie en certaines zones du Rif occidental où l’Erodium Bec-de-Grue a été découvert et où les conditions originales devraient enduire une entité nouvelle.

Cartographie nationale (2003)

Nombre de mailles : 6.
De nouveaux habitats à Erodium cheilanthifolium, peu accessibles et de très récentes découvertes, permettent d’envisager une meilleure répartition que celle initialement donnée. Il n’en reste pas moins que ce Lycène est gravement menacé par le pâturage inconsidéré.

Carte-vogelii


Plantes-hôtes et sources nectarifères

Erodium cheilanthifolium (Gerianiaceae).
L’imago puise essentiellement son apport nectarifère dans les fleurs de son Géranium, lesquelles se refermant en plein soleil le contraignent souvent à un vol très matinal ou à la visite de pans autrement exposés, comme c’est souvent le cas dans les biotopes traversés par une arrête rocheuse. Quand le Bec-de-grue manque de floraison, le papillon de première génération se rabat sur les fleurs du Prunellier prostré, de seconde génération sur les ultimes inflorescences du Marrube blanc, figurant souvent dans ce modèle de cortège floristique rupicole.

Types d’habitats, conservation et attributions bioindicatives

Au sein du bioclimat humide altimontain qu’il occupe, M. vogelii a pour preferendum les niches d’éboulis et de rocailles fortement xériques, investies par sa Géraniacée, en marge de la cédraie ou de la xérophytaie. Il s’agit le plus souvent de hauts versants ou d’affleurements escarpés et bien exposés aux pluies, parfois de ressauts dénudés, très rocheux et fortement rafraîchis par un vent coulis. La niche est de forte xéricité mais s’encarte toujours dans un écosystème relativement arrosé de l’isohyète 800 mm.
Par sa fragilité et son implication dans un type d’écosystème en grave régression, Maurus vogelii est une espèce majeure pour un suivi méticuleux des hauts paturâges. De forte résilience et ne suscitant pas l’appétence du cheptel, le Géranium-hôte apparaît souvent comme le dernier végétal entre les pierres d’un sol étrépé. Mais limpact du piétinnement reste fatal à la plante et menace l’ovogenèse du papillon.

Phénologie

Bivoltin en avril-juin, puis fin août-septembre. Lors d’années sèches, la seconde génération peut apparaître dès la fin juillet. La génération estivale semble plus fournie que celle vernale, encore que les difficiles conditions atmosphériques printanières ne soient guère favorables au repérage objectif de l’imago et ont d’ailleurs contribué à masquer son bivoltinisme effectif durant trois quarts de siècle, ce Lycène ayant toujours été donné comme monogoneutique (sauf assertions alors jugées fantaisistes par la plupart de nos prédécesseurs) !

Identité éco-éthologique

Sténoèce, xérophile, rupicole, orophile, myrmécophile, territorialiste, patrouilleur.

Etat de connaissance et statut conservatoire

Moyen.

En voie d’extinction. Outre l’extrême localisation du couple plante-papillon, toutes les colonies de la forme nominative sont inscrites dans une zone où la cédraie est en grave régression, particulièrement sur les adrets et les revers orientaux, soumis à un cumul de paramètres négatifs : bilan hydroédaphique défavorable, surpâturage ahurissant prenant la relève d’une gestion forestière inadéquate, entraînant la perte du substrat végétal puis des qualités physico-chimiques du sol, le tout induisant un processus galopant de désertification. La cédraie infiltrée de genévrier thurifères qui fut longtemps l’écrin de ce précieux endémique a déjà disparu (Aït-Kermouss, Ali-ou-Rbeddou) ou n’est plus qu’une forêt morte ou moribonde (Taghzeft, Zad, Jaffar). Quant à l’habitat du Haut Atlas occidental, au-dessus de la chênaie verte arbustive, il encaisse le piétinement quotidien de hordes de chèvres, ravageant tout sur leur passage, si bien que sur un sol pulvérulent, la population relictuelle et sa plante ne doivent leur survie qu’à un refuge partiel dans quelques hautes masses rocheuses, à l’incidence dynamisante des années de fortes précipitations et au fait que le Géranium nain toxique ne soit pas consommé par le cheptel. Il appert que les jours de ce papillon majuscule sont donc partout comptés.