RHOPALOCERA
PAPILIONOIDEA
NYMPHALIDAE



Dans sa version moderne et d’usage désormais universel, cette famille assez hétérogène reprend en sous-familles homogènes les Danainae, Charaxinae, Nymphalinae, Argynninae et Satyrinae pour ce qui concerne le Maroc. Les Libytheinae ne semblent pas représentés dans ce pays bien que Libythea celtis Laicharting, 1782, seule espèce fréquentant la Méditerranée occidentale, vole en plusieurs localités algériennes. La grande famille des Nymphalidae enveloppe plus de 5000 espèces mondiales, dont la particularité basique est l’atrophie de la première paire de pattes qui, repliée, fait office de capteur gustatif et tactile. Leurs palpes sont dressés et les imagos mâles sont souvent porteurs d’écailles glandulaires odorifiques, dites androconiales, et qui sont des organes producteurs de phéromones sexuelles attractives.

Sous-famille Danainae

Les Danaidae ou Monarques, grands volateurs tropicaux et migrateurs bien connus par leurs déplacements grégaires très spectaculaires (notamment ceux du Grand Monarque en Amérique) ne comptent que huit espèces dont deux se rencontrent au Maroc, l’une d’elle en quelques rares colonies stables et plus fréquemment par petits groupes d’individus divagants. Leur récente progression vers le Nord européen semble bien s’accorder avec le réchauffement global et en confirmer la validité. Les chenilles des Monarques, à la robe aposématique (couleurs d’avertissement) et aux paires d’appendices non rétractiles, se nourrissent d’Asclépiadacées dont les substances très toxiques constituées par les cardénolides (diterpènes) sont assimilées par les chenilles, les chrysalides et les imagos, les rendant normalement inconsommables (effet vomitif) par les Oiseaux et décourageant toute approche..., à tel point qu’en Amérique du Nord Danaus plexippus constitue la quasi- exclusivité du régime alimentaire d’une espèce d’Oiseau évidemment immunisée !!! La découverte de l'effet de dissuasion des cardénolides dans le cas des Monarques est due à T. Rechsteiner (Université de Bâle). La croissance de la larve peut être excessivement rapide, soit une vingtaine de jours en conditions favorables. La chrysalide, parée de points brillants, est suspendue à la tige de la plante-hôte ou à un quelconque support mitoyen. Le comportement sexuel de ces Papillons mérite quelques commentaires qui sont empruntés à : P. Zagatti, B. Lalanne-Cassou et J. le Duchat d'Aubigny (Catalogue des Lépidoptères des Antilles françaises, INRA). « Dans le genre Danaus, tous les mâles présentent une paire de pinceaux d'androconies éversives à l'extrémité abdominale. Ces androconies secrètent une phéromone de cour mâle, la danaïdone (2,3-dihydro-7-methyl-1H-pyrrolizine-1-one) ou des analogues aldéhydes. Les androconies sont déployés en vol devant les antennes de la femelle pour inciter celle-ci à se poser et à s'accoupler. L'origine de ces alcaloïdes pyrrolizidiniques (PA) dans les androconies est assez étrange. Les larves de Danaus s'alimentent sur des Asclepias très toxiques, mais qui ne contiennent pas de PA. Ce sont les mâles adultes qui visitent des plantes à PA (Boraginaceae ou Fabaceae) pour séquestrer les alcaloïdes précurseurs de leurs phéromones : un mâle élevé en serre sans avoir accès à ces plantes est totalement incapable de s'accoupler. La phase finale de la biosynthèse de la phéromone se produit lorsque le mâle introduit ses androconies dans les poches qu'il possède au recto de ses ailes postérieures. Ces alcaloïdes sont des substances extrêmement toxiques, leur accumulation dans des organes de séduction renforce probablement leur fonction défensive vis-à-vis d'éventuels prédateurs (l'hémolymphe des adultes contient également des PA, mais aussi des cardénolides qui proviennent de l'alimentation larvaire). L'utilisation de substances défensives comme « aphrodisiaques » se retrouve dans d'autres familles de Lépidoptères (Arctiidae). Contrairement aux autres espèces (notamment Danaus gilippus qui vit à Grenade et à la Barbade), les mâles de D. plexippus possèdent des androconies abdominales et des poches alaires, mais ne sécrètent aucun alcaloïde phéromonal. Les mâles visitent cependant des plantes à PA et séquestrent des alcaloïdes qu'on retrouve dans leur hémolymphe. Lors de la cour, on observe dans 33 % des cas un déploiement d'androconies devant la femelle qui semble inciter celle-ci à se poser. Le stimulus efficace est donc inconnu chez D. plexippus, peut-être s'agit-il simplement d'une stimulation tactile et visuelle. »

Sous-famille Charaxinae

Les Charaxinae sont particulièrement abondants dans les régions tropicales de l’Ancien Monde, surtout en Afrique. Il s’agit de Papillons vigoureux, aux livrées généralement vives en avers, aux dessins en mosaïques très caractéristiques en revers et dont les ailes postérieures portent chacune une paire de petites queues. Les chenilles à habitus cryptique arborent un masque céphalique effrayant dont les quatre épines rappellent les quatre queues de l’imago. Ces grandes nymphales territoriales se nourrissent de fruits mûrs en décomposition, d’exsudations des arbres et d’excréments. Une seule espèce fréquente le Bassin méditerranéen et vole au Maroc. La chrysalide est suspendue à un rameau de la plante nourricière.

Sous-famille Nymphalinae

Les Nymphalinae sont représentés par des Papillons de taille moyenne, aux ailes entières ou festonnées, brillamment colorés sur la face dorsale. Les Vanesses - espèces pour la plupart rudérales ou commensales de l’Homme – furent si communes jusqu’au siècle passé qu'elles ont été depuis longtemps affublées de noms populaires pour le moins approximatifs, tels le Paon-du-jour, la Petite Tortue, le Vulcain, la Belle dame ou le Robert le diable (ces trois derniers habitant aussi le Maroc). Ces espèces, souvent grandes migratrices du Sud au Nord, voient leurs imagos passer de longues périodes léthargiques (notamment hivernales), endormis les ailes repliées verticalement. Pour parer à leur vulnérabilité et échapper aux prédateurs, ils ont ainsi développé un art du camouflage qu’assure une coloration disruptive et homotypique de la face ventrale se confondant parfaitement avec l’ambiance du support (bois, pierre). Il n’y a pas si longtemps, ces Vanesses de nos jardins étaient aussi célèbres que le Machaon ou la Piéride du Chou. Les Mélitées et les Damiers, plus petits que les Vanesses, sont revêtus d’une couleur fauve plus ou moins orangée, zébrée et tachée de brun noir selon des combinaisons complexes. Les larves hirsutes sont couvertes de protubérances poilues et urticantes nommées scoli. Les jeunes chenilles sont grégaires et hivernent pour la plupart dans une toile de soie pour ne se disperser qu’au printemps et finaliser leur croissance en solitaires ou en petits groupes. La nymphe des Vanesses est accrochée tête en bas par le cremaster à une tige quelconque, parfois aux revers de feuilles enroulées par quelques fils de soie, contre un muret ou sous un quelconque support. Celle des Mélitées est également suspendue mais souvent aussi blottie sous une pierre dans la végétation basse.

Sous-famille Argyniinae

Les Nacrés ou Argynnes forment la sous-famille des Argyniinae, Papillons pour la plupart de taille assez grande, au dessus fauve maculé de noir et au dessous agrémenté d’un type original de maculature composée de taches, de plaques ou de bandes argentées ou nacrées. Leurs larves sont inféodées aux Violettes et leurs chrysalides reposent suspendues dans la litière, généralement confinées dans un précaire abri de soie et de débris. Les imagos sont des butineurs intempérants des grandes Carduacées.

Quelques mots s’imposent quant aux apparitions de la sous-famille des Heliconiinae versus Argynninae et du genre Speyeria versus Argynnis, tout récemment introduits dans la systématique de la faune européenne et transfuges des travaux des entomologistes américains Ehrlich (1958) et Harvey (1991). Cette position suggèrant une affinité des Argynnes d’Europe et d’Asie avec les Heliconiinae sud-américains nous interpelle négativement dans la mesure où la morphologie et le graphisme alaires, toute comme la nervulation des deux entités malencontreusement confondues, sont à ce point différents que l’on comprend mal l’initiative. Selon la théorie de Wegener (1929) de la dérive des continents, théorie confirmée par la cartographie des dorsales océaniques, ainsi que par les études relatives à la tectonique des plaques, les continents eurasiatique et africain se sont détachés du continent américain aux prémices du Triassique. Les Papillons fossiles les plus anciens ont été trouvés dans le Triassique moyen (210 à 220 millions d’années). L’épanouissement des Angiospermes au Crétacique a probablement été à l’origine de l’évolution des Lépidoptères qui, après n’avoir été que des « broyeurs de pollen », ont alors acquis leur spiritrompe. Les Heliconninae ou leurs ancêtres étaient censément déjà en place au Tertiaire dans la forêt primaire tropicale du continent américain quand la dérive des continents sépara les blocs eurasiatiques des Amériques, les Argynninae occupant alors des contrées déjà beaucoup plus arides dans les zones septentrionales des continents. Nässig (1995) a présenté un historique des publications relatives à l’affinité présumée entre les Heliconiinae et les Argynnes, fusion qu’il accepte sous certaines réserves au niveau générique afin d’écarter les genres paraphylétiques et ceux établis sur des bases typologiques. Faute d’une révision de tous les Argynnini du globe, il nous semble hasardeux de statuer. Nous proposons donc de conserver nos Argynnis en Europe, en Asie et en Afrique du Nord, de laisser les Speyeria en Amérique du Nord, les Argyreus en Ethiopie, en Orient et en Australie, suivant en cela la nomenclature récemment proposée par Tuzov (2003).