« Je suis arrivé dans un désert où l'amour apparaît. »
Djalâl al-din Rûmî, poète persan né en 1207

Éloge de l’oasis :
un modèle d’écosystème humain

L’oasis perdue du mirage saharien 

« Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
 »
Charles Beaudelaire

Un mirage est le fait d'avoir l'impression de voir un objet à tel endroit alors qu'en réalité il se trouve bien ailleurs. Grâce à la physique, le mirage n’est plus un mystère mais on peut toujours s’y laisser prendre, ...surtout quand on meurt de soif.

Au moment de l'entrée dans l'atmosphère, les rayons lumineux sont légèrement déviés car ils pénètrent dans un milieu dont l'indice est différent. Nous avons ainsi l'impression qu'un objet se situe à une centaine de mètres alors qu’en réalité il peut se trouver à plus de 200 km. Ainsi naît un mirage. Au Sahara, les rayons lumineux sont intégralement absorbés par le sol dénudé qui réchauffé, provoque une montée de la température de l'air. Ces rayons se réfractent et se réfléchissent systématiquement dès qu'ils s'approchent de l'observateur, lequel voit en fait des rayons ayant une trajectoire en ligne droite et ainsi croit voir une image provenant du sol. Ce mirage fut de tout temps le point magique du désert. Ajoutant sa note toujours déroutante aux sculptures du vent, à l’écriture du sable, à la solitude sonore de cet insaisissable pays de l’absolu, le mirage est l’une des composantes de la nature spirituelle et intangible du désert. Le mirage attire les mortels qui ne pouvant y accéder finissent par périr d'inanition. Le mirage abrite aussi la demeure des génies, de fantastiques cités d'où personne ne revient et ces oasis paradisiaques et perdues dans la fournaise du désert.

Depuis des heures le voyageur qui s'est aventuré dans le Sahara roule sur la piste. Dix fois, il s’est senti « bluffer » par la vision d’une nappe d’eau, d’une palmeraie, voire d’un ksar attenant. Parfois convaincu, il a même obliqué pour rejoindre le havre d’ombre et d’eau fraîche espéré de l’oasis « retrouvée ». Non, ce n'était qu'un mirage ! Mais voilà que surgissent réellement du sable blond de l’erg ou de la noire pierraille du reg les rangées de courtes cheminées qui trahissent l’existence d'une khettara. Cette fois, ce n'est plus une illusion optique, mais le signe que le voyageur retrouve la civilisation. Bien qu’encore cachée par un erg ou quelque hauteur rocheuse, l'oasis est proche. Après l'implacable chaleur de la journée, à l’heure où le soleil a rendez-vous avec la lune, la fraîcheur oasienne est une caresse à nulle autre pareille. Le charme langoureux de la palmeraie contraste avec l’âpre rudesse de la steppe désertique. Et à l'heure matinale de l'appel du muezzin, avant même le premier chant du coq, quel charme incomparable que celui de s’éveiller au pied d’un palmier et, fasciné par l’irréelle vérité, de songer que la dune d’horizon qui n’est plus un mirage le redeviendra bientôt, dès que l’astre de feu sera au zénith. Comme la notion d’enfer n’existe que pour donner tout son sens à celle de paradis, le désert relativise la récompense de l’oasis. Sauf que désert et oasis sont, et que le paradis reste un mirage... A moins que la vie sur cette Terre ne soit que l’anamorphose à peine embellie de l’enfer... Le paradis et l’enfer en miroir.

Entre chaleur et eau, entre réalité et symbole, l’espace oasien est un lieu de félicité qui hante les esprits d’une nostalgie vivace qui est celle du paradis perdu. Cet îlot de Tropique sur une mer de sables et de pierres hostiles est une invention agro-poétique de la main de l’Homme, l’un des fragments réalisés parmi les plus magiques de son plus vieux rêve.
L’Homme ne fait pas que des ravages en se sédentarisant.


L’eau... de vie

« Deçà, delà, en haut, en bas, courant, jamais elle ne connaît de quiétude,
pas plus dans sa course que dans sa nature, elle n'a rien à soi mais s'empare de tout,
empruntant autant de natures diverses que sont divers les endroits traversés,
comme le miroir accueille en soi autant d'images qu'il y a d'objets passant devant lui.
 »
Léonard de Vinci

L’eau : problématique-clé. D’où la nouvelle estimée décisive quand les chercheurs européens virent sur Mars l'eau gelée « de leurs yeux », au travers d'une caméra couplée au spectromètre Omega et quand la preuve fut donnée que la calotte polaire du pôle sud martien renfermait de grandes quantités d'eau. De glace pour être précis. L'eau est, par excellence, le principe fécondant, le germe de toute chose. Il pleut, l'herbe pousse et l'Homme fait de l'eau un symbole de vie et de fécondité. Et sur Terre, plus il y a d’eau, plus riche est la végétation. Dans la steppe désertique saharienne, la présence souterraine d'eau en certains endroits rend possible les cultures et notamment celle du Palmier dattier, faisant ainsi « jaillir » l’oasis.

Les immenses étendues aréiques ne connaissent pratiquement pas la pluie, ni les eaux de surface, et les températures enregistrent des variations extrêmes entre le jour et la nuit. Mais cette apparente aridité du sol et l’infime degré de pluviosité ne se déclinent pas nécessairement avec une réelle absence d’eau. Pratiquement inexistante en surface et dans l’atmosphère, l’eau circule en sous-sol. Et au sein de l’oasis, les plantes, les Hommes et les animaux tirent profit de cette précieuse substance tellement vitale à leur survie. C’est en les regardant vivre avec parcimonie que l’on redonne à l’eau toute sa valeur, toute sa dimension à l’échelle planétaire.


Les mines d’eau

« Les conditions de l’existence, la raison des mœurs,
sont fatalement subordonnées à la loi des nécessités de la nature. »
Henri Duveyrier

« 
Ce qui embellit le désert c'est qu'il cache un puits quelque part. »
Antoine de Saint-Exupéry

« 
L’eau n’oublie pas son chemin. »
Proverbe russe

La localisation des oasis tient compte de la conjonction possible de trois facteurs : le niveau de la nappe et le mode de prélèvement de l’eau, la présence de terres alluviales cultivables, la protection contre les vents et la chaleur excessive. La combinaison des deux derniers facteurs conduit le plus souvent au choix de dépressions tandis que l’eau peut être pompée ou captée. Dans ce dernier cas, l’eau est amenée gravitairement par les conduits d’une foggara. Certaines oasis bénéficient aussi de barrages réservoirs ou de barrages de dérivation, d’autres profitent exploitant d’une conjoncture pouvant réunir plusieurs ressources en eau.

Une foggara (pluriel : foguagir), plus fréquemment nommée khettara au Maroc (qanat, ou feledj dans d’autres pays arabes) est une galerie drainante souterraine servant à l’adduction de l’eau d’irrigation soustraite à l’évaporation et provenant de nappes superficielles (et parfois de sources), vers un point habité et cultivé de type oasien. Le réseau est ainsi accessible par les puits échelonnés qui servirent au creusement du canal. L’ingénieuse canalisation, courant à quelques mètres sous la surface du sol, peut avoir un développement de 2 à 15 km et le drain suit une pente légère (quelques millimètres de dénivelé par mètre suffisent). La foggara proprement dite a un diamètre suffisant (environ un mètre) pour permettre le déplacement d’un Homme courbé, travailleur progressant d'aval en amont au moment du percement, et ouvrier circulant pour effectuer les travaux ultérieurs d’entretien. En surface, tous les 12 à 15 m, émergent les cônes de déblais (ou les ouvrages maçonnés dans les versions contemporaines) entre la nappe et le bassin de réception. Le débit de l’eau est soigneusement mesuré avant qu’elle ne reparte pour une parcimonieuse redistribution entre les jardins, moyennant le versement d’un écot par les propriétaires. C’est ainsi qu’à la sortie du bassin de réception, l’eau passe alors par une chebka (grille), qui est une plaque de terre cuite ou de cuivre percée de trous, puis par le kassis (ou kesra) (peigne), dispositif répartiteur permettant de doser l’eau calculée en doigts ou en demi doigts, laquelle peut alors s’en aller par des seguias (rigoles) parcourant la palmeraie en un réseau pour alimenter les jardins. Le canal secondaire de la seguia est appelé masraf. Lorsque l’eau parvient dans un espace oasien comportant des habitations, généralement en marge afin de préserver l’intégrité des terres cultivables, la gestion de l’eau se fait sur un mode assez immuable. A l’arrivée de la foggara ou à l’émergence de la source, l’eau pure est réservée à la boisson et à l’alimentation. En bassin d’amont, elle est utilisée pour la toilette et le lavage du linge, puis en bassin d’aval elle sert à l’abreuvage du bétail, avant de déboucher sur un bassin de retenue au fond damé d’argile et servant à la prise d’eau agricole pour l’irrigation générale. Chaque vasque de retenue est munie d’exutoires et libère l’eau dans telle ou telle seguia.

L’ingéniosité du procédé réside dans sa conception et son adaptation aux conditions de la vie et du climat sahariens : elle supprime les corvées d’eau, à la fois tâche épuisante et temps perdu, et assure un approvisionnement à débit constant, sans risque de tarir la nappe et en limitant l’évaporation. Il ne pleut « jamais » et depuis plus de dix siècles, à chaque heure, la moindre foggara soutire plusieurs mètres cubes d’eau souterraine dont le remplacement pluviométrique est manifestement impossible. Ce système qui a prévalu en Mésopotamie serait originaire de Perse et remonterait au Ve siècle Av. J.-C.

De nombreuses oasis, directement situées sur une nappe phréatique accessible, ne sont pas alimentées par l’adduction d’une foggara mais par une source ou plus fréquemment un puits, bénéficiant d’une remontée de l’eau de la nappe sous l’effet de la pression hydrostatique. A travers les contrées et les temps, différents systèmes de puits alimentent alors les canaux : noria primitive, noria à chapelet, vieux système à poulie et bidon verseur actionné par un âne, puits à chadouf (balancier mû par la force humaine), motopompe, puits à éolienne, etc.


L’oasis : une île de vie

« Je vous en conjure, mes frères, restez fidèles à la Terre. »
Nietzsche

Née du pouvoir de l’eau domestiquée par l’Homme avec une compréhension extraordinaire de la dynamique hydraulique, l’« île de verdure » des anciens Égyptiens, est par définition un écosystème artificiel, une forme de permaculture, un véritable espace insulaire de survie. Que l’eau soit amenée par le lointain réseau d’une foggara, ou qu’elle soit tirée sur place de puits ou d’une source, cet îlot de providence n’existe que par la capacité des êtres humains à tirer le meilleur parti de l’eau. Cette agriculture non compétitive et cette séculaire gestion respectueuse « ne datent pas de la dernière pluie » et n’a donc aucune leçon à recevoir de l’avènement du principe de précaution, de notre paradigme du développement viable ou autre philosophie de pression supputée supportable. Induite par sa dotation géographique, l’oasis est censément et avant la lettre la meilleure expression de cette gestion participative et durable, par l’Homme, avec l’Homme et pour l’Homme, dans la mesure où l’ingéniosité du mode de vie oasien intègre les principes d’économie, d’équité et de rigueur.
Moins l’agriculture manipulera la nature et mieux elle se portera. La saine gestion des ressources est la clé déontologique de l’oasien et de son oasis. Cela peut signifier que la civilité et le respect de l’environnement ne sont pas l’apanage des sociétés occidentales qui n’arrivèrent que très tardivement à intégrer ce souci majeur, après avoir été à l’origine de la rupture des équilibres à travers leurs modes de colonisation sauvage, fortement prédateurs de ressources non renouvelables. L’expropriation et l’appauvrissement des populations nomades, la restriction des espaces agricoles et, par conséquent, la pression accrue sur les écosystèmes fragiles et l’anéantissement des chances de survie des populations autochtones furent les meilleures formes d’expression de cette perversité coloniale. C’est rétablir une vérité historique que de dire que ce sont les industries manufacturières occidentales de l’ère de la révolution industrielle du XIXe siècle qui sont largement à l’origine du déclenchement de la désertification, de l’érosion et, aujourd’hui, du réchauffement de la planète, de l’effet de serre, des trous de la couche d’ozone et des rejets industriels qui représentent les atteintes majeures à l’environnement. Encore convalescent des méfaits du colonialisme, voilà que l’oasien doit subir les tentations malignes du consumérisme, le voici attendant impatiemment le camping-cariste en short ou le miroir aux alouettes d’un très quelconque Paris-Dakar, évènements propagés par la lucarne de la télévision satellite, ambassadrice d’une mondialisation ayant tout de l’inaccessible étoile. Alors, le Robinson séculaire de l’oasis, jusqu’ici en parfaite autosuffisance, commence à désirer ce qu’il n’a pas, à se vouloir prisonnier de l’inutile, à connaître le gâchis, les pertes et les résidus. Quand c’est fini ça recommence ! Ce contact nocif serait-il cette fois le début de la fin de l’oasis contaminée et corrompue ? Serions-nous donc incapables de laisser les gens « tranquilles » ?

Prouesses de l’autarcie, les jardins oasiens produisent tout : céréales (Blé, Orge, avoine, seigle, maïs), plantes fourragères (Luzerne), légumes (tomate, poivron, aubergine, melon, pastèque, salade, betterave rouge, oignon, etc.), épices, henné, roses, baies et fruits (dattes, figues, figues de Barbarie, pêches, abricots, oranges, citrons, grenades, olives, amandes, autres espèces récemment introduites). Si l’on mentionne les animaux domestiques (Chèvres, Moutons, Bovins, Ânes, Chevaux, Mulets, volailles), la viande, les oeufs et les produits laitiers, on obtient ainsi un système économique riche et diversifié, et l’on pourrait ne se rendre au souk que pour le sel...et la carte du téléphone mobile. La zone oasienne marocaine est également le berceau de plusieurs races domestiques comme la race ovine D’man, celle caprine Dra et bovine Tidili. Le climat saharien permet des récoltes hivernales pour les tomates et une moisson dès mars-avril ! Mais les chaleurs estivales interdisent souvent les cultures et la palmeraie présente alors un aspect mort. C’est en janvier-février qu’il faut assister à son embellie.

La Luzerne est partout au Maroc et notamment dans l’agrosystème oasien. Cette Légumineuse fourragère pérenne, fondatrice du fort développement de l’agriculture européenne du XIXe siècle, offre de nombreux atouts et son usage doit être encouragé par les partisans d’une agriculture durable et respectueuse du milieu. Cultivée seule ou associée à d’autres fourragères, elle peut être exploitée durant deux ou trois ans, à raison de quatre à cinq coupes annuelles correspondant à une moyenne de dix à quinze tonnes de matière sèche à l’hectare. Connue depuis dix millénaires, elle est très appréciée pour son apport en protéines des rations animales, mais un grave repli des surfaces fait craindre qu’à l’aube du XXIe siècle et face au succès du maïs fourrage et des prairies temporaires, elle ne survive pas dans le panorama agricole occidental. Agronomiquement, elle favorise la fertilité du sol à travers une fixation symbiotique (avec une bactérie) de l’azote dans la biomasse, écologiquement elle régularise la dispersion des eaux en épargnant des labours superflus et dans les assolements elle réduit la durée de nudité du sol. N’exigeant que très peu d’intrants, elle contribue à la biodiversité de la flore et de la faunule par le secours sciaphile (refuge) qu’elle procure. Elle est aussi une source nectarifère considérable et qui a observé l’animation entomologique au-dessus d’une planche de Luzerne oasienne n’aura nul besoin de commentaire. Socio-économiquement, sa productivité est ample puisqu’elle s’utilise comme fourrage vert (à l’auge ou en pâture), comme fourrage fané (foin) et comme concentré (déshydratée). C’est une culture à promouvoir dans le concept d’une réduction des impacts environnementaux et là encore, l’agriculteur de l’oasis montre le chemin à ne pas abandonner. Aidons-le !

On peut assimiler bien des vergers et faciès de cultures vivrières au système oasien, dès l’instant qu’ils se manifestent dans le concept de l’Aride, sur des sols minéraux bruts ou peu évolués, des bioclimats semi-aride, aride ou saharien à isohyète de 100 ou de moins de 100 mm. La définition peut tout aussi bien convenir à des palmeraies, à des amandaies ou à d’autres vergers de basse montagne, voire à des formations alluviales bénéficiant de nappes d’oueds intermittents (oasis alluviales), comme il en existe de nombreuses figures dans les régions sud-atlasiques du Maroc. Le Tamaris y est alors le compagnon le plus fidèle du Palmier. Cette formation végétale spontanée est néanmoins et surtout associée à l’erg et à la silhouette chevelue des Palmiers dattiers. L'erg constitue une protection naturelle et recèle sous ses sables d'importantes quantités d’eau fossile. L’eau captée dans les nappes d’erg coule généralement en un flot de bonne qualité. L’humidité provoquée par la condensation nocturne qui se dépose sur l'immensité des étendues sableuses constitue aussi un micro flux de pluie ascensionnelle très bénéfique à la végétation.

C’est par le Palmier dattier que l’oasis, traditionnellement associée à l’agriculture strictement familiale, cède la place à une monoculture fondée sur l’augmentation de la production en dattes. Au Maroc, le dattier contribue variablement à la formation des revenus agricoles d’un million d’habitants à hauteur de 20 à 60 %. Il constitue le support d’une activité commerciale importante entre le Sud et le Nord du pays et participe à la stabilisation des populations concernées. La production dattière de la l’ensemble de la zone s’élève, en année normale, a près de 90.000 tonnes constituant ainsi l’essentiel de la production nationale.


Le Palmier dattier : le plus « humain » des arbres


« Peut-être Dieu a-t-il créé le désert pour que l'homme puisse se réjouir à la vue des palmiers. »
Paul Coelho

« 
Les pieds dans l’eau, la tête dans le soleil. Le palmier est traité comme un être humain. N’a-t-il pas un sexe ? N’a-t-il pas une tête qu’on ne peut couper sans qu’il meure ? On l’aime de si bien répondre à ce qu’on fait pour lui. Non seulement il nourrit ceux qui le soignent, mais il rend le bien pour le mal : jetez-lui une pierre, il vous envoie des dattes.. On le préserve, en certains cas, du mauvais oeil, en suspendant à son tronc un crâne de chameau, un tibia de mulet, une vieille marmite trouée. Celui qui s’obstine à mal produire est menacé symboliquement : on fait semblant de se préparer à le couper. On ne se décide à abattre un palmier que s’il est vraiment malade, ou cassé par le vent. Le palmier participe à l’amour des hommes et à la louange de Dieu. Le murmure du vent dans ses palmes est une glorification du Maître des mondes. Certains sont sacrés, marabouts, ornés de chiffons votifs, encensés. Quand on abat un palmier mâle, on place sur les femelles voisines, ses épouses, quelques-unes de ses feuilles pour atténuer leur chagrin. »
Émile Dermenghem

« 
Fils ardent de la terre et du soleil d'Afrique », le Palmier dattier est avec le Cocotier (Cocos nucifera), le plus notoire car le plus cultivé par l’Homme. Lorsqu’on demande à un enfant de dessiner un Palmier, il reproduit instinctivement un Dattier ! Tout comme l’oasis, son système d’irrigation et le Dromadaire (saharien ou de trait), le Palmier dattier est originaire d’Arabie et fut introduit au Maghreb lors de la colonisation. La seule Palmacée autochtone et d’ailleurs commune aux deux rives (Maghreb et péninsule Ibérique) est le Palmier nain (doum) qui, sur des sols assez profonds, argileux et en semi-aride bien arrosé, se développe en matorral de plaines et de collines, parfois en forêts claires, formant de larges touffes peu élevées à base de multiples rejetons, mais pouvant exceptionnellement montrer des sujets d’une dizaine de mètres.

Connu de tous, le Palmier dattier (
Phoenix dactylifera) est un arbre peu polymorphe, au stipe (tronc) marron-gris, grêle, cylindrique et élancé qui ne s’épaissit pas, émettant des rejets et dont la taille peut avoisiner une trentaine de mètres de hauteur et 30 cm de diamètre. L’aspect écailleux, très utile pour escalader l’arbre au moment des cueillettes, résulte des anciens pétioles. Le système racinaire est un bulbe coiffé d’un considérable réseau de fines racines allant chercher l’eau dans toutes les directions. A l’instar de l’ensemble des espèces du genre, les feuilles sont des palmes qui, implantées en hélices très serrées, vivent quatre ou cinq ans avant de se dessécher. Ce feuillage de couleur bleuté se compose de trente à cinquante feuilles pennées, de plus de 4 m de longueur, avec des pinnules étroites, assez rigides, irrégulièrement disposées sur le rachis. Le pétiole, de 50 cm à plus d’un mètre de longueur, est couvert d’épines jaunes. La spathe à inflorescences est furfuracée ou squamuleuse. Le bourgeon terminal où se forment les futures palmes et les régimes de dattes, est garni d’une bourre très fibreuse (le fibrilum). Les Phoenix sont des Palmiers dioïques, il existe donc des plantes mâles et des plantes femelles. L’Homme intervient dans la fécondation en rapprochant le pollen des fleurs mâles des pistils des grappes femelles, délicate opération jouissant de soins attentifs et de rites minutieux. Ayant pris soin de remplir les poches de sa gandoura de rameaux de fleurs, le fécondateur hissé sur l’arbre femelle puis installé sur les palmes aux piquants récalcitrants, introduit une brindille mâle dans chaque thyrse femelle qu’il a préalablement entrouvert, puis enserre le thyrse à l’aide d’une foliole. Et ainsi de suite jusqu’à plus de cent régimes par jour pour un fécondateur zélé. Les inflorescences interfoliaires émergent tous les ans au premier printemps entre les feuilles. Elles sont courtes et ressemblent à un balai chez les mâles, plus longues et lourdement chargées de fruits chez les femelles pollinisées. La datte mûre a une couleur brune (orange vif avant maturité) et contient une graine allongée et parcourue d’un sillon longitudinal, tout à fait typique du genre Phoenix. Cette baie, de forme plus ou moins oblongue mais très variable, recouverte d’un épiderme parcheminé, possède une chair riche en sucre et d’une grande valeur nutritive (un kg de dattes représente une ration alimentaire d'environ 2 000 calories). Il existe plus de cent variétés de dattes, lesquelles se distinguent non seulement par l’origine, mais par la couleur, la taille et la forme. Les dattes se vendent sur branches ou en vrac et les variétés les plus recherchées sont les muscades (semi-molles). Elles sont consommées fraîches, fermentées, en confiture, ainsi qu’en confiseries ou séchées. Les graines sont parfois torréfiées comme substitut du café ou servent de nourriture aux animaux. Les jeunes feuilles peuvent être dégustées comme légume (Chou palmiste). On multiplie le palmier dattier à partir des rejets mais aussi par les graines qui germent très rapidement. Phoenix dactylifera est donné comme une espèce primitive apparue il y a 100 millions d’années. Les premiers documents confirmant sa culture remontent à 6000 ans Av. J.-C. Avec presque 5 millions de Palmiers, la palmeraie marocaine couvre 85.000 ha. Outre les dattes, on utilise les palmes comme brise-vent, combustible, nattes, en vannerie et en ameublement, ainsi que les troncs morts comme poutres et gouttières. Le Dattier est le Palmier le plus résistant tant au froid qu’au stress hydrique. A Bordeaux (France), le vieux sujet d’agrément du Jardin botanique résista à des températures négatives soutenues jusqu’a une pointe à -12° et auxquelles même Phoenix canariensis (endémique des Iles Canaries) aurait succombé. Il existe plus d’une dizaine d’autres espèces du genre Phœnix, introduites notamment comme plantes ornementales.

Cet arbre, qui est en fait une grande herbe, possède une résilience dont les qualités essentielles - résistance à la chaleur et au vent de sable - furent insignes pour constituer une formation d’accueil à un écosystème que le Saharien a voulu « modeler » en pleine steppe désertique. A son ombre, une agriculture diversifiée a pu s’épanouir et un cortège de plantes et d’animaux commensaux a proliféré. Le palmier dattier et l’eau furent les fondateurs de l’oasis. L’oasis permit de sédentariser des Hommes pour lesquels chaque lendemain était une inquiétude, un recommencement sans fin. A l’exception passée du recours à l'esclavage pour son entretien, ce système a établi des valeurs exemplaires, a dicté de nouveaux codes, a déterminé de fortes conventions collectives, a fondé une éthique de l'usage de l'eau et de la terre. Mais sous l'effet d'un schéma de développement désormais inapproprié, de lourdes menaces pèsent sur ce modèle.


Les femmes, les enfants et l’oasis d’abord...

Parler d’un écosystème, c’est d’abord s’extasier sur les origines de sa formation, puis attester de sa pérennité depuis la nuit des temps, pour enfin déplorer son présent dysfonctionnement. Cela va durer jusqu’au dernier chapitre du livre, et pire jusqu’à la fin des temps. De notre temps. On pourrait se positionner en sophiste pour annoncer que ce pessimisme connoté réaliste n’est qu’une berlue ordinaire, une vue de l’esprit formatée sur fond de conflits ressassés, un signe illusoire des temps médiatiques maniant le sensationnel dans un besoin de profit. Quoi de plus évènementiel pour les faux prophètes de l’information que l’annonce réitérée d’une proche « fin du monde » ? Même la fin du monde peut être rentable ! Nos analyses critiques accusant l’Homme d’agression contre la biosphère pourraient être démunies du moindre fondement, toutes ces disparitions massives et ces fins de paysages ne venant que s’inscrire dans une évolution régressive naturelle, une involution du Tout vers un Rien. Et nous serions victimes parmi les victimes d’un matraquage vert de quelques marchands de désespoir passés maîtres en lavage de cerveau. Nous serions seulement intoxiqués par l’art de communiquer, contaminés par les prosélytes d’une écoconscience autosuggérée et inhérente à la méthode Coué. Ce contre-pied de l’avocat du diable ne résiste pas, hélas, au moindre examen approfondi de la question et en leurs âmes et consciences, les écologues, des écologistes et quelques politiques acculés à l’heure de vérité voient juste : les espèces, les espaces, tout fout le camp ! Et en l’occurrence,
ils entrevoient jusqu’à l’ennoyage dunaire de la palmeraie, le lent naufrage de l’oasis dans sa mer de sable.

Si l’érosion hydrique et ravinante est une menace majeure pour le Rif et les Atlas, c’est l’érosion éolienne et les risques d’ensablement qui se posent amplement dans les provinces maritimes et continentales du Sud marocain. L’oasis et ses douars sont évidemment les plus exposés, d’autant que sévit une mauvaise utilisation des ressources naturelles provoquant la dégradation du couvert végétal et des sols supports sous la pression des besoins en bois énergétique, du pâturage et de l’extension des cultures itinérantes. On observe avec une acuité croissante l’existence de zones de déflation, de corrasion et de vannage, parallèlement à des secteurs d’accumulations sableuses. Ces accumulations menacent non seulement les palmeraies et leurs parcelles, mais aussi les voies de communications et essentiellement les canaux d’irrigation. Certaines oasis de la région de Zagora sont déjà sérieusement affectées, avec 10.000 ha de superficies recouvertes et plus de 25 % des canaux nécessitant un curage régulier. Dans le Tafilalt, ce sont 6000 ha qui se trouvent envahis. La perte agricole annuelle est considérable. Une lutte mécanique contre cet ensablement bénéficie d’une longue expérience acquise à travers diverses méthodes de fixation et de stabilisation des dunes mais la stratégie, laborieuse et parcellaire, reste limitée à des traitements curatifs et non susceptible de s’attaquer à des zones en amont. Dans la mesure du possible, une lutte biologique est aussi envisagée avec l’installation d’un couvert végétal ou arbustif adapté au milieu aréneux. Faute de connaissances suffisantes en matière d’érosion éolienne, aucun plan prioritaire de lutte et de réhabilitation ne répond pour l’instant à la préoccupation.

Outre les menaces de l’ensablement susceptible de recouvrir les sols fertiles, d’autres grandes causes documentées engendrent un déclin potentiel et hypothèquent gravement l’avenir de l’oasis. La liste non exhaustive comprend :

- Le changement climatique, dont l'accentuation de la sécheresse induit des conséquences sur les disponibilités hydriques, elles-mêmes fondatrices de l'oasis ;
- L'inadéquation de la pression démographique et de l'urbanisation anarchique (perte des valeurs architecturales harmonieuses) par rapport à la capacité de charge très limitée de l'écosystème oasien ;
- La disqualification des opérateurs oasiens dans les échanges économiques et la main-mise des tenants de l'import-export et des transnationales sur les circuits de commercialisation des produits locaux ;
- Les modifications des modes de vie programmés par l’ère de la communication, l’irruption du consumérisme et la mondialisation annoncée, avec une demande des produits manufacturés allochtones au détriment de ceux locaux, tant alimentaires qu’artisanaux, avec crise identitaire et dépréciation ;
- L'absence d'évolution du droit coutumier désormais obsolète, tant sur le foncier que sur l'eau, les modes d'exploitation conduisant au disensus, au morcellement et introduisant des incohérences fortes au sein d’un système relié à des contraintes éminentes ;
- L'absence de prise en compte sérieuse de la spécificité oasienne par les décideurs étatiques, en particulier dans le domaine de la recherche, de l'agriculture, de l'éducation et de la formation continue ;
- Le vieillissement des agriculteurs actifs et la non-relève engendrant la déprise ;
- L’introduction des produits phytosanitaires, des herbicides, des pesticides (
notamment en lutte antiacridienne), l’abandon de l’amendement humique au profit d’engrais (fertilisants organominéraux) trop riches en matières azotées, leur utilisation peu rationnelle, la pollution chimique et la dégradation subséquentes des terres et des eaux, au lieu et place du recours à une agriculture intégrée parfaitement opportune en un tel milieu ;
- L'enclavement et l'éloignement géographique ;
- Le pouvoir du marché international avec des préférences pour des dattes de grande taille, molles et sucrées, à meilleure valeur commerciale. Pour satisfaire cette demande, les phéniciculteurs sont en train de remplacer les différentes variétés traditionnelles par un nombre très réduit de variétés nouvelles offrant un meilleur attrait commercial ;
- L’impact de la maladie du Bayoud, fusariose vasculaire due à un Champignon dont le mycélium se développe de la base vers le sommet de l'arbre, provoquant sa mort lorsqu'il atteint le bourgeon terminal ;
- La salinité des sols, localement provoquée par de mauvaises pratiques d'irrigation, diminuant considérablement la productivité des dattiers alors délaissés par les agriculteurs ;
- La perte des deux tiers du patrimoine phénicicole marocain au cours du XXe siècle, notamment pour certaines des causes susdites.

Toutes ces évolutions négatives conduisent à l'hémorragie des forces vives et à l’exode rural des jeunes oasiens.

Plusieurs programmes visant à la sauvegarde de l’oasis et de ses palmeraies ont été théoriquement lancés ces dernières années. Il s’agit d’abord de l’octroi du label de Réserve de la Biosphère des oasis du Sud marocain de l’UNESCO, à l’intention de la biodiversité et de la géodiversité dont témoignent ces espaces, mais aussi au nom de cette civilisation millénaire de l’Aride et de son remarquable savoir-faire en phase avec les normes dites aujourd’hui de gestion durable. Un plan national de restructuration et de développement de la palmeraie, adopté pour 1998-2010, prévoit quant à lui la plantation ambitieuse de plus d’un million de vitro-plants de variétés résistantes à la maladie du Bayoud. D’innombrables partenaires et bailleurs de fonds internationaux participent à des projets directement inspirés de cet écosystème et de ses habitants. Il existe enfin un Réseau Associatif de Développement Durable des Oasis (RADDO), ainsi qu’un Programme d'Actions Concertées des Oasis (PACO), qui sont en recherche de financement pour leur mise en oeuvre.


De l’oasis à la permaculture
(Sources : Kali De Keyser)

« 
Et je serai pour vous, un enfant laboureur
Qui fait vivre sa terre, pour vous offrir ses fleurs.
 »
Barbara

L'agriculture naturelle ou synergétique, établie par le microbiologiste et agriculteur japonais Masanobu Fukuoka a été adaptée au climat tempéré par des recherches ultérieures et se superpose parfaitement au concept oasien dont elle pourrait représenter une alternative pour un futur viable dans l’option des nouveaux marchés de produits biologiques. C’est une option qui en tout cas vaut largement celle qui consister à polluer chimiquement les jardins de l’oasis pour participer à des normes sans commune mesure avec le potentiel quantitativement dérisoire de telles surfaces. Toute initiative de culture biologique est à la menace d’une mise au rendement intensif des espaces oasiens ce que peut représenter, pour l’émancipation humaine, l’altermondialisme face au ras de marée de la mondialisation et de son jeu de concurrence aveugle.

La synergie, c'est ici l'action simultanée d'éléments indépendants que sont les plantes vasculaires, les micro-organismes, la faune, la flore du sol, l'humus, lesquels ont ensemble un effet plus grand que la somme de leurs parties. Dans ce système agricole clairvoyant, on cultive les plantes dans un sol sauvage qui s'auto-fertilise perpétuellement et se travaille de lui-même. Il n'y a donc pas de labeur du sol, ni de labour : c'est la faune du sol qui s’en charge, les Lombrics et autres nobles décomposeurs. On permet aux cycles biochimiques du sol ainsi qu'aux mycorhizes des plantes de se produire sans être perturbés par une aération excessive ou par un engraissage malvenu. Les apports en fumier, en compost, et tout autre engrais même biologique sont alors superflus puisque la cause primordiale de destruction de l'humus et de sa faune productrice qu’est le travail conventionnel du sol, est abandonnée. Dans la nature, le sol est toujours couvert de végétation, vivante ou morte. De même, en agriculture synergétique, on protège le sol contre l'érosion par le vent, par la pluie, contre le dessèchement par le soleil et contre l'envahissement par les herbes indésirables, grâce à un mulch qu'il soit de paille, de foin sans semences, de laine, de carton, de broyat de broussailles, voire de trèfle rampant. Cette couverture du sol va se décomposer par l'intervention des micro et des macro-organismes qui vivent en quantités innombrables dans un sol non perturbé et vont ainsi créer l'humus microbien, puis l'humus stable, base de la fertilité des sols. On parle de compostage en surface et sur place. Pour semer et pour éclaircir, on écartera ce mulch pour le replacer ensuite. Une grande diversité de plantes (légumes, fleurs compagnes, plantes aromatiques, etc.) sont cultivées en association et en rotation. Rien n'est jamais enfoui. Les plantes se décomposent là où elles ont vécu. Plus il y a de plantes et plus elles sont diversifiées et mélangées, plus le sol est vivant et se nourrit de lui-même. Le désherbage des plantes indésirables se fait à la main par arrachage. On les ajoute à la couche de mulch sauf quand elles sont en graines. La présence de ces herbes diminue d'année en année car c'est le travail du sol qui fait remonter les graines en surface là où elles vont germer. Pour débuter un jardin en synergie, on peut procéder de différentes manières. S’il y a une végétation existante, on s'en débarrasse, soit par des soins du sol les plus superficiels possibles, soit en faisant intervenir des animaux domestiques comme des poules, soit encore en recouvrant le sol avec des cartons ou des tapis. On peut aussi recourir à la technique des plates-bandes surélevées. Ces plates-bandes de la hauteur de la couche humifère (plus elles sont hautes, plus les plantes peuvent y enfouir leurs racines profondément) et d'une largeur telle que l'on peut facilement en atteindre le centre (1,20 m), seront installées une fois pour toutes. Comme on marche sur les chemins et plus jamais sur les plates-bandes, le sol ne se compacte pas et reste bien aéré. Par contre, dans d'autres jardins, les cultures sont au niveau des sentiers. Pour une grande superficie, il n'y a même plus distinction entre plate-bande et sentier. Chacun peut adapter la méthode selon le sol, le climat, les dimensions du terrain et ses propres besoins.

L'agriculture synergétique s'intègre dans la conception écologique des espaces semi-naturels et cultivés qu'est la permaculture. Intégrée à l’écosystème oasien, elle représente un idéal sans compétitivité.


Quand l’oasien voit grand...

Transformer un désert en terre providentielle est un vieux fantasme. Par tradition, de petites étendues ont été irriguées par des galeries souterraines et des puits, ce sont les oasis. Mais ces méthodes d’irrigation n'ont que peu d’utilité pour nourrir de grandes populations. Ceux qui ont survolé certaines régions du Sahara et du désert d’Arabie ont peut-être noté d’immenses champs céréaliers étrangement circulaires. Vus du ciel, ces espaces agraires vert brillant ressemblent à des îles au beau milieu d’une mer mêlant le brun et le jaune pâle. Tels sont les exploitations des fermiers modernes du désert, financés comme en Arabie Saoudite par les revenus de la production pétrolière et dont l’objectif est de faire pousser suffisamment de Blé pour faire face à une population devenue exponentielle, moyennant une irrigation à grande échelle. En dépit du rude climat et de la dégradation générale des sols, la majeure partie du désert reste très fertile. Il ne manque que l’eau en surface. L'eau servant à irriguer ces champs vient donc des entrailles de la terre et surgit à la surface au moyen de pompes motorisées. La forme circulaire des champs résulte du système utilisé pour irriguer le sol. L‘eau souterraine est puisée au centre du champ puis canalisée par l'intermédiaire d’un long bras en métal muni d’ajutages d’arrosage. Ce bras, actionné par des moteurs, tourne lentement en rond, distribuant judicieusement partout l’eau par les ajutages. Ces cultures céréalières hors du commun sont des programmes très ambitieux mais bien des scientifiques estiment que ces tentatives sont très peu prévoyantes car les gisements d'eau fossile ne dureront pas éternellement. En outre, ce type d’irrigation par ajutages gaspille énormément car l'aspersion dans l'air brûlant du désert entraîne l’évaporation de grandes quantités d’eau avant même qu'elle n'imbibe le sol. Bon nombre de régions dites désertiques sont mitoyennes de la mer, source d'eau illimitée. Hélas, le processus de désalinisation qui transforme l'eau salée en eau douce est extrêmement raffiné et rendu complexe à grande échelle, nécessitant d'impressionnantes quantités d'une coûteuse énergie. Les serres sont finalement le seul moyen utile de créer des environnements artificiels. Dans le désert, les serres pour plantes ont le même but que la fermeture du terrier chez les petits Mammifères. L’augmentation de l’humidité y ralentit le taux d'évaporation et bien moins d’eau est consommée pour irriguer. Ce développement de serres agricoles dans le domaine désertique a été largement favorisé par l’introduction des matériaux modernes.


La palmeraie marocaine

D’est en ouest, depuis la zone frontalière avec l’Algérie jusqu’à l’Atlantique, toute la frange subsaharienne marocaine offre un saupoudrage assez régulier d’oasis avec leur formation permanente à
Phoenix dactylifera.

Les principales palmeraies se développent dans les secteurs suivants :

Figuig (100.000 Dattiers et 7 ksour) ; la région de Bouânane à Boudnib ; le Tafilalt entre le Ziz et le Rhéris, depuis Er-Rachidia au nord jusqu’a Erfoud, Rissani et Taouz au sud, Jorf, Goulmima et Tinejdad à l’ouest (la « Mésopotamie » du Maghreb avec 700.000 Dattiers et une cinquantaine de ksour) ; Skoura et la région de Ouarzazate ; Nekob et Tazzarine au sud du Djebel Sagrho ; la haute Vallée du Drâa depuis Agdz, Zagora jusqu’à Mhamid (200 km d’oasis essentiellement alluviales) ; la région de Foum-Zguid ; puis Tissint, Akka-Irhèn, Sidi-Rezzoug, Tata, Souk-Tleta-de-Tagmoute, Imitek, Tisgui-Ida-ou-Ballou, Tagmoute, Souk-Khemis-d’Issafèn, Tazegzaoute, Timkyet, Aït-Mansour, Souk-el-Had-d’Afella-Irhir, Bou-Zarif, région de Tafraoute, Akka, Touzounine, Idgi, Tizgui, Icht, Tamessoult, Id-Âïssa, Taghjicht, Timoulaye, Aït-Bekkou, Tadaltetc. ; et plus à l’intérieur, au nord du Haut Atlas, la fameuse palmeraie de Marrakech (150.000 Dattiers estimés il y a quelques décennies, en régression pour l’inévitable cause immobilière...), et sur le versant atlantique du Haut Atlas, le Pays Ida-ou-Tanane et ses petites oasis de montagne.


Démons et merveilles, ou le temple bien gardé !

« 
Un jour, Hui Tseu demanda à Tchouang Tseu:
- Un homme peut-il réellement vivre sans désirs ?
- Certainement.
- Mais si un homme est sans désirs, est-il vraiment un homme,
peut-il agir ?
- Ce que j'entends par « être sans désirs », c'est uniquement de ne
pas connaître attirance et répulsion qui enchaînent l'esprit.
Observe la nature: ces sentiments n'existent pas dans son monde,
mais dans le monde des Hommes.
 »
Tchouang Tseu

« Jamais la Nature n'est si avilie
que quand l'ignorance superstitieuse est armée de pouvoir. »
Voltaire


Détruire ou maîtriser, cette ambiguïté originelle comme la « tache », est l’unique option de l’Homme quand il pense « nature ». Qu’il s’agisse de la connaissance des simples, dont l’imagination refoulée, l’émotivité inconsciente est chargée d’une symbolique affabulée de « queues », de « cornes », de « sans pattes », de « souterrain », de « gluant », de « morsures » et autres « piqûres » ; ou qu’il s’agisse de l’étude scientifique et de la conservation patrimoniale peuplée d’étiquettes héritées de ces « professeurs qui ont mis le désordre dans le monde », selon le même philosophe Tchouang Tseu, l’un des fondateurs du taoïsme. L’histoire des jardins au cours des âges nous enseigne admirablement l’évolution des rapports que les diverses sociétés ont entretenus avec la nature.

Les Arabes, fils du désert, composèrent des jardins en totale opposition avec le milieu hostile des steppes, des ergs, des regs et des hamadas dont ils sont issus, avec la quête évidente d’un paradis : fontaines rafraîchissantes, végétation luxuriante, parfums des fleurs, chants des Oiseaux, harem féminin, où tout concourt à une volupté qui confine à un très fort degré d’érotisme. C’est l’oasis. Les croisades et l’Espagne musulmane importeront cette composante des Mille et Une Nuits dans une Europe nettement moins raffinée.
Mais dans l’espace oasien, la salutaire interraction est muselée, cette nature n’est pas plus libre que dans les autres figures, elle y reste sous contrôle, sous tutelle : n’y participe pas qui veut ! Au nom du bien et du mal, le Jardin des Délices et des voluptés rejette les indésirables sous les sempiternels préceptes des vieux démons. Les entrées sont soumises à l’approbation du jardinier-régisseur. Dans l’oasis comme ailleurs, le « laisser-vivre » et le « laisser-pousser » sont assimilés au « laisser-aller » et représentent un insurmontable effort sur soi-même. L’agriculture, apparue au Proche-Orient il y a dix mille ans, n’a eu de cesse de veiller à cette dichotomie de l’utile et du nuisible, pensée plus moraliste et esthético-culturelle que rationnelle. Le Crapaud n’est laid, l’Araignée n’est effrayante que par l’intention projetée de celui qui les regarde. Nous prêtons aux plantes et aux animaux nos propres émotions, nous en faisons les écrans de nos projections, les supports de nos frayeurs et de nos désirs, de nos pseudo raisonnements. Nous nous racontons des histoires. Au-delà des causes économiques, politiques, culturelles, sociales, qui rendent ardus les rapports de l’Homme avec la nature, il en est une, beaucoup plus cachée, insaisissable et sourde qui prévaut sur toutes les autres : le maître économique de la planète a peur de la nature, notamment de sa part d'animalité. Et ce depuis la fin du chasseur-cueilleur dont le respect était alors nettement plus universel. Ainsi mentalisé, la tâche n’est guère aisée pour le cultivateur de l’oasis qui n’a rien de l’anachorète. Sa lutte s’avère constante contre les plantes sauvages qui envahissent ses plates-bandes, les animaux intrus qui les détruisent, les parasites qui les rongent, les aléas climatiques qui les menacent. La nature « sauvage » est ainsi vue comme un empire hostile et contre lequel il faut lutter d’arrache-pied.

Les thèmes imbriqués de l’oasis et de l’émotionnel provoqué par certaines formes animales permet ici d’entrevoir la tradition comme à double tranchant. Il est présentement de bon aloi d’encenser les traditions quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent, comme pour exorciser une modernité incontournable. La culture oasienne et le génie de l’irrigation qu’elle implique perpétuent un admirable savoir-faire au service de l’autarcie et illustrent une tradition en effet exemplaire. A l’opposé, les croyances ancestrales véhiculées par la crainte d’animaux aussi inofensifs qu’auxiliaires, et auxquelles adhèrent encore fortement les oasiens est à proscrire. Perpétrée sous le nom de tradition, la bêtise c’est aussi de la culture !


« Qui va là ? »


L’oasis agit comme une « éponge » au cœur de l’univers aréique, absorbant toutes les composantes floristiques et fauniques susceptibles de bénéficier des attraits de la capacité d’accueil de ce havre providentiel d’ombre et de fraîcheur. Pour dissuader le cheptel, l’entièreté ou certaines parcelles sont le plus souvent ceintes de haies plus ou moins vives qui représentent d’appréciables zones de refuges et des réservoirs d’auxiliaires. Les espèces riveraines de la faune du désert, attirées par une telle hospitalité, essaient inlassablement d’y pénétrer mais ne s’y maintiennent que temporairement et au prix d’une « surenchère de l’astuce ». Lorsque l’essai est transformé à plus long terme, parce que le « gardien du temple » a jugé l’espèce soit insignifiante, soit utile, voire sympathique (inoffensive et esthétique selon ses critères subjectifs et culturels), c’est alors la victoire du commensalisme.

Cette biocénose commensale de l’Homme, propre aux jardins sahariens et à l’oasis, peut rassembler, parfois sous la menace permanente pour les visiteurs ou résidents estimés nuisibles, certains petits Mammifères, notamment Rongeurs comme quelques Mériones, Gerbilles et Gerboises, le Porc-épic ; des Insectivores tels le Hérisson d’Algérie (
Erinaceus algerus) et le Hérisson du désert (Paraechinus aethiopicus), quelques Musaraignes ; peu de Chiroptères ; certains Amphibiens tolérés comme le Crapaud de Maurétanie, le Crapaud vert et le Crapaud de Brongersma, la Grenouille verte d’Afrique (forme du Sud marocain) ; des Reptiles qui pénètrent plus ou moins discrètement certaines niches offertes par la palmeraie comme la Tortue grecque, l’Émyde lépreuse, la Tarente de Böhme, le Sténodactyle de Maurétanie, le Sténodactyle de Pétrie (en marge dans les ergs), le Gecko à écailles carénées de Tripolitaine, le Caméléon commun, certains Érémias (en orées rocheuses ou dunaires) et Acanthodactyles, l’Eumécès d’Algérie. Sauf strictement nocturne, l’irruption même discrète d’une Couleuvre fer à cheval, d’une Couleuvre-diadème, d’une Couleuvre vipérine, d’une Couleuvre de Montpellier (d’un contact fréquent dans les parties délaissées de certaines oasis), d’une Couleuvre de Schokar, ou pire d’une Vipère à cornes (Cerastes cerastes) ou d’une Vipère de l’erg (Cerastes vipera) est rapidement suivie d’une battue et du massacre de l’animal. Le paradis est si bien gardé qu’il confère à l’enfer. L’entomofaune est surtout représentée par des Odonates (vie larvaire dans les canaux d’irrigation et les bassins), des Coléoptères (Cicindèles, Carabiques, Buprestes du genre Julodis, Ténébrions, Scarabéidés, etc.)

L’Homme de l’oasis est heureusement moins regardant au niveau des « mauvaises herbes » et tant que la pioche n’est pas passée, tant que la serpette ne s’est pas manifestée, tant que le dictat des marchands d’herbicides se heurtent à une judicieuse économie budgétaire, bien des plantes adventices, bien des haies vives peuvent « fleurir tranquille ». Le fellah qui veille sur l’oasis sait parfaitement ce qu’il doit à cet écran de végétaux de fourvoiement, à ce manteau de chlorophylle sauvage qui protège ses jardins des néfastes effets du rude climat environnant, limitant l’évapotranspiration, coupant l’effet desséchant des vents, suscitant une ombre bienfaisante, façonnant ce microclimat de petite jungle domestique, d’îlot de verdure. La généreuse seguia et ses miraculeuses perditions dispensent une eau non seulement fondatrice des cultures vivrières mais par ailleurs hautement favorable à l’épanouissement de toute une flore, une faunule et un « plancton » aérien dont on ne peut que déplorer qu’ils soient si sévèrement contrôlés par l’Homme amphitryon.

Au Maroc, pays de traditions vivantes, l’oasis prêche en faveur d’un mariage « presque » harmonieux entre agriculture douce et milieu naturel. Elle démontre que peuvent se manifester des associations viables entre les activités humaines et une vie commensale d’espèces rudérales.
A la question conservatoire de plus en plus posée, l’oasis apporte une réponse plus culturelle que scientifique.


Les Papillons de la palmeraie

Quelques Papillons de jour veillent à la qualité des sites oasiens et en dénoncent encore l’absence de chimie perturbante. Il s’agit de certaines Piérides rudérales comme : la Piéride des Biscutelles (
Euchloe crameri) et la Piéride du Sisymbre (E. belemia), surtout le Zébré-de-vert (Euchloe falloui) lié à sa belle Brassicacée des confins sahariens qu’est Moricandia arvensis, poussant parfois en orée des cultures oasiennes, l’Aurore de l’érémial (Anthocharis belia androgyne) (strictement dans les oasis au sud de l’Anti-Atlas occidental et jusqu’à la palmeraie de Taghjicht sur les rives de l’Oued Seyad), quelques Lycènes solidaires de Légumineuses tels que : l’Azuré porte-queue (Lampides boeticus), l’Azuré de la Luzerne (Leptotes pirithous), l’Azuré de la Surelle (Zizeeria knysna), l’Azuré de la Bugrane (Polyommatus icarus), l’Azuré du Mimosa (Azanus jesous) et l’Azuré du Seyal (A. ubaldus), parasites des Acacias des haies agricoles, le Petit Monarque (Danaus chrysippus) quand survient en berges des seguias sa plante-hôte ripicole Asclepias curassavica ou transfuge des peuplements sahariens de Calotropis procera, plante de la même famille et également consommée par la chenille de ce célèbre Papillon migrateur. Certaines années exceptionnellement favorables, quelques Lépidoptères propres au Sahara marocain ou à la Mauritanie ont été signalés des oasis du Sud-Ouest marocain ou de leurs alentours : il s’agit de présences instables des Piérides Colotis chrysonome meinertzhageni (se développant sur Maerua crassifolia) et Catopsilia forella (sur des espèces de Cassiers). Une espèce invasive comme la Belle Dame (Cynthia cardui) se manifeste certaines saisons dans les jardins de la bordure saharienne mais ses dégats sur les cultures ne sont pas effectifs.

Les années succédant aux campagnes d’épandages chimiques contre les invasions acridiennes voient s’effondrer l’effectif des Papillons, comme de toute la biocénose affine au Sahara et à ses confins. La rémanence des produits encore utilisés fait que bien des oasis sont désormais abiotiques, la récupération de la faunule n’étant pas toujours possible dans un milieu synthétisé par l’empoisonnement durable choisi contre une infestation… naturelle et spasmodique.


L’avifaune oasienne

« 
Les oiseaux sont responsables de trois au moins des grandes malédictions qui pèsent sur l’Homme. Ils lui ont donné le désir de grimper aux arbres, celui de voler, celui de chanter. »
Boris Vian

C'est une avifaune très diversifiée, qui trouve refuge non seulement dans les palmeraies, mais aussi dans tous les espaces culturaux, jardins et vergers environnants. Une bonne quarantaine d’espèces sédentaires, plus ou moins erratiques selon les saisons, et à régimes alimentaires variés, essaient de profiter au mieux des ressources de ces milieux anthropiques artificiels, comme le Faucon crécerelle (
Falco tinnunculus), la Chouette effraie (Tyto alba), la Chouette hulotte (Strix aluco), la Chouette chevêche (Athene noctua), le Cochevis huppé (Galerida cristata), le Cratérope fauve (Turdoides fulvus) le Traquet à tête blanche (Oenanthe leucopyga), le Bouvreuil githagine (Rhodopechys githaginea) et de nombreux autres Fringilles.  Parmi ces espèces sédentaires, on trouve encore, nettement plus localisés, le Moineau blanc (Passer simplex) et le Corbeau brun (Corvus ruficollis), notamment dans le Tafilalt, mais que l'on peut aussi rencontrer nettement plus au sud du pays, dans le Sahara marocain. Quant au Bruant striolé (Emberiza striolata), il est souvent très commun, non seulement dans le milieu oasien, mais aussi dans toutes les zones prédésertiques et désertiques.

Les oasis servent également d’aires d’hivernage à une bonne vingtaine d’espèces européennes qui les choisissent comme étapes ultimes de leurs déplacements, en particulier le Rouge-queue noir (Phoenicurus ochruros), la Grive musicienne (Turdus philomelos) et le  Rouge-gorge familier (Erithacus rubecula).

Plusieurs espèces habitant les oasis sont des visiteurs d'été, à régime insectivore, comme la Caille des blés (
Coturnix coturnix), la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur), l’Engoulevent d’Égypte (Caprimulgus aegyptius), le Guêpier de Perse (Merops persicus), l'Agrobate roux (Cercotrichas galactotes), le Rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos) et l'Hypolaïs pâle (Hippolais pallida).

Mais la grande importance des oasis réside aussi dans le fait que celles-ci servent de lieux d'escales pour de très nombreuses espèces migratrices européennes ou nord-africaines, traversant le Sahara au cours de leurs voyages qui les mènent dans leurs quartiers d’hiver (de fin août à fin octobre), ou de retour vers leurs lieux de nidification (de fin février jusqu’en mai). Ces espèces, souvent insectivores, s’arrêtent pour reconstituer leurs forces aux abords des différents points d’eau permanents ou temporaires de la région, qui hébergent une abondance élevée de leurs proies. Parmi ces nombreuses espèces, citons le Hibou petit-duc (
Otus scops), le Coucou gris (Cuculus canorus), l'Engoulevent d'Europe (Caprimulgus europaeus), le Martinet noir (Apus apus), le Guêpier d'Europe (Merops apiaster), la Huppe fasciée (Upupa epops), le Torcol fourmilier (Jynx torquilla), l'Alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla), l'Hirondelle rustique (Hirundo rustica), l'Hirondelle rousseline (Hirundo daurica), l'Hirondelle de fenêtre (Delichon urbica), l'Hirondelle de rivage (Riparia riparia), le Pipit des arbres (Anthus trivialis), la Bergeronnette grise (Motacilla alba), la Bergeronnette printanière (Motacilla flava), la Pie-grièche à tête rousse (Lanius senator), la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus), le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus), l'Hypolaïs polyglotte (Hippolais polyglotta), la Fauvette grisette (Sylvia communis), la Fauvette des jardins (Sylvia borin), la Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla), la Fauvette orphée (Sylvia hortensis), la Fauvette passerinette (Sylvia cantillans), le Pouillot fitis (Phylloscopus trochilus), le Pouillot véloce (Phylloscopus collybita), le Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli), le Gobe-mouches gris (Muscicapa striata), le Gobe-mouches noir (Ficedula hypoleuca), le Tarier des prés (Saxicola rubetra), le Traquet motteux (Oenanthe oenanthe), le Rouge-queue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus), la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) et le Loriot d'Europe (Oriolus oriolus). 

Tous ces Oiseaux et notamment les Insectivores paient un très lourd tribu lors des épandages antiacridiens.


La poudre aux yeux

« 
L’erreur fondamentale réside dans le contrôle autoritaire
qui a été accordé aux intérêts des agences agricoles.
Il y a, après tout, plusieurs autres intérêts en jeu :
il y a les problèmes de pollution des eaux, de pollution du sol,
de protection de la faune, de santé publique.
Pourtant, le sujet est appréhendé comme si les intérêts de l’agriculture étaient suprêmes,
ou en fait, les seuls.
 »
Rachel Carson.

La problématique des traitements antiacridiens a déjà été abordée au chapitre de l’arganeraie. Mais le domaine oasien qui s’y trouve tant exposé nécessite qu’on y revienne et pas spécialement dans l’angle de vue strictement marocain, mais dans le contexte global des pays du Sahel de l’Afrique de l’Ouest. Durant les années 2003-04 et parallèlement à l’écriture de ce livre, ces contrées furent terriblement touchées par les invasions de Locustes de l’espèce
Schistocerca gregaria, avec quelques sérieuses alertes dans les parages subsahariens d’Afrique du Nord, y compris du Maroc. Loin de tout pathos, les questions essentielles que l’on doit se poser sont les suivantes : Faut-il traiter ? Comment ? Et pourquoi ?

La réponse à la première question est notamment induite par celle de la seconde. Voilà des décennies que l’on nous berne avec la promesse de la faisabilité de lutte alternative (dite biologique) en la matière. Soit l’abandon irrémédiable des pesticides chimiques (bioaccumulatifs et à toxicité aiguë) dont nous ne reviendrons ni sur la liste historique des produits utilisés, ni sur leurs méfaits à long terme, tant au niveau du milieu qu’à celui de la santé humaine, et ce, au profit de substances « propres » dont les dernières entrées en lice semblent avoir été certains mycopesticides. Alors qu’en est-il sur le terrain en cette année 2004 de lutte intensive ? On remarquera tout d’abord que pour l’opinion publique, relayée par les médias (ou inversement !), la notion d’intervention logistique compte nettement davantage que les moyens et substances utilisés. La première est évidemment plus évènementielle : il faut éteindre le « feu » ! Et la fin justifie les moyens.

On peut lire plus d’une centaine d’articles de presse sur les épandages menés dans les nations où sévit cette prolifération : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye, le Sénégal, le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie (pays le plus touché avec 1,6 million d'hectares), sans qu’il soit question d’éclairer sur la nature du « pesticide ». L’omerta est totale dans les médias d’informations non spécialisés, tout comme dans les discours destinés aux populations victimes. Certaines craintes sont parfois émises sur la pointe des pieds. C’est alors qu’au cours d’un reportage pour une télévision, à l’inquiétude émise par un cultivateur mauritanien sur le danger du produit, un opérateur ne portant pas de masque répondit qu’il avait aussi des enfants, que le risque était nul et que les femmes pourront d’ici deux heures se rendre de nouveau au puits. Mais à une demande de traiter dans le village proche infesté de locustes, la réponse fut négative en raison de la dangerosité du produit...

Sur le site officiel antiacridien marocain, la photothèque nous enseigne de sinistres équipes de « guerriers intersidéraux » en tenues de combat : énigmatiques combinaisons du même orange « rassurant » que celui du camp de Guantanamo, masques, bottes et gants sur un scénario Tchernobyl, moyens terrestres, aéronefs, on vide des milliers de tonneaux bleus dans une atmosphère irrespirable de film catastrophe, et tout à la guise. A l’examen d’une telle mascarade chargée de dangerosité, si l’on en croit l’équipement hyperbolique, peut-on espérer que les substances utilisées, tout en étant nullement alternatives, soient néanmoins « adéquates, efficaces et inoffensives » tel que les décideurs et les médias relais ont la complaisance de l’annoncer ?

Alors de quel « produit » s’agit-il ? Voici quelques extraits de communications qui, sous forme d’aveux, parfois nuancés par de subtils euphémismes, en donnent une timide idée. Dans l’objectif d’une victoire un peu illusoire sur le Criquet-ennemi, on y note soit le recours à des pesticides « inoffensifs » (sans plus de données), soit l’échec ou l’insuffisance des produits respectueux de l’environnement et la contrainte du recours aux sempiternels poisons.

« Le pire a fini par arriver. Tiznit, Taroudannt et Guelmin sont envahies depuis le 20 octobre par des essaims de Criquets particulièrement voraces venus de la Mauritanie. Leur nombre très important bloque la circulation et plonge le Sud du Maroc tout entier dans un nuage opaque. C’est à présent l’Atlas qui est menacé par ces Insectes ravageurs se dirigeant vers le nord.
Pour ce qui est des pesticides, le Maroc prévoit l’acquisition de 4,2 millions de litres. Ce qui permettra de traiter entre 3,5 et 5 millions d’hectares. Au cours de la journée de lundi 25 octobre, a précisé le général Hosni Benslimane, coordinateur de la campagne anti-acridienne, un total de 224.000 hectares ont été traités avec des pesticides inoffensifs pour les produits frais. Car la production agricole dans la région du Souss représente 40 % des exportations marocaines de fruits et tomates, soit un chiffre annuel de 7 milliards de dirhams. » (Maroc Hebdo International, 29 octobre 2004).

« En Algérie et au Maroc, les autorités doivent aussi lutter contre le commerce des Criquets. Parce qu'ils sont sources de protéines, ces Insectes sont souvent ramassés par la population des douars isolés du Sud et proposés à la vente, en dépit de l'interdiction des autorités : la contamination par les pesticides les rend impropres à la consommation. En Algérie, à Ouargla, 950 kg de Criquets ont été saisis par la gendarmerie sur les marchés de la ville ces trois dernières semaines. Les pluies ont fait bondir leur prix, de 50 dinars le kilo (0,5 euro) à environ 350 dinars (3,5 euros) et ils sont recherchés comme des remèdes miracles contre certaines pathologies. Au Maroc, les autorités sont confrontées au même problème, notamment dans la région de Tiznit, où le sac de 50 kg se négociait, ces derniers jours, à près de 200 dirhams (20 euros environ). Les spécialistes tentent, pour cette raison, d'utiliser des insecticides moins toxiques : le fipronil – connu en France sous le nom de Régent, et interdit en raison de sa toxicité pour les Abeilles – est ainsi interdit en traitement total, au profit d'autres produits (deltamétrine, fenitrothion, dérégulateurs de croissance). Les spécialistes doivent cependant arbitrer entre la toxicité et la nécessité de traiter efficacement les essaims qui menacent l'Afrique du Nord. » (Le Monde, 30 avril 2004).

« Des essais sur deux biopesticides seront menés à grande échelle en ce mois d'octobre en Mauritanie. Si les résultats s'avèrent probants et confirment l'efficacité que ces mêmes produits ont démontrée lors de tests à petite échelle, ils seront utilisés dans les prochaines campagnes de lutte antiacridienne. » (FAO, extrait du communiqué de presse du 1 octobre 2004).

« Keith Cresman, expert de la lutte antiacridienne auprès de la FAO à Rome, explique que les pesticides recommandés par la FAO se dispersent assez rapidement de manière à ne pas nuire à l’environnement. Mais cela veut aussi dire que de tels pesticides sont inefficaces lorsqu’une zone déjà pulvérisée est réinfestée par des Criquets. « Nous utilisons des pesticides qui, après 24 à 48 heures, ne sont plus suffisamment efficaces pour tuer les Criquets, » a t-il indiqué à IRIN. » (IRIN News.org, 6 octobre 2004).

« La FAO fournit également des conseils techniques aux pays touchés et assure le suivi de la mise en oeuvre des opérations de lutte. Elle encourage l'utilisation de pesticides qui ne soient pas dangereux pour l'environnement et la santé humaine et animale, tout en examinant attentivement le recours à des moyens de lutte alternatifs. » (FAO Salle de presse, 2 septembre 2004).

« Deux équipes d'épandage de pesticide ont été dépêchées en Mauritanie et des avions de lutte antiacridienne affrétés au Soudan. Il existe également d'autres méthodes de lutte moins chimiques, tels les mycopesticides (spores de Champignons pathogènes pour le Criquet) ou les phérormones (substances chimiques « brouillant » celles émises par les Insectes). Mais elles n'ont jamais été utilisées à grande échelle et ne sont pas non plus sans conséquences pour l'environnement, souligne Michel Lecoq. Plus les épandages de pesticides seront donc effectués tôt, moins les zones traitées seront importantes. D'où la nécessité d'agir vite. » (LCI Live, 6 octobre 2004).

« Pour lutter contre les invasions de Criquets, les acridologues disposent de plusieurs insecticides chimiques. Les organochlorés (DDT et dieldrine), interdits dans les années 1980 à cause de leurs effets nocifs sur la biosphère, ont été remplacés par les organophosphorés (fenitrothion et malathion), les carbamates (bendiocarbe), les pyrethrinoïdes (deltamethrine et lambdacyhalotrhine), l'imidacloprid (matière active du Gaucho) et le fipronil (matière active du Régent). Néanmoins, ces insecticides ne sont pas anodins lorsque, en cas d'invasion, ils sont épandus en grandes quantités sur de vastes surfaces. Ainsi, l'Union Européenne a demandé que tout traitement soit suivi d'une étude d'impact sur l'environnement. » (Le Monde, 31 août 2004).

« Désormais inéluctable, la lutte chimique est à nouveau engagée contre les Criquets pèlerins en Afrique de l’Ouest. Pourtant, après l’invasion de 1986, un biopesticide avait été mis au point pour prévenir ce fléau. Au Bénin, des voix s’élèvent pour dénoncer l’imprévoyance des États africains.
Quand les Criquets s’amènent, tout le monde dit « On ne s’y attendait pas ! » Quand ils repartent, on dit « Ouf ! », et on les oublie jusqu’à leur prochaine invasion!. Le Hollandais Christiaan Kooyman, coordonnateur du Programme régional de lutte intégrée contre les sauteriaux au Sahel, est très déçu. Dans son bureau à l’IITA (Institut international d’agriculture tropicale), situé à la sortie ouest de Cotonou, la métropole béninoise, il déplore l’imprévoyance des États africains qui auraient pu, selon lui, éviter l’invasion acridienne et ses nombreuses conséquences. Il aurait suffi, pour cela, qu’ils utilisent le Green Muscle, un biopesticide préventif, obtenu par la culture du Champignon Metarhizum anisopliae dont les spores tuent les juvéniles au sol.
Dans un article publié au début du mois de septembre par le quotidien cotonois La Nouvelle Tribune, Kogblévi Aziadomè, agro-pédologue et ancien ministre béninois de l’Environnement et de l’Urbanisme, s’est lui aussi montré amer à l’égard des dirigeants africains qui ne savent qu’en appeler aux bailleurs de fonds : « Apportez-nous ceci, apportez-nous cela. Surtout n’oubliez pas ceci, n’occultez pas cela. Nous allons mourir, nous sommes morts ». (Fernand Nouwligbéto & Christian G. Roko, La catastrophe qu’on aurait pu éviter, Quartier libre).

Dans la mesure où seuls des traitements chimiques traditionnels sont estimés tendre à une efficacité minimale, sachant que
le remède est pire que le mal, qu’il y va de l’empoisonnement du sol, de l’anéantissement de toutes les phytocénoses et biocénoses sur d’immenses horizons et de risques considérables pour la santé humaine (à suivre sur des décennies), il s’agit apparemment de mesures parfaitement nuisibles. Faut-il ajouter que ces épandages, même quand ils parviennent à détruire momentanément les Criquets pèlerins ne préservent nullement les cultures, déjà atteintes (puisque la défaillance de mesures préliminaires est récurrente) ou qui le seront lors de l’essaim suivant. Et de préciser que de mémoire d’Homme, ces pullulations ne sont que le résultat de paramètres écoclimatiques additionnels et qu’elles ne perdurent pas au-delà de deux saisons.

Dans les « livres », le Criquet est toujours considéré comme un fléau, à l’exemple de la bible où il représente la septième plaie de l'Égypte. Il n’en demeure pas moins qu’en Afrique et depuis les premiers temps, le Criquet, dès lors qu’il se manifestait en vols massifs, a toujours nourri les Hommes. La tête et les pattes ôtées, bouilli à l’eau ou rôti à la braise, l’Insecte est un mets très comparable aux crevettes grises. Et ces millions d’Orthoptères en grappes sur les plantes, avec des femelles gonflées de petits oeufs jaunes, constituent une manne alimentaire traditionnellement cueillie et vendue par quintaux. « 
La sauterelle mange tout, mais tous la mangent » est une maxime courante chez les nomades sahariens. En Ahaggar, une fois grillés, ces Acridiens sont même pilés au mortier et stockés dans des sacs pour être plus tard consommés dans des dattes broyées ou en galettes avec de la farine de Blé.

A défaut d’une consommation boulimique
, laisser passer les nuages de Criquets avec une assistance alimentaire des populations subsahariennes aux modestes cultures vivrières ne coûterait peut-être pas plus cher que les budgets intérieurs et internationaux mis au service des campagnes chimiques et dont le résultat protecteur est quasiment nul mais la destruction à long terme et en partie irréversible des écosystèmes parfaitement et tristement documentée. La dernière invasion de Criquets pèlerins en 1987-89 avait coûté 300 millions de dollars à la communauté internationale. Ce n’est que pour rassurer les populations qu’on les empoisonne ! Mais ceci est politiquement correct et d’un humanitaire douteux si l’on en croit les partenaires australiens venus prêter main forte en contrepartie des promesses du gouvernement mauritaniens quant à une réciprocité concernant les importants gisements de pétrole récemment découverts dans ce pays et dont l’exploitation devrait démarrer à la fin de l’année 2005. Charité bien ordonnée... (Arte, 29 septembre 2004).

Et ne soyons pas naïfs, ce n’est pas pour protéger la maigre céréaliculture de quelques maaders, de grarats temporaires et des oasis que les pays concernés optent pour une telle stratégie agressive. Au Maroc, par exemple, par les couloirs d’infiltration des vallées des fleuves sahariens, le fléau peut atteindre le grenier du pays et le diktat économique et son caractère de préemption de mettre à l’abri les richesses agricoles des grandes plaines intérieures est là pour couper toute option alternative. L’alerte consiste donc à barrer la route d’accès à une production nationale qui contribue pour 15 à 20 % du P.I.B. avec 5,4 millions d'ha de céréales (67 %) et 760.000 d'ha d'arbres fruitiers (9 %), employant 42 % de la population active, soit 80 % de la population active rurale. En ce qui concerne les pâturages, certains spécialistes rapportent que théoriquement un essaim couvrant le sol sur 25 km2 d'une densité de 100 Insectes posés au mètre carré, est capable de consommer autant d'herbage qu'un troupeau de Bovins de 50.000 têtes. En une journée, 1 km2 d’essaim peut anéantir cent tonnes de matière végétale. Avec une telle menace, il ne peut être question d’une valse hésitation et l’on peut alors ranger la lutte biologique sur les rayons de l’expérimental, à ne ressortir qu’une fois passé l’alerte.

Face à l’impératif capitaliste, la santé des populations et des écosystèmes subsaharien et saharien ne fait pas le poids. Toute hyper production a un prix à payer. Ici, l’agriculture intensive prend les écosystèmes et les populations riveraines en otages, avec une promesse de suivi médical très aléatoire pour ces dernières. Et puis dans ces contrées, la maladie voire la mort n’y sont elles pas encore que de simples fatalités ? La production en agrumes de la Vallée du Souss, quant à elle, ne peut être soumise à la moindre fatalité, même d’une manne céleste. Soumise à une soucieuse et rigoureuse gestion (non durable !), elle vaut mieux que l’Homme.

Les traitements antiacridiens ne sont peut-être pas que de la poudre aux yeux. Mais les yeux commencent à nous irriter sérieusement. Notamment depuis 1962 et Printemps silencieux de Rachel Carson, célèbre océanographe américaine, qui pour la première fois mis « la puce à l’oreille » sur l’emploi du DDT, combat crucial qui s’acheva tout de même par son interdiction. Avant Silent Spring, nous ne connaissions pas les ministères de l'environnement et en français du moins, le mot pollution n’était utilisé que dans sa seconde acception que lui assigne le Littré : « émission spermatique involontaire » ! Il y eut hélas un bémol à cette victoire : la résurgence massive du paludisme suite à la réduction des épandages de DDT.

Depuis le temps de ce spectre d’un antimonde dystopique, les spécialistes nous tiennent en haleine avec les promesses d’une lutte biologique tant espérée, notamment pour les écosystèmes arides, les plus sensibles. Mais les « printemps stériles » ne sont pas en reste et pour l’instant, les produits respectueux de l’environnement le sont pour les plates-bandes de nos jardins de banlieue, d’où toute naturalité a disparu depuis des lustres. Même l’incitation au régime végétarien est suspicieuse sans une disponibilité démocratique de produits biologiques présentement confinés dans le créneau élitaire : les fruits et légumes dont nous nous nourrissons, pour la plupart issus de régions pestiférées vouées au maraîchage intensif et bioterroriste (figure de proue pour l’Europe : la mer de plastiques et d’engrais chimiques d’Almeria, Espagne) sont gorgés de biocides. Aucun des quotas réglementaires n’est respecté. Le taux moyen de cancers est de 35 % supérieur à celui de 1978 et l’origine principale est notre alimentation. Pauvres enfants que ceux que l’on a régalé avec ces superbes tomates et poivrons conditionnés et sans la moindre « piqûre » d’Insecte ! Toujours cette phobie de la nature et cette confiance aveugle pour le génie humain. Alors, avec un tel dédain pour le consommateur « informé » de nos dites démocraties, comment peut-on espérer des compagnies mafieuses de produits phytosanitaires, véritables empoisonneurs publics coupables du lent écocide de la biosphère, une attitude lucide et respectueuse quand il s’agit de traiter les nuages de
Schistocerca gregaria en certains pays où l’ignorance fait triompher la corruption !

« 
Rio + 10, Stockholm + 30, Johannesburg 2002. On m’invite à miser sur ces conférences.
D’un point de vue éducatif, j’ai perdu confiance en ces forums.
Je ne gage plus sur ces rencontres entre les chefs des nations, où règne une langue de bois.
Non, où règne plutôt une langue morte, une langue de béton.
Ils sont trop inféodés à une vision comptable et marchande du monde
où la croissance économique est devenue le principal impératif.
 »
Tom Berryman (
Printemps silencieux + 40).