L’Oriental

« Quand l’homme ne tue pas l’homme, il tue ce qu’il peut, c’est-à-dire ce qui l’entoure. Il sort de son cadre, veut prendre la place des forêts et des animaux, souille les rivières, pollue l’air, se multiplie sans raison, se bâtit un enfer et s’étonne ensuite naïvement de n’y pouvoir vivre. »
René Fallet

Au pays du Levant

« Trop à l'Est, il y a l'Ouest. »
Proverbe anglais

Au Maroc, la meseta est un domaine structural qui se manifeste de part et d’autre de l’ossature plissée et faillée des Moyen et Haut Atlas, tant à l’ouest pour ce qui concerne les plates-formes atlantiques, qu’à l’est pour ce qui est des Hauts Plateaux communs avec l’Oranais et généralement désignés au Maroc sous le vocable générique de l’Oriental. Cette région de l'Oriental se situe dans la partie est et nord-est du pays, délimitée à l’ouest par l’Oued Moulouya, au nord par la Méditerranée et au sud par les limites de la courbe isohyète saharienne 100 mm, voire celle plus significative des 150 mm. La frontière sud-orientale de cette écorégion peut donc se situer aux alentours de la Plaine de Tamlelt (région de Bouârfa) ou du Djebel Krouz limitrophe avec l’Algérie voisine, et celle sud-occidentale aux limites avec le Haut Atlas. Ces hautes terres partagées avec l’Algérie sont souvent désignées sous le vocable restrictif des Plateaux du Dahra. La Meseta orientale couvre une superficie totale d'environ 82.000 km
2, soit 11,6 % de la superficie globale du Royaume. Oujda, Berkane, Nador, Jerada, Taourirt et Figuig (déjà sous influence saharienne avec un univers oasien) en sont les principales villes.

Cet panorama mésétien est parfois rehaussé ou bordé d’un système collinéen, notamment dans sa partie septentrionale : ce sont alors les Monts de l’Oriental, lesquels, du point de vue orographique, peuvent être déjà attribués à l’Atlas Tellien (ou Tell algérien), aussi nommé Sahel oranais. Cette chaîne prend la suite de la Cordillère rifaine depuis la Moulouya jusqu’au Cap Bon (Tunisie) pour former en façade méditerranéenne le continuum de l’ossature frontale du Maghreb. Ayant délaissé à l’ouest le Moyen Atlas, ou franchissant plus au nord l’étroit couloir de Taza qui sépare le versant atlantique de celui méditerranéen, le voyageur pénètre dans l’Oriental une fois passé le fleuve Moulouya qui en est la frontière naturelle. Et c’est aussi la porte d’entrée dans un nouveau monde très particulier pour qui visite les écosystèmes puisqu’
il est immédiatement identifié par la steppe à Alfa : cette grande Graminée qui a perte de vue imprime au paysage une morne physionomie et dont elle représente la figure climacique. C’est aussi un vaste univers de terres de parcours extensifs.

La structure lithologique de ce « no man’s land » se réparti sommairement entre Jurassique et Crétacé (calcaires, dolomies avec gabbros, dolérites et basaltes), et des sédiments néogènes et quaternaires. Les sols des hautes plaines sont bruns, de croûte calcaire, caractéristiques du bioclimat semi-aride. Sur les modestes reliefs, avec de meilleures précipitations, les sols deviennent de type brun fersialitique.

Région de faible humidité, les précipitations ne sont que de quelques 300 mm sur la meseta et parviennent très localement à l’isohyète 600 mm sur les monts, notamment ceux privilégiés de Beni-Snassen, îlot de bioclimat subhumide au milieu de cet horizon semi-aride avec variantes à hivers frais et froid, voire aride ou per-aride plus au sud en se rapprochant du saharien. Exception faite de la frange méditerranéenne, le climat est franchement continental, avec des vents d’est et du sud à effet desséchant et causant une évapotranspiration dommageable. L’enneigement est partout nul ou très rare. L’essentiel de l’Oriental et de ses hautes plaines maroco-oranaises appartient au mésoméditerranéen, sauf les reliefs et le littoral qui s’encartent dans le thermoméditerranéen. Cette écorégion à gradient bioclimatique relativement sec est celle où prédominent les formations steppiques et quelques forêts sclérophylles.

Au Maroc et hors milieux de cultures, les principaux types de végétations sont la forêt, le matorral, l’erme et la steppe. Dans le vaste Oriental, ces quatre types se manifestent très inégalement et impriment au paysage une particulière physionomie, résultant de l’accumulation majoritaire de tel ou tel végétal, au sein d’une faible diversité. Floristiquement, l’ensemble s’inclut dans la région méditerranéenne avec un contingent d’entités de souche irano-touranienne.

La division physionomique proposée se résume ici aux Hauts Plateaux de la steppe à Alfa et aux Monts de Beni-Snassen, avec un bref regard sur la plaine de la Moulouya et ses écosystèmes dunaires maritimes à halophytes d’estuaire.


Les Hauts Plateaux : un océan d’Alfa

L’Alfa

Le genre Stipa rassemble des Graminées vivaces, hautes et puissantes, propres à l’aride mais non sahariennes. La plus connue car prééminente est Stipa tenacissima (Alfa) dont le nom latin évoque le sens de la résistance et de la lutte. L’Alfa possède des rhizomes courts et fortement ramifiés, munis de racines adventives. Ses tiges robustes peuvent atteindre 150 cm de hauteur et sont coiffées par des épis de graines. L’Alfa occupe sept millions d’hectares en Afrique du Nord et la superficie nationale marocaine de cette herbe est estimée à trois millions d’hectares (bilan douteux car ce même chiffre est repris depuis le protectorat !), dont l’essentiel couvre les sols bien drainés et à texture grossière des hautes plaines orientales. L’Alfa fit l’objet d’une forte exploitation désormais en complète désuétude. Plus de 50.000 tonnes étaient par exemple exportés, notamment vers la Grande Bretagne, jusque dans les années 60. L’Alfa est parfois aussi désigné sous le nom de Sparte, notamment dans bien des dictionnaires, mais le vrai Sparte est Lygeum spartum (halfa mahboula, Alfa fou), d’écologie plus gypsophyte bien que souvent présent dans les mêmes formations alfatières, se distinguant facilement par ses inflorescences entourées d’une large spathe enveloppant les épillets. Après rouissage, le Sparte et l’Alfa sont utilisés en « sparterie », art de fabriquer des cordes, nattes, tapis, paniers, corbeilles, chaussures du type espadrille, etc. D’autres utilisations de l’Alfa à partir des feuilles adultes sont celles pseudo industrielles d'une pâte de papier d’imprimerie et de tissus grossiers. Il sert également au rembourrage. Les jeunes feuilles ont un intérêt pastoral.


La steppe alfatière et sa phytocénose

Les formations à Graminées sont souvent induites par des facteurs anthropozoogènes et représentent alors un processus de dégradation, notamment par la substitution du matorral (stade initial de transformation) en une steppe herbacée mieux adaptée à la xéricité stationnelle. Elles peuvent aussi dériver de formations présteppiques. Mais en montagne ou en haute plaine et sous climat aride ou saharien, grâce à un ensemencement soutenu, voire par la fragmentation des touffes,
la formation herbacée stabilisée devient une véritable expression climatique : il en est ainsi de la steppe alfatière. Un aspect de cette steppe graminéenne est parfois chétivement arbustif ou arboré par la présence de Jujubiers, de rares Genévriers oxycèdres ou de Thuyas.

L’Alfa couvre presque uniformément l’essentiel des Hauts Plateaux situés à l’ouest d’une ligne reliant Melilla à Er-Rachidia où la grande Graminée trouve son optimum bioclimatique. Elle prend aussi part à la végétation de quelques secteurs des collines de cette même région, notamment à l’est du Massif de Debdou, en piémont occidental des Monts de Beni-Snassen et sur la plus grande partie des reliefs ondulés qui s’étendent d’El-Aïoun à Jerada et à la frontière algérienne. Plus au sud, la steppe alfatière cède alors la place à des figures nettement sahariennes et de bien moindre couvert, du type steppes claires de regs plus ou moins ensablés, formations à
Aristida obtusa (excellente plante pastorale et bonne fixatrice du sol), steppes ligneuses à Fredolia, à Haloxylon scoparium, mais Stipa tenacissima est encore bien présent sur quelques secteurs très avancés entre Boudnib et Figuig. Certains massifs subsahariens dominant la haute plaine s’avèrent très favorisés, c’est par exemple le cas du Djebel Krouz, immédiatement à l’ouest de Figuig, qui abrite une riche diversité végétale avec quelques endémiques comme Lyautea ahmedi (Fabacée) et où se développe une juniperaie rouge (Juniperus phoenicea).

Sur des aires au sol plus riche et à recouvrement non jointif, viennent s’infiltrer des chaméphytes, ligneux de taille modeste, comme l’Armoise blanche (
Artemisia herba-alba) vulnérabilisée par une forte appétabilité pour le cheptel, et des Thyms comme Thymus ciliatus. Des Légumineuses thérophytes variées émergent, fleurissent et grainent en un temps record dans les espaces les moins garnis, voire sur des terrains lacunaires, dès qu’une pluie favorable annonce une providence pour ces plantes opportunistes.

Un certain nombre d’autres végétaux peuvent se fourvoyer de façon parcellaire ou constituer des sous-strates au sein de la nappe alfatière qui néanmoins reste floristiquement pauvre et peu diversifiée. En voici un bref aperçu hétérogène, inspiré de localités variées des Hauts Plateaux et agrémenté de quelques autres plantes vasculaires de l’Oriental tabulaire.

AIZOACEAE :
Aizoon hispanicum
APIACEAE :
Brachyapium graveolens, Deverra sp.
ASTERACEAE :
Atractylis humilis, Carbina involucrata, Centaurea lagascae, Onopordon acaule, Santolina rosmarinifolia
BRASSICACEAE :
Malcomia africana
CARYOPHYLLACEAE :
Paronychia argentea
CHENOPODIACEAE :
Anabasis aretioides, Atriplex dimorphostegia, A. glauca, Halogeton alopecuroides, H. sativus, Noaea mucronata, Nucularia perrini, Polycnemun fontanesii, Salsola tetrandra, S. gemmascens, Suaeda mollis
CISTACEAE :
Fumana thymifolia, Helianthemum apertum, H. cinereum, H hirtum, H. lipii, H. syriacum, H. virgatum
CONVOLVULACEAE :
Convolvulus valentinus
DIPSACACEAE :
Scabiosa stellata
EUPHORBIACEAE :
Euphorbia calyptrata, E. serrata
FABACEAE :
Coronilla juncea, Cronanthus biflorus, Ebenus pennata, Genista ramosissima, Hippocrepis scabra, Lotus corniculatus
GLOBULARIACEAE :
Globularia alypum
LAMIACEAE :
Rosmarinus officinalis, Teucrium polium, Thymus ciliatus
POACEAE :
Bromus rubens, Stipa parviflora, Lygeum spartum, etc.
PLANTAGINACEAE :
Plantago albicans
RANUNCULACEAE :
Delphinium peregrinum
RUBIACEAE :
Asperula cynanchica
THYMELAEACEAE :
Thymelaea microphylla, Th. virescens

Sur les Hauts Plateaux, quelques autres types d’écosystèmes subsidiaires et spacialement restreints peuvent venir rompre la physionomie graminéenne plutôt monotone. Il s’agit alors de la ripisylve à Lauriers-roses, à Saules ou à Tamaris (il existe entre-autres une tamariçaie linéaire de grande vigueur peu à l’ouest d’Aïn-Benimathar), de la pistaciaie à
Pistacia atlantica, élément irano-touranien dont les boisements ont été détruits pour la fabrication de l’huile de cade et qui ne subsiste que sous protections traditionnelle et maraboutique (un beau défilé de sujets puissants se maintient de part et d’autre de la route entre le Col de Jerada et Aïn-Benimathar), etc. Enfin, quelques indices très dégradés de l’arganeraie (Argania spinosa) persistent au pied des Monts de Debdou, en piémont nord-ouest des Beni-Snassen et au sud d’El-Aïoun où la station est quasiment éteinte. Ces isolats témoignent d’un lointain passé chorographique outre-Souss de l’Arganier.

Parmi les cryptogames les plus remarquables du Maroc que sont les Ascomycètes hypogés ou Truffes (
terfass), plusieurs espèces sont propres aux nappes aflatières, il s’agit de Tirmania pinoyi et de T. nivea, associées à Helianthemum hirtum, ainsi que Terfezia boudieri, T. claveryi et Picoa juniperi associées à Helianthemum lipii et H. apertum.


Zoocénose

La grande faune sur le déclin

L’Hyène rayée semble avoir pris la tangente du Maroc oriental puisqu’on est sans nouvelle du Carnivore dans cette immensité depuis une vingtaine d’années. Il en restait au Maroc un millier d’individus (évaluation des années 90), concentrés bien loin d’ici sur le littoral saharien atlantique, où les garnisons militaires stationnées dans ces régions n’ont probablement pas dû représenter les conditions d’une symbiose adéquate ! Bilan peut-être moins pessimiste pour le Lynx caracal dont les derniers signalements de la région d’Oujda correspondent à des localisations de 1987 à 1995, hélas sans actualisation depuis. Pour ce qui est des Gazelles, la région de Missour (notamment Outat-El-Haj) reste l’un des secteurs marocains d’observations de la Gazelle de Cuvier, et plus épisodiquement de la Gazelle dorcas. Là aussi, la pression pastorale hypothèque gravement la bonne optimisation de maintien et l’entièreté d’une zone minimale de 10.000 ha devrait être soustraite au pacage si l’on veut en maintenir le pool génétique. La Gazelle de Cuvier n'est pas une espèce du désert proprement dit et fréquente des zones montagneuses (jusqu’à 2100 m d’altitude) et boisées où elle vit en petits troupeaux de cinq à six individus. Dans l’Oriental, elle se nourrit notamment d'Alfa. Si la Gazelle dorcas ne semble se maintenir difficilement que dans la région d’Outat-El-Haj et sur le Djebel Grouz, la Gazelle de Cuvier possède des groupes çà et là sur tous les Haut Plateaux, mais l’effectif général tend à s’amenuiser. Le Mouflon à manchettes a disparu du Maroc nord-oriental (un programme de réintroduction existe dans les Monts de Beni-Snassen) et n’en finit plus de régresser dans tout l’Oriental, où l’on ne recense déjà plus qu’une vingtaine de sujets en réserves. Le Renard roux et le Chacal se maintiennent globalement tout en payant un lourd tribut aux fatales campagnes d’empoisonnement et plus sporadiquement aux épandages – toujours chimiques – contre les invasions acridiennes. Quant au Lièvre du Cap, il est particulièrement à l’aise dans l’océan d’Alfa où l’on ne manque pas d’admirer les prouesses de sa course.


La gent trotte-menu

« Je suis oiseau : voyez mes ailes (...)
je suis souris, vivent les rats. ! »
La Fontaine

Par leur « profil bas », le petit monde des Rongeurs et des Insectivores est parfaitement adapté à cet univers steppique, en témoignent pour le visiteur les innombrables terriers que l’on peut y constater, champs par places véritablement minés. Le Rat de sable diurne est à cet effet un véritable « Rongeur » du sol et se complait notamment dans le labyrinthe des touffes de Chenopodiacées dont il se nourrit. Si la densité habituelle ne dépasse guère la centaine d’individus à l’hectare, il peut connaître des acmés populationels et la pullulation est alors un peu alarmante. Diurne comme l’Écureuil de Barbarie, il est d’observation très aisée. Les Mériones et les Gerbilles, nocturnes et essentiellement granivores, peuvent causer quelques ravages aux cultures céréalières alentours, stockant à n’en plus finir des réserves dans leurs terriers. Les Gerbillidés ne colonisent que des milieux naturels et ne sont pas des commensaux comme les Rats et les Souris. On peut reconnaître sur les Hauts Plateaux : le Mérione de Shaw (Meriones shawi), le Mérione à queue rouge (Meriones libycus), le Mérione du désert (Meriones crassus), la Petite Gerbille de sable (Gerbillus gerbillus), la Petite Gerbille à queue courte (Dipodillus simoni), la Gerbille champêtre (Gerbillus campestris), le Rat de sable diurne (Psammomys obesus), le Pachyuromys à queue en massue (Pachyuromys duprasi), la Grande Gerboise (Jaculus orientalis), la Petite Gerboise (Jaculus jaculus), le Goundi d’Afrique du Nord (Ctenodactylus goundi), le Porc-épic (Hystrix cristata), l’Écureuil de Barbarie (Atlantoxerus getulus), le Lérot (Eliomys quercynus), le Mulot (Apodemus sylvaticus), le Rat noir (Rattus rattus), la Souris grise (Mus musculus), le Hérisson d’Algérie (Erinaceus algerus), le Rat à trompe (Elephantilus rozeti), liste à laquelle s’ajoutent quelques rares chiroptères en quête d’abris.


La reptation dans la steppe alfatière

« Il était un pauvre serpent qui collectionnait toutes ses peaux. C’était l’homme. »
Jean Giraudoux

Exception faite de quelques doux poètes très en marge, l’Homme semble n’avoir que deux regards sur le vivant : ce qu’il pourchasse et détruit pour trop l’apprécier, comme la Gazelle ou l’Outarde, et ce qu’il pourchasse et détruit pour l’exécrer comme dans le cas irrationnel des Reptiles. Les Serpents des Hauts Plateaux n’ont pas fait exception, d’autant plus que dans ce vaste observatoire morne et tranquille, le berger est un redoutable prédateur au quotidien qui tôt ou tard saura vaincre le Reptile repéré. Comme dans l’arganeraie ou le Sahara, de nombreuses espèces sont également pourchassées pour leur usage dans la pharmacopée traditionnelle ou consommées par les populations locales, sans parler de la non moindre prédation pour la vente aux touristes. L’animal le plus traqué et symbole de cet acharnement « pluridisciplinaire » est sans doute le Fouette-queue, qui plus est fréquemment écrasé sur les routes et les pistes. Sur les plateaux ou les petits reliefs de cet écosystème un peu mystérieux, les espèces suivantes sont, selon les cas,  encore observables ou seulement signalées et difficilement repérables : la Tarente commune, le Sténodactyle de Maurétanie, le Saurodactyle de Maurétanie (géonémie occidentale), le Caméléon commun (condamné au sol et souvent découvert dans sa vaine tentative de chercher à se hisser au plus haut des Graminées ployant sous le poids de l’animal...), l’Agame de Bibron, l’Agame changeant, le Fouette-queue (
dob), le Psammodrome algire (limite occidentale), le Psammodrome de Blanc, le Lézard à oeil de serpent (un indigène exclusif des lieux puisque sa chorologie se limite à la zone alfatière entre Debdou et Aïn-Benimathar), l’Érémias d’Olivier, l’Érémias à gouttelettes, l’Acanthodactyle commun, l’Acanthodactyle-panthère, l’Acanthodactyle rugueux, l’Acanthodactyle de Duméril (pressenti mais très en marge dans les formations aréneuses), le Seps ocellé, le Petit Seps tridactyle, l’Eumécès d’Algérie, le Trogonophis jaune (très étrange Amphisbénien), le Boa javelot (rarissime et seul représentant du genre Eryx au Maroc, de mœurs souterraines, il a été observé ça et là sur les Haut Plateaux), la Couleuvre fer à cheval, la Couleuvre à capuchon, la Couleuvre vipérine, la Couleuvre de Montpellier, la Couleuvre de Schokar, la Vipère de Mauritanie, la Vipère à cornes (présence probable) et la Couleuvre fouisseuse à diadème (il n’existe qu’un seul signalement des Hauts Plateaux de cette petite espèce saharienne).


Des arbres pour les Caméléons !

Le Caméléon est un petit animal fascinant à de nombreux points de vue, tant dans son habitus que dans son éthologie. Il porte sur lui une certaine signature ancestrale et sa lenteur légendaire lui confère un aspect de « je-m’en-foutisme » eu égard à l’échelle des temps. Le premier caractère qui nous interpelle est évidemment son aptitude cryptique à changer de teintes, modification due aux cellules pigmentaires de sa peau. Cette capacité est aussi utilisée en cas de danger. Son système oculaire n’est pas banal non plus. Ses yeux s’orientent dans toutes les directions et bougent indépendamment l’un de l’autre, ce qui lui procure un champ de vision très opérationnel. Autre trait remarquable est sa langue protractile et collante, démesurément longue (la moitié de la longueur de son corps) et qui jaillit pour capturer les proies. Enfin, son adaptation à la vie arboricole est un prodige de formatage évolutif : des pattes longues et fines munies de doigts soudés les uns aux autres pour servir comme une pince. La queue est préhensile et lui permet de s’accrocher puissamment. Tout concourt ainsi à l’efficacité... sauf que dans la steppe marocaine de l’Oriental où l’animal a persisté, tout arbre ou presque en a disparu ! Le Caméléon devra t’il attendre de nouveau quelques millions d’années pour un nouvel « équipement » ou va t’il plus logiquement disparaître « à force de se casser la gueule » ? Toujours est-il que le voir progresser un pas en avant, deux en arrière, dans les touffes d’Alfa quand il tente d’en escalader les tiges est un spectacle désolant. Tout comme celui de ces Caméléons, stimulés par un rafraîchissement de fin de saison, qui avaient escaladé début octobre les piquets d’une clôture de périmètre en défends (plantation d’
Atriplex) dans la région d’Enjil. Une pluie de fin d’été ne suffit pas à reconstruire la forêt perdue ! Nous en avions « décrochés » une vingtaine de ces ersatz d’arbustes, chacun semblant tourner en haut de son piquet comme un animal de cirque. Trois années plus tard, les gens du coin ne croyant plus ni au futur, ni à la régénération, avaient démoli la clôture, reconverti les piquets en calories dendro-énergétiques (!), récupéré les barbelés, pour se réapproprier l’espace et les Caméléons n’avaient plus d’ascension possible. Faut pas rêver !


Un Boa au Maroc ?

Rien de bien constricteur chez ce Boa des sables dont la taille fort modeste est d’une cinquantaine de centimètres et qui mène une vie souterraine dans le sol meuble d’où il n’en sort que le soir pour chasser les petits Rongeurs. Le Boa javelot (Eryx jaculus) est rarissime dans l’Oriental (les seules stations connues en sont : Outat-Oulad-el-Haj, Tigri et Zaïao), tout comme en général en Méditerranée (Afrique du Nord, Balkans, Asie Mineure, Proche-Orient).


Des racines et des ailes...

Avec un modeste inventaire d’une quarantaine d’espèces nidificatrices, les Oiseaux de ce monde uniforme tout en bromes, en touffes et en racines sont évidemment spécialisés et en sont d’autant plus intéressants. Pour la steppe à Alfa, on peut citer : l’Outarde houbara (nicheuse régulière, tout autant « protégée » que pourchassée par une chasse acharnée), le Hibou grand-duc, le Courvite isabelle, le Sirli du désert, le Traquet à tête grise, le Pluvier guignard (en hiver) et le Sirli de Dupont qui est un habitant fidèle de cet écosystème. Dans les zones à Armoises (Artemisia spp.), tel le secteur de Fouchal-Matarka, sur des sols plus riches que ceux où se développe Stipa tenacissima, on note aussi : la Perdrix gambra, le Sirli de Dupont, l’Alouette de Clot-Bey, l’Alouette bilophe, ainsi que des espèces propres au biome saharien comme : l’Ammomane du désert, l’Ammomane élégante, le Bouvreuil githagine que viennent compléter bien des espèces communes aux espaces alfatiers. Les Gangas unibande et cata sont signalés comme potentiellement abondants, avec des pics d’invasions épisodiques pouvant réunir 100.000 Gangas catas et 1000 Gangas unibandes.


Savoir tremper sa plume

L'apparition des plumes dans la lignée reptilienne qui est à l'origine des Oiseaux demeure énigmatique. Dans l’échelle évolutive, l’homéothermie ayant devancée l’acquisition du vol, leur fonction initiale semble avoir été plutôt cette régulation thermique du corps par le maintien d’une couche d’air isolante. Les compétences à voler seraient advenues ultérieurement, précédant encore les remarquables transformations des plumes des ailes et de la queue à l’usage des contraintes aérodynamiques. Pour exemple les Manchots, inaptes au vol mais excellents nageurs, dont le corps est recouvert de plumes écaillées. Production cutanée de kératine minéralisée, en dépit des apparences la plume ne pousse qu’en des zones bien précises que l’on nomme les ptyrélies. Le plumage fait office de couche protectrice contre le froid, de moyen de communication visuel et de plan de sustentation dans l'air. Correspondant à 5 % du poids d’un Oiseau, il y a 1000 plumes sur le corps d’un Rouge-gorge et 25.000 sur celui d’un Cygne. Le nombre de rémiges et leur longueur étant invariable à l’intérieur de chaque espèce, cette formule alaire tient lieu de critère identitaire et distinctif en ornithologie. Deux substances permettent la toilette et l'imperméabilisation : une poudre cireuse issue de plumes déterminées et une huile secrétée par la glande uropygienne.

Parmi les nombreuses plumes spécialisées, les plumes ventrales des Gangas des zones arides assurent le transport de l'eau pour abreuver les poussins. Sur le Plateau de l’Oriental, ces colombiformes grégaires vivent parfois à plusieurs dizaines de kilomètres des points d'eau qu’ils regagnent un bref instant matin et soir pour y tremper leurs plumes ventrales qui absorbent spontanément le liquide comme des éponges, puis s’en retournent ravitailler leurs petits.

Sortes de Pigeons des sables, granivores et essentiellement sédentaires, il existe au Maroc cinq espèces de Gangas aux robes variées comme le Ganga cata (
Pterocles alchata), le Ganga unibande (Pterocles orientalis), le Ganga couronné (Pterocles coronatus), le Ganga tacheté (Pterocles senegallus) et la Ganga de Lichtenstein (Pterocles lichtensteinii).


Des limicoles dans un désert

Les limicoles sont les Oiseaux qui vivent et se nourrissent sur la vase, grâce à leurs pattes et à leurs becs adaptés à ce milieu humide. On les rencontre donc sur les rivages.

Pourtant, la steppe alfatière de l’Oriental abrite deux limicoles du désert, peut-être victimes d’un mirage prolongé ! Il s’agit du Pluvier guignard (
Charadrius morinellus), petit Échassier dont le trait le plus remarquable est constitué par les lignes blanches qui partant des yeux se rejoignent en « v » sur la nuque. Il a choisi les Hauts Plateaux comme aire d’hivernage et sur cette steppe il se nourrit d’Insectes. L’autre, nettement plus répandu dans toutes les zones arides marocaines où il est sédentaire, est l’élégant et véloce Courvite isabelle (Cursorius cursor), de couleur sable (jaune isabelle), la face inférieure de ses ailes noire quand il vole.


Les Arthropodes de la steppe : une faunule tenace

La faunule s’en tire à bon compte car elle n’est guère repérable. Celle de la steppe à Alfa se tient tapissée, terrassée, enfouie sous couvert des croûtes et des rochers, pour ne sortir qu’à la faveur des moments de fraîcheur que peuvent apporter la nuit ou la pluie. Quelques Scorpions (
Androctonus aenas liouvillei est un Scorpion noir connu de la région d’Oujda) et de nombreuses Araignées en sont les symboliques représentants. Parmi les Insectes, ce sont surtout des Coléoptères comme les Ténébrions, voire quelques Carabiques spécialisés, qui hantent les trouées d’Alfa et les oueds temporaires.


Les Papillons de la steppe

Les steppes même arides ne sont pas vides de vie comme pourrait le croire le grand public mais leur monotonie spécifique est réelle. Du point de vue entomologique et à l’image des sombres futaies monospécifiques, le peu de diversité floristique entraîne une version minimaliste du cortège, laquelle n’est pas une banalisation car les entités spécialisées y sont souvent de grande valeur. Il est ainsi aisé de comprendre qu’une haute plaine monospécifique à
Stipa tenacissima va n’engendrer qu’une entomofaune tributaire de la grande Graminée et des quelques plantes qui viennent s’y fourvoyer, à la faveur notamment des rares accidents de terrain favorisant l’établissement de précieux refuges.

Les Papillons de jour ayant les Poacées comme ressource trophique de leur vie larvaire appartiennent à la sous-famille des Satyrines (
Nymphalidae Satyrinae), Papillons d’été généralement bruns, d’ordinaire avec des ocelles nets au verso de l’aile postérieure, et un ou davantage, plus visible, dans la zone apicale de l’aile antérieure. Ces ocelles tendent à effrayer les Oiseaux et les Lézards prédateurs, ou plus subtilement à préserver les parties vitales du corps en détournant l’attention sur les ailes. Fuyant la lumière, leurs chenilles sont nocturnes et comme les Graminées sont pauvres en protéines, la croissance larvaire est à longue échéance (plusieurs mois). Berberia abdelkader (Le Grand Nègre berbère) est l’indicateur prioritaire et presque universel des nappes alfatières d’Afrique du Nord, exception faite des trop vastes platitudes de terrain car ce grand volateur ne s’établit que sur des versants ou des systèmes collinéens où les courants d’airs dynamisent son vol ascensionnel. C’est toujours un étonnant spectacle que de contempler l’élégante chorégraphie d’un groupe de ces noirs Papillons monter et descendre inlassablement au vent leur pan d’Alfa, à la recherche de leurs femelles indolentes et blotties dans les immenses touffes, un peu comme le font les blancs apollons des montagnes alpines. A la première alerte, au moindre nuage, ou une fois accompli le temps de vol, ils s’abattent à l’unisson dans l’océan d’Alfa et y disparaissent. Compte tenu de l’insolation extrême de l’habitat, c’est tôt le matin puis aussi en fin de journée qu’ont lieu les vols. L’animal doit se protéger des trop fortes ardeurs solaires et l’effet sciaphile de la grande Graminée est alors très efficace. La parade nuptiale des Berberia est assez raffinée : le mâle poursuit au sol la femelle dénichée et prétendue, laquelle fait d’abord fi de la persécution ; puis le couple virevolte, les ailes frémissantes, avec parfois l’appui d’un second mâle comme rabatteur de la femelle récalcitrante ; ce ballet peut durer de très longues minutes, après quoi le couple enfin soudé s’immobilise un certain temps. La femelle ne pond ses oeufs que sur des jeunes tiges, tendres et consommables par les chenilles néonates. Une grande race (la ssp. taghzefti) habite les collines alfatières les plus occidentales, depuis la Moulouya jusqu’à l’écotone intra-atlasique, entre le versant méridional du Moyen Atlas central et le Haut Atlas oriental (région de Missour et Midelt). A l’est de la Moulouya, on retrouve la forme nominative algérienne, notamment dans les steppes alfatières du sud d’Oujda. Une trop forte pression du pastoralisme ou une suite d’années de stress hydrique biffe le Grand Nègre berbère du paysage de l’Oriental. La mise à sac de la steppe à Alfa tenacissima par sa surexploitation entraîne irrémédiablement le recul puis l’extinction du Papillon.

Quelques autres Satyrines d’une même biologie et aux exigences similaires peuvent être les compagnons de vol de l’emblématique Berberia. Il s’agit de la Fausse Coronide (Hipparchia hansii), plus rupicole et tardive (septembre), cantonnée aux modestes affleurements et calottes pierreuses dominant la plaine alfatière ; et surtout du Grand Hermite (Chazara prieuri kebira), Lépidoptère rare et sensible, chaque fois plus exceptionnel, dont l’aire marocaine se limite à la moitié ouest de l’Oriental (bien qu’il existe en Algérie).

Une grande Fabacée se rencontre parfois au cœur de la nappe alfatière : c’est
Coronilla juncea, très prisée par le cheptel et donc d’un maintien toujours hypothétique. Elle entraîne la présence de deux fines espèces de Zygènes endémiques, indicatrices d’un bon équilibre : Zygaena excelsa (seulement quelques colonies marocaines sont connues, toutes limitées à l’Oriental) et Z. algira qui peut présenter des effectifs très fournis. Ces splendides Hétérocères volent dans la région de Midelt, de Missour et de Jerada. La dernière localité semble avoir été détruite il y a une dizaine d’années par un broutage excessive de la Coronille en jonc.


Menaces et état des lieux

Des Oiseaux et des émirs

« 
Que peuvent les lois, là où ne règne que l’argent ? »
Pétrone

Tous les observateurs et acteurs de ce milieu s’accordent à constater que l’impact anthropique irraisonné, notamment le surpacage des parcours collectifs, est à l’origine de la régression des habitants les plus emblématiques des systèmes steppiques de l’Oriental marocain. C‘est notamment le cas de l’Outarde houbara (ou Petite Outarde huppée) (
Chlamydotis undulata), ce bel Oiseau d’Afrique du Nord (et des Iles Canaries) à la parade nuptiale extraordinaire et dont l’écologie est par ailleurs encore assez méconnue. Sédentaire, se nourrissant d'Insectes et de graines, cet Otididé habite des zones ouvertes, semi-désertiques, plus ou moins plates ou ondulées, la steppe alfatière constituant au Maroc son meilleur réservoir. Outre le dérangement dans les lieux de nidification par les troupeaux, l’anéantissement parfois irrémédiable de l’habitat, voire le petit braconnage comme le prélèvement d’œufs, il faut aussi désigner la surchasse comme facteur majeur de la raréfaction de l’Oiseau, tout autant proie de prédilection des chasseurs fortunés des émirats arabes, que strictement protégé par des textes nationaux et internationaux. Mais que peuvent les lois là où sévit la fortune ? Qui parcourt les hautes plaines depuis Missour jusqu’à Aïn-Benimathar va immanquablement croiser des postes d’assistance installés à l’année par certains émirats ayant jeté leur dévolu sur l’Oiseau. De telles unités sont officiellement en place sur tout le territoire concerné pour veiller sur l’univers convoité. Il est fréquent de croiser une escouade de ces chasseurs, se déplaçant en cortège d’une dizaine de véhicules tous terrains et de camions, souvent immatriculés en Arabie Saoudite. Une véritable économie locale vit des retombées de cette activité pour le moins équivoque puisque officiellement tolérée et favorisée par des décideurs nationaux, nonobstant des critères tant diplomatiques qu’économiques bien compréhensifs dans le cadre des aléas politiques. Il en va de même dans les steppes algérienne et tunisienne où les mêmes émirs exercent une semblable pression, l’Outarde arabique ayant été éradiquée dans leurs propres pays. Des tableaux de chasse affligeants de plusieurs centaines, voire milliers d’Outardes sont rapportés d’Algérie et les tueries marocaines sont censément du même ordre. Cette prédation effrénée est due à la prédilection bien connue des émirs fauconniers pour cet Oiseau. C’est un paradoxe et l’avenir de l’Outarde houbara, partout décimée pour les mêmes raisons, semble tout autant compromis au Maroc où sa protection rigoureuse reste à l’ordre du jour dans les couloirs de certains ministères, tandis que d’autres sont chargés de l’accueil des « braconniers officiels ». L’un de ces intrépides chasseurs y a même laissé la vie en Algérie : « L'émir qui avait été accidentellement blessé par un militaire dans le sud algérien est décédé. Le défunt était venu avec une grande délégation de son pays braconner l'outarde et la gazelle nationales. Emporté par sa passion, il s'était aventuré dans une zone militaire. L'un de nos braves djounoud voyant un homme en kamis arriver sur lui n'a pas réfléchi longtemps. On ne réfléchit pas quand on croit avoir un terroriste en face de soi. L'émir a finalement succombé à ses blessures. » (Le Matin, Alger, 17 janvier 2004).

Pour faire amende honorable, un Emirates Center for Wildlife Propagation (ECWP) fut créé en octobre 1995 par le Président des Émirats Arabes Unis avec l’initiative d’élever l’Outarde houbara pour en assurer une réintroduction et un repeuplement dans tout l’Est marocain. Il s’agit en fait et sans euphémisme d’acquérir un potentiel de reproduction pour assurer des lâchers destinés à la chasse, ainsi qu’on le fait ailleurs pour les Perdrix ou les Faisans. Un premier centre d’élevage apte à gérer 40.000 km2 est opérationnel dans la région de Missour, un autre est en cours de finalisation dans la vallée d’Enjil. La production annuelle est encore expérimentale puisqu’en dépit des efforts, elle n’a atteint que 793 oisillons en 2002. L’objectif escompté pour 2008 consiste en un lâcher annuel de 5000 spécimens. Ce qui serait un minimum pour suppléer au carnage supputé par les observateurs de ce « sport ». En Arabie Saoudite, l’Autruche, l’Outarde arabique et l’Houbara bénéficient de tels projets et il est dit que le programme de reproduction des deux premières espèces citées a donné de si bons résultats qu’on les relâche maintenant dans certaines zones « protégées ». Il est à espérer soit que la chasse puisse reprendre à domicile ou bien que de pareils résultats soient obtenus au Maroc pour faire de l’Outarde houbara un trophée de chasse non sauvage.
Dans ce cas, comme dans celui de l’extinction finale, c’est dans l’éthique naturaliste exactement synonyme d’une même perte pour la biodiversité sauvage.


Le beurre et l’argent du beurre
ou la politique de l’Autruche au service de l’Outarde

De toute façon, la pantomime n’a guère séduit l’institution protectrice (IUCN) qui n’est pas dupe. En voici pour preuve l’une des dernières résolutions :

« CONSTATANT avec vif regret qu’en dépit de la Recommandation 1.27
Protection de l’outarde houbara, adoptée par le Congrès mondial de la nature à la 1ère Session (Montréal 1996), l’outarde houbara (Chlamydotis undulata) continue à être chassée illégalement sur l’ensemble de son aire de répartition en Afrique ;
PRÉOCCUPÉ par la chasse illicite et non durable, y compris l’utilisation de moyens perfectionnés, qui met de plus en plus en péril l’outarde houbara et d’autres espèces rares, menacées d’extinction ;
NOTANT que la plupart des pays de l’aire de répartition, en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, notamment en tant que Parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), à la Convention sur les espèces migratrices (CMS ou Convention de Bonn) et à la Convention sur la diversité biologique (CDB) se sont engagés à protéger l’outarde houbara ;
RAPPELANT que selon la communauté scientifique internationale, il existe deux espèces d’outarde houbara : une espèce nord-africaine (
Chlamydotis undulata) et une espèce asiatique (Chlamydotis macqueenii) ;

Le Congrès mondial de la nature, réuni du 4 au 1 octobre 2000 à Amman, Jordanie, pour sa 2e Session :
PRIE instamment les États d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne :
a) d’honorer leurs engagements internationaux et d’appliquer leurs législations nationales respectives en n’autorisant plus la chasse des populations d’outardes houbara aujourd’hui menacées d’extinction en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne ; et
b) de mettre en oeuvre des plans de gestion pertinents dans le but de développer l’utilisation durable de cette espèce. »

Vœu pieu.


L'Emirates Center for Wildlife Propagation communique...
présenté par Frédéric Lacroix, Directeur exécutif.

« L’Emirates Center for Wildlife Propagation (ECWP) a été créé en Octobre 1995 par Sa Majesté le Sheikh Zayed Bin Sultan Al Nahyan, Président des Émirats Arabes Unis, avec pour objectif prioritaire la définition et la mise en œuvre d’une stratégie de gestion rationnelle de l’Outarde houbara (
Chlamydotis undulata undulata) dans l’Oriental marocain, stratégie associant la restauration et la conservation de populations naturelles d’Outarde et le maintien d’une activité de chasse traditionnelle au Faucon.

Contexte

L’Outarde houbara est un Oiseau adapté au milieu désertique, vivant dans les plaines arides, les steppes, généralement au couvert végétal pauvre et dont la pluviométrie se situe entre 50 mm et 200 mm par an. Les populations se reproduisant en Asie Centrale sont migratrices alors que celles du Moyen Orient, d’Afrique, du Pakistan et de l’Inde sont non migratrices mais effectuent de petits déplacements en réponse aux variations de ressources alimentaires locales.

L’Outarde houbara appartient à la famille des Otididés. On distingue deux espèces :
C. undulata (plumes de parade de cou noires, plumes de la huppe blanches), séparée en deux sous-espèces : C. undulata undulata dont l’aire de distribution comprend toute l’Afrique du Nord jusqu’au Sinaï et C. undulata fuertaventurae dont l’aire de distribution se limite aux Iles Canaries ; C. macqueenii (plumes de parade de cou noires et blanches, plumes de la huppe blanches avec un centre noir), espèce asiatique répartie depuis le Sinaï jusqu’à la Mongolie.

L’Oiseau est de taille moyenne, mesurant 55-65 cm de hauteur et 135-170 cm d’envergure. Le poids corporel des mâles est de 1500-2300 g alors que celui des femelles est de 900-1700 g. La face dorsale de l’Oiseau est de coloration sable ponctuée de noir.
Des plumes de parade noires encadrent le cou. La face inférieure est blanche. Le vol laisse apparaître les tâches noires des ailes. L’Outarde houbara a la faculté physiologique de pouvoir se passer d’eau libre et de se contenter de l’eau contenue dans les aliments. Cette particularité, associée à des capacités exceptionnelles de thermorégulation en milieu extrême, font de cet Oiseau un modèle d’adaptation au milieu désertique et une richesse naturelle irremplaçable pour l’Oriental marocain.

L’Outarde houbara a toujours constitué le gibier de choix pour la chasse traditionnelle au Faucon pratiquée par les fauconniers arabes. Les récentes mutations sociales et économiques provoquées dans ces pays par les revenus pétroliers ont encore accentué, dans les années 70, le caractère emblématique de l’Oiseau. La chasse au Faucon de l’Outarde houbara revêt désormais un caractère culturel et identitaire fort, et est vécue par beaucoup, princes ou non, comme la célébration de traditions ancestrales. Malheureusement, les revenus pétroliers ont aussi permis une augmentation importante de l’effort de chasse. La chasse intensive, conjuguée à une forte dégradation des habitats causée par l’exploration pétrolière, le surpâturage et les programmes d’aménagement agricole, expliquent le rapide déclin, à partir des années 70, des populations d’Outarde houbara dans toute leur aire de distribution, depuis le Maroc au Sinaï pour l’espèce nord-africaine et du Sinaï jusqu’en Mongolie en passant par les steppes d’Asie centrale pour l’espèce asiatique.

Cette situation a poussé les organisations internationales de conservation à réviser le statut de l’Oiseau pour inciter les différentes parties concernées (pays et chasseurs) à prendre des mesures garantissant une utilisation durable de l’espèce. Ainsi, un certain nombre de fauconniers arabes ont compris, à partir du milieu des années 80, que l’avenir de la fauconnerie arabe passait par la mise en œuvre effective de programmes de conservation de l’Outarde. Plusieurs initiatives ont alors été lancées en Arabie en 1986 avec la création du National Wildlife Research Center (NWRC), à Abu Dhabi en 1990 avec la création du National Avian Research Center (NARC), et en Octobre 1995, au Maroc, avec la création de l’ECWP par Sa Majesté le Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan.

Le projet ECWP résulte ainsi de la volonté commune des autorités marocaines et du Président des Émirats Arabes Unis de développer un programme visant à stopper le déclin des populations d’outarde houbara dans l’Oriental marocain tout en permettant à l’art traditionnel de la fauconnerie arabe de se maintenir sur le long terme.


Organisation et objectifs

L’ECWP est basé à Missour, Province de Boulemane et gère une zone de 40 000 km² répartie entre les Provinces de Boulemane, Figuig et Taourirt, dans le nord-est du Maroc (région de l’Oriental marocain). Le projet se compose de deux stations d’élevage et de plusieurs stations de terrain réparties sur l’ensemble du territoire d’étude.

Les premières années ont été utilement mises à profit pour structurer les installations, développer les ressources humaines, évaluer les potentialités locales et ont permis de formuler, fin 1999, une stratégie de développement sur 10 ans, adaptée au contexte local, et permettant d’atteindre l’objectif ultime énoncé précédemment.

Cette stratégie combine de front différentes approches :


L’établissement d’un élevage en captivité capable de produire annuellement et sur le long terme des surplus d’Oiseaux pour assurer des opérations de renforcement de populations naturelles.
L’élevage de l’Outarde houbara est un processus long et complexe. Seule la reproduction par insémination artificielle d’Oiseaux parfaitement imprégnés permet d’envisager des résultats de production significatifs. L’ECWP a atteint un haut niveau d’expertise dans les techniques d’élevage de l’Outarde houbara. La production d’Oiseaux progresse régulièrement depuis 1999 (151 poussins ont été produits en 1999, 2147 en 2004), l’objectif étant de produire 5000 Outardes par an à partir de 2008.


L’étude écologique des populations naturelles d’Outarde houbara afin de proposer des mesures pertinentes de conservation et de gestion durable de l’espèce.
La conservation des populations naturelles d’Outarde a été reconnue, dés le début, comme une condition essentielle au succès du projet. Cependant, les informations sur l’écologie et la biologie de l’Outarde nord-africaine restaient très limitées et, en particulier, les données sur la situation des populations naturelles dans l’Oriental marocain faisaient cruellement défaut. C’est pourquoi, dés 1996, l’ECWP a mis en place un ambitieux programme de recherche visant : 1) à évaluer le statut, la distribution et la dynamique des populations naturelles, 2) à mieux comprendre l’écologie de cette espèce emblématique des steppes désertiques. Des partenariats avec des structures de recherche internationales ont été conclus :
Avec le Muséum d’Histoire Naturelle (MNHN) de Paris, pour étudier le domaine vital et l’utilisation de l’habitat afin d’identifier les facteurs clés du milieu importants pour la survie des Oiseaux,
Avec l’Institut Méditerranéen d’Écologie et de Paléoécologie (IMEP) de Marseille, pour étudier, à l’échelle du paysage, à l’aide d’un système d’information géographique, la structure et l’évolution de l’habitat et ses répercussions sur la distribution de l’outarde.

Une première zone de 1000 km² abritant une population reproductrice importante a été totalement protégée dés 1997. Puis en Février 2002, sur la base des résultats du programme écologique, un réseau complémentaire d’aires protégées de 14 000 km² a été mis en place. De même, 4 sites principaux de relâcher ont été identifiés et équipés d’installations à cette fin.

Parallèlement, des actions concrètes de protection de l’environnement ont été initiées. Une pépinière de plantes sauvages de l’Oriental marocain est développée depuis 2001. Les plantes produites servent à la réhabilitation des zones cultivées dégradées et abandonnées et au reboisement dans le cadre d’un programme de mise en défens défini en collaboration avec l’Administration des Eaux et Forêts marocaine. Enfin, un programme d’éducation environnemental destiné en priorité aux fauconniers et aux écoles locales et expliquant les actions du projet mais aussi des enjeux environnementaux plus généraux a été mis en place en 2002.


La conduite d’opérations de relâcher en différents endroits de la zone gérée par l’ECWP et le suivi de ces Oiseaux.
L’ECWP a développé des techniques d’élevage spécifiques aux Oiseaux destinés au relâcher. Les exigences physiques, physiologiques et comportementales propres à ce groupe d’Oiseaux sont optimisées. De même, une attention particulière est accordée aux contraintes génétiques et sanitaires inhérentes à toute opération de retour à la nature d’animaux issus d’élevage.

Un total de 598 Oiseaux a été relâché entre 1998 et 2003, toujours en petits groupes afin d’ajuster les procédures. Tous les Oiseaux ont été équipés d’émetteurs pour suivre la survie, la dispersion et le succès reproducteur. Les techniques sont désormais au point et garantissent une survie comprise entre 50 % et 70 % à un an, selon la période et le lieu du relâcher. De même, les premiers succès reproducteurs ont été enregistrés en 2001 (une femelle couvant un nid de 2 œufs et plusieurs mâles observés en parade). Depuis, ces premiers résultats encourageants n’ont pas été démentis : la saison 2004 a vu 35 femelles relâchées se reproduire en nature (132 œufs en 54 pontes et 35 poussins éclos ont été comptabilisés).

Le programme d’élevage en captivité ayant atteint sa maturité, les opérations de relâcher vont désormais constituer une activité majeure du projet. 800 Oiseaux seront relâchés en 2004.


Pour conclure

L’ECWP a un objectif environnemental prioritaire qui est la conservation de l’Outarde houbara. La stratégie retenue associe :
La restauration et la conservation de populations naturelles d’Outardes au sein de vastes réserves soustraites à la chasse ;
L’organisation de la chasse traditionnelle au Faucon en priorité sur des Oiseaux issus d’élevage dans des zones gérées spécialement pour la chasse.

Cependant, les retombées du projet débordent largement la simple conservation de l’espèce : conserver l’Outarde, c’est valoriser une ressource renouvelable, c’est aussi gérer, conserver le milieu qui l’abrite, et donc conserver les autres composantes de la faune sauvage ainsi que les activités humaines qui dépendent de la qualité de ce milieu. L’ECWP est donc un acteur à part entière du développement local qui, par ses programmes et son fonctionnement, contribue à l’effort de recherche global sur le fonctionnement écologique, économique et social du territoire. Son influence s’exerce essentiellement à deux niveaux :
Impact économique direct par la création d’emplois et indirect en sollicitant les acteurs économiques locaux.
Impact environnemental grâce à la mise en place d’outils divers de surveillance continue de l’écosystème dont les résultats sont diffusés auprès de tous les acteurs du développement local.

Ainsi, le projet ECWP est un véritable projet intégré, contribuant au développement socio-économique de la région qu’il occupe grâce à la valorisation d’une ressource naturelle, en l’occurrence l’Outarde houbara. Dans toutes les régions du monde, certaines ressources naturelles, faunistiques ou floristiques, peuvent faire l’objet d’une mise en valeur en s’appuyant sur les exigences d’une utilisation durable, pour peu que l’on prenne soin de s’y intéresser. Ces espèces sont alors source de diversification économique, mais aussi la garantie du maintien des grands équilibres écologiques. En effet, l’utilisation durable des espèces sauvages entraîne moins de perturbation des écosystèmes et moins de perte de diversité biologique que la transformation d’espaces naturels en pâturages ou en terres agricoles. La valorisation de la faune sauvage peut ainsi contribuer significativement à la lutte contre la désertification dans les régions aux écosystèmes fragiles. »


Revenons à nos moutons : le pastoralisme...

« Voilà ce que c’est que les moutons. Ils obéissent aux chiens qui obéissent aux bergers qui obéissent aux astres. »
Charles Albert Cingria

Sur un mode collectif de droit coutumier soumis au régime pastoral national, le mode d’utilisation de ces terres se résume aux pratiques de l’élevage sur les parcours. La population en tire l’essentiel de son revenu.

Le pastoralisme est un système extensif d'exploitation de grands espaces peu productifs ou peu habités, où la tyrannie de l’eau est primordiale et qui utilise des animaux se nourrissant d'une végétation naturelle spontanée et dispersée. Cette végétation est en partie potentielle puisqu’elle peut disparaître durant des ans ou des décennies suite à une surexploitation ou à une succession d’années sèches. Les conditions impliquent le déplacement saisonnier (parcours d’hiver, parcours d’été) plus ou moins long, régulier ou irrégulier, des animaux sous la garde des bergers. Cette circulation du cheptel est planifiée pour une ou plusieurs années et tient compte du type de végétation et de son état, moyennant quelques distinctions d’usage. Comme toute activité agricole, ces espaces pastoraux et l’activité dont ils sont l’objet s’appuient théoriquement sur une politique définie, avec des interdits, mais aussi des aides sous forme de subventions ou de diverses incitations (appuis techniques, crédits, organisation de coopératives). Mais la pratique laisse accroire que la société pastorale de l’Oriental se retrouve soumise à une autarcie libertaire résultant d’une démission de tutelle. Le mode de vie (tente, mobilité) et l’organisation sociale (tribu, territoire collectif) semblent bien adaptés à ce laxisme mais la conservation du milieu pâti visiblement de l’absence de plans directeurs. Surexploité,
Stipa tenacissima a déjà disparu de vastes territoires et la mobilité des troupeaux est accrue. L’interaction du pastoralisme avec l’environnement est tel qu’il nécessite un plan de veille, a fortiori dans le cadre d’écosystèmes aussi fragiles et capricieux.

Le pastoralisme est ainsi le moyen le plus efficace d'utiliser les ressources sur des terres sèches, marginales et impropres à l’agriculture, où sévit la rareté de l’abreuvement, sans application de techniques agronomiques. A toute chose malheur est bon et les pasteurs nomades, bien qu’esclaves de la nature, sont souvent mieux nantis que les agriculteurs sédentaires puisqu’en déplaçant leurs bêtes pour suivre les pluies, ils fondent leur sécurité sur la mobilité et peuvent ainsi rebondir dans l’échec. Mais ils sont le plus souvent les premières victimes du stress environnemental prolongé que représentent les périodes de longue sécheresse propre à cette typologie de terres. Le bétail est ici la base même de l’existence, mais base précaire car les pertes en années sèches peuvent atteindre 50 % du troupeau. L’Orge, qui supporte mieux que le Blé les affres de l’absence d’eau, est cultivé en terre sèche (bour ou agriculture pluviale) de superficie limitée, après un labour de semailles très superficiel effectué après les pluies. Ne pouvant donc pallier les irrégularités des précipitations, la céréaliculture, quand elle existe, est ainsi totalement à la merci des aléas.

Comme on le voit et à l’instar de la pâture dans la forêt de Cèdres, il s’agit de pratiques traditionnelles éloignées de la moindre gestion concertée et dont la vacuité en initiation au développement durable est totale. Bien que le pâturage soit l’évident responsable de l’altération de la végétation et de l’érosion de telles régions, on peut affirmer que la méthode a jusqu’ici assez bien fonctionné et que les bergers semi-nomades, champions d’usages collectifs qui ne sont pas sans rappeler ceux de la vaine pâture, autogéraient l’état de déséquilibre des parcours résultant de l’amplitude des variations écoclimatiques. Il n’en va plus de même depuis quelques décennies en raison de la croissance démographique et de la naissance de nouveaux besoins ayant évidemment entraîné un considérable accroissement du nombre de têtes. Sous une forme ou sous une autre, le consumérisme est aussi au seuil de la tente berbère (thahvamt, rhaima) des transhumants et participe à la perte des structures traditionnelles de plus en plus sapées et dévoyées, à une moindre prépondérance des jemâa (assemblée des anciens). Le durable est pour l’instant l’affaire des administrations, des colloques protocolaires en hôtels étoilés, d’une politique ambiguë, souvent dédaigneuse et tout au moins froidement déconnectée des réalités quotidiennes des agriculteurs et des bergers du fin fond de l’Oriental.
L’âpreté du quotidien et l’analphabétisme les contraignent à mille astuces dont l’effet global est de ronger le biopatrimoine et de couper la branche sur laquelle est assis leur semblant de devenir. Comment affronter la mondialisation et ses marchés depuis l’an 1000... ? Quel est l’avenir d’un petit berger de 7 ans qui ne connaîtra que la mer alfatière comme horizon « balnéaire » ? Encore une fois la dualité Nord-Sud bredouille et se répète : espaces pastoraux sous-exploités sous bilans hydriques favorables en Europe, niveau critique du surpâturage des steppes dans les pays du Maghreb.

Pour tout un chacun, notamment observateur septentrional accoutumé à la luxuriante biomasse des vertes vallées, il n’est pas évident de découvrir la fine et inévaluable chevelure d’annuelles ou les discrètes inflorescences blotties au cœur de la touffe d’Alfa qui servent de maigre pâture sur un sol scalpé ! Le drame devient crucial quand en période de grande disette on assiste à l’arrachement des touffes réalisé par le berger pour faire pâturer les systèmes racinaires. Ces touffes sont par ailleurs épisodiquement incendiées par les bergers, car les jeunes pousses sont mieux consommées par le bétail. La dégradation avancée des pâturages steppiques qui est la conséquence de cette utilisation anarchique des ressources pastorales est désignée par l’euphémisme de « tragédie des communes ».
Les spécialistes la nomment disclimax, soit une disparité entre les ressources et les besoins, et le déséquilibre entraîne une spécialisation non productive par l’installation d’un cortège de plantes envahissantes et non appétables jusqu’au dénuement du couvert et à la complète et irréversible érosion. Car le pouvoir de récupération a des limites, même chez les végétaux de forte résilience. Quand l’Armoise si appréciée des Ovins et qui couvrait le plateau a disparu, pourquoi ne pas espérer revégétaliser en la faisant repousser ? Il y a désormais des solutions très viables pour remédier à certains de ces problèmes. Depuis les années 70, il y a 120.000 ha gérés de façon exemplaire dans la steppe syrienne où les droits de pâturage et de culture de l’Orge sont assortis à l’obligation de planter de l’Atriplex. Et ça marche très bien ! Les Atriplex (Pourpiers, Arroches) sont de bonnes plantes fourragères. Deux espèces sont bien adaptées à l’aridité : Atriplex halimus (le Pourpier de mer) et A. glauca (le Pourpier glauque). Une troisième, A. nummularia, exige des sols plus profonds.

Dans l’Oriental, le scénario qui se profile à l’horizon est celui du renforcement d’une catégorie de gros éleveurs (1000 à 3000 brebis), pour la plupart notables ruraux adaptés au contexte et cultivant une année sur quatre ou cinq sur les meilleures terres de grandes étendues céréalières. Leurs fils s’exilent dans les agglomérations et délèguent la conduite du troupeau à des bergers réduits à l’état de salariés, éleveurs déchus qui n’auront pu résister.

Et pour conclure ce thème, rappelons que l’élevage des animaux domestiques repose sur la transformation de matières organiques végétales en matières organiques animales, réalisant un flux trophique entre des producteurs primaires (les végétaux) et des consommateurs primaires (les Herbivores) et que
personne n’a jamais répondu à la question de savoir si les plantes avaient un quelconque intérêt à être mangées !


L’impact d’un sabot

Au niveau du piétinement dont l’effet semble à prime à bord négligeable, il n’est pas anecdotique de rapporter succinctement les chiffres d’une récente étude concernant les Bovins et le Burkina Faso, étude qu’il serait aisé de transposer aux Ovins et au Maroc. Compte tenu de la surface d’un sabot de Bovin et qu’en élevage extensif un animal parcourt quelques 5 km/jour, à raison de un pas par mètre, on obtient une surface annuellement compactée de l’ordre de 22.000 m2/animal. Dans cet exemple du Burkina Faso qui compte 4 millions de têtes, la surface piétinée correspond alors à 32 % de la surface totale du pays et 88 % de celle des pâturages permanents.


État des lieux

Il résulte de ce qui vient d’être trop brièvement énoncé sur la problématique actuelle du pastoralisme - devenu synonyme de surpâturage - que l’activité est dorénavant en distorsion avec les ressources de l’écosystème qui lui sert de support. Outre l’inestimable érosion du stock végétal par broutage et piétinement, le pastoralisme outrancier est aussi responsable du recul des grands animaux et de l’éradication de la faune sauvage pour des raisons de concurrence primaire (utilisation des sources trophiques, pollution des eaux par les troupeaux et recouvrement des habitats), ainsi que par effarouchement ou prédation (persécution du Chacal).

Dans l’Oriental comme ailleurs, le pastoralisme et l’usage des parcours sont toujours régis par des règles coutumières. Cependant, le manque de respect croissant de ces règles leur confère une caducité relative sans que cet abandon ne conduise à l’adoption de nouvelles dispositions. Des lois, codes pastoraux ou forestiers existent mais ne sont pas appliqués.
Il en résulte une gestion non respectueuse et illégitime de ces steppes, réservoirs de pâturages pourtant irremplaçables pour la production animale. Les pouvoirs publics détiennent la clé du drame de la terre dénudée mais elle semble rangée au rayon des oubliettes.

Le bilan final est l’érosion hydrique et éolienne du sol dépourvu du pouvoir d’absorption et protecteur que lui confère la state végétale. La télédétection permet un constat cartographique et approximatif de ces dégâts, et une évaluation régulière de la désertification des terres de parcours.


Les Monts de l’Oriental

Au nord des mornes hautes plaines surgissent quelques massifs, refuges salutaires et protecteurs d’une flore et d’une faune nettement plus riches et variées. Exception faite de quelques périmètres en défends, le cheptel monte hélas à l’assaut de ces « arches de Noé » plantés au-dessus de l’horizon d’Alfa.

Le premier de ces reliefs, aux glacis largement entaillés et aux escarpements spectaculaires, reçoit la réserve de Chekhar où sur 10.000 ha irrégulièrement boisés (Thuya, Chêne kermès, Chêne vert) en marge de la nappe à Alfa, la Gazelle dorcas et l’Outarde houbara donnaient encore signe de vie il y a quelques années. Surplombant au nord du Plateau du Rekkam et à l’est de la plaine de Tafrata, le Massif de Debdou (1615 m) et sa gaada (iliçaie, tétraclinaie, pinède à Pin d’Alep, importantes rosmarinaies) abrite un écocomplexe de grande valeur (dont une herpétofaune remarquable) mais excessivement meurtri par une pression pastorale où sédentaires et transhumants s’associent pour le pire (nombreuses observations personnelles de graves éradications de la flore et de la faunule sur une décennie). Plus au nord-est, le petit Djebel Kouali qui culmine à 1726 m semble d’un moindre intérêt bioécologique en dépit d’une chênaie arbustive très dense. Encore plus à l’est et jusqu’à la frontière avec l’Algérie, le climat redevient sévère et l’unité collinéenne formée par plusieurs petits djebels est alors dépourvue tant de forêt que de matorral pour n’être qu’investie par la steppe alfatière qui y reprend ses droits, rarement arborée de quelques Arganiers tout autant abroutis que relictuels (sud d’El-Aïoun), Genévriers, Lentisques,
doums et Pistachiers. Le Baguenaudier de l’Atlas ou qboura (Colutea atlantica), rare Légumineuse arborescente dont nous connaissions de beaux pans aux abords du Djebel Bou-Keltoum (Jerada), a été liquidé par les Caprins dans les années 90.

Plus au nord, au-delà du couloir Taourirt-Oujda qui recèle des terres arables et où les secteurs les plus azoïques ont été boisés d’Eucalyptus xérophyles (
Eucalyptus torquata, E. woodwardi, E. salmonophloia), s’élèvent les Monts de Beni-Snassen, relief culminant de toute cette région (1532 m à Ras-Fonghal). Enserré entre la Moulouya et la plaine des Angad, le chaînon est favorisé par une proximité maritime lui assurant une bénéfique hygrométrie : il y a cinquante jours de pluie sur la station d’Aïn-Almou. La plaine alluviale (basse Moulouya) et fertile de Triffa, qui s’étale au pied du versant méditerranéen, est le domaine d’une production agricole irriguée assez intense dont l’agrumiculture est le fer de lance. La ville de Berkane en est le centre de production. Carrefour biogéographique très original entre les domaines altlasique, rifain et oranais, sous bioclimats subhumide à hiver frais ou froid selon les stations et leur exposition, le massif calcaire jurassique des Beni-Snassen et le bassin versant du Zegzel offrent une géomorphologie très attrayante par la présence de gorges profondes et de hautes falaises, de grottes, d’avens, de cascades et d’escarpements boisés. C’est un panel de grande qualité paysagère qui n’aurait rien pour déplaire à l’écotouriste solidaire si une structure d’accueil adéquate pouvait être imaginée dans le contexte. Mais l’imagination… Dans les calcaires karstifiés, les gouffres et les grottes (Grotte du Chameau, des Pigeons) sont des sites de première importance préhistorique. Les spécialistes y déterrèrent plus de 100.000 outils en pierre taillée, des restes d'animaux et surtout 180 sépultures d'individus appartenant à une race autochtone qui est à l'origine des populations berbères actuelles. Leur rituel funéraire laisse supposer que les Épipaléolithiques avaient des sentiments religieux. L’« Homme de Taforalt » (12.000 ans) montre une trépanation chirurgicale datant du Néolithique et ayant permis la survie du sujet.

Au XVIe siècle, les Beni-Snassen étaient « 
couverts de nombreux bois qui produisaient une grande quantité de caroube », à en croire les écrits toujours très instructifs de Léon L’Africain (Jean-Léon de Médicis, né vers 1490 à Grenade sous le nom d’Al Hassan ibn Muhammad al Wazzan az Zaydite al Fasi, mort probablement à Tunis aux alentours de 1554, fils adoptif du pape Léon X et voyageur arabe). Rappelons au passage que ce sont les graines du Caroubier (Ceratonia siliqua), kharroub ou karat, qui, servant de mesures de poids en bijouterie, donnèrent naissance à l’universel et toujours contemporain « carat ». La lente dégradation du couvert végétal semble s’accélérer à partir du XIXe siècle avec l’accroissement des occupations humaines.

En ce début de XXIe siècle, çà et là dans le massif, on peut encore contempler des formations assez dynamiques à
Tetracinis articulata (il s’agit de l’une des mieux conservées du Royaume), à Quercus rotundifolia, à Q. coccifera (en grave régression au Maroc), à Ceratonia siliqua, à Arbutus unedo, des vigoureuses ripisylves et une flore hygrophile sur rochers calcaires humides d’un intérêt majeur. En fin d’été et dès les premières pluies même infimes, une remarquable floraison de bulbeuses se manifeste un peu partout en discontinu, entre cultures en terrasses et matorrals dégradés. Dans cette erme ouverte à Urginée (Urginea maritima) (âansal, bsal l-khenzir, timzirt) se mêlent parfois de splendides Safrans sauvages (Crocus salzmannii) (zaâfran, zedduti, sektana), suivis de Narcisses aux prémices de l’année nouvelle. Il s’agit alors d’un décor floristique du plus bel effet. D’autres bulbeuses comme les Asphodèles (sakkum) relaient l’Urginée en fin d’hiver. Cette remarquable phytocénose reçoit un non moins négligeable monde animal, le tout déjà très étudiée par les spécialistes, ce qui donne l’occasion d’en développer le thème. Sur une amplitude de plus de 7000 ha, c’est le seul paysage sylvatique de qualité de tout l’Oriental recelant une telle mosaïque de formations. On y choisira la tétraclinaie comme écosystème d’identification.


Le Thuya de Berbérie

Tetraclinis articulata (ârâar, azuka, amelzi), résineux de la famille des Cupressacées (incluant au Maroc les Genévriers et le Cyprès), vicariant du genre Callitris de l’hémisphère sud (Australie, Nouvelle Calédonie, Afrique du Sud), est confiné en Méditerranée occidentale. Le Maroc en abrite les derniers peuplements importants (600.000 ha), lesquels se développent ça et là et sur tous substrats dans les régions nord-atlasiques. Arbre à large spectre associatif puisqu’il organise de multiples cortèges spécifiques (on en connaît une quinzaine d’associations) depuis les rives atlantiques des Haha et des Ida-Outanane jusqu’aux Monts de l’Oriental, en passant par les vallées du Haouz. C’est une essence propre aux basses altitudes et au semi-aride tempéré et chaud. Dans l’Oriental, les Massifs de Beni-Snassen et de Debdou en sont les mieux lotis. Les tétraclinaies sont souvent préforestières et rarement pures, garnies de taillis assez denses. En futaie, le Thuya peut atteindre une vingtaine de mètres. Il offre un tronc rectiligne habillé d’un rhytidome gris plus ou moins clair, un feuillage diffus, aux rameaux formés de petites branches aplaties, vertes et articulées selon la disposition du feuillage en aiguilles bleutées. La graine est petite, contient des poches de résine et présente deux ailes latérales.

Espèce à forte résilience, sa régénération naturelle est assez spontanée si bien que son écosystème peut renaître des affres de son dur vécu, car l’Homme ne l’a guère épargné. Sa faculté de souche est unique chez les Conifères et, une fois coupé, l’arbre rejette avec vigueur. C’est un végétal sans rancune, peut-être parce qu’il ne connaît guère d’ennemis naturels ! Le Thuya est un arbre à large spectre d’utilisations. Le bois moucheté, chatoyant et pratiquement imputrescible, qui développe de grosses excroissances appelées « loupes », est très prisé en ébénisterie traditionnelle. C’est à des fins d’ébénisteries que les vieilles souches sont hélas détruites. Il est aussi très utilisé en bois de service, à l’usage du charbon de bois, du goudron végétal, de la gomme sandaraque (fabrication de vernis). Ses feuilles sont appréciées en tannerie et en médecine traditionnelle : décoction abortive, contre le torticolis, les maux d’estomac et le Choléra (avec du petit lait !)


Les communautés végétales des Beni-Snassen

Les groupements forestiers et préforestiers, les matorrals et les ermes des Beni-Snassen ont fait l'objet de nombreuses études phytosociologiques, phytoécologiques, écophysiologiques et éthnobotaniques. La synthèse de ces documents permet d’y reconnaître les formations végétales dominantes énumérées ci-après. Leur recouvrement et leur densité s’avèrent variables :

Ceratonio siliquae-Tetraclinetum articulatae :
Ceratonia siliqua, Tetraclinis articulata, Ampelodesma mauritanicum, Genista tricuspidata.
Rosmarino tournefortii-Tetraclinetum articulatae :
Tetraclinis articulata, Olea europaea, Rosmarinus tournefortii, Cistus libanotis.
Lavandulo dentatae-Genistetum durieui :
Tetraclinis articulata, Olea europaea, Ceratonia siliqua, Lavandula dentata, Genista durieui, Calycotome intermedia.
Cytiso arborei-Quercetum cocciferae :
Quercus coccifera, Pistacia lentiscus, Cytisus arboreus, Ampelodesma mauritanicum.
Euphorbio briquetii-Quercetum rotundifoliae :
Quercus rotundifolia, Juniperus oxycedrus, Adenocarpus decorticans, Euphorbia briquetii, Citisus ladanifer, Cytisus arboreus.
Salixo pedicellae-Neriumetum oleandae :
Salix pedicellata, Nerium oleander, Tamarix amplexicaule, Juncus acutus, Mentha rotundifolia.
Scrophulario aquaticae-Nasturtietum officinalis :
Nasturtium officinale, Scrophularia aquatica.

La tétraclinaie (ou callitraie), la chênaie verte (ou iliçaie), la cocciféraie et les formations des ripisylves sont celles présentant la meilleure dynamique. La chênaie verte et la cocciféraie offrent les meilleurs taux de régénération par semis et rejets, tout comme la ripisylve à saules, à Laurier-rose et à Tamaris. La tétraclinaie accuse une régénération moyenne et par endroit quasiment absente.


Aperçu botanique des Monts de l’Oriental

« Il y a quelque chose de merveilleusement doux, dans cette étude de la nature,
qui attache un nom à tous les êtres, une pensée à tous les noms, une affection
et un souvenir à toutes les pensées, et l’homme qui n’a pas pénétré dans les grâces de ces mystères,
a peut-être manqué d’un sens pour bien goûter la vie. »
Charles Nodier

Ce catalogue de plantes vasculaires reprend
in extenso l’inventaire botanique des Monts de Beni-Snassen (Source essentielle : MedWestCoast, 2002), très complété et amplifié par certaines espèces d’autres massifs du Nord-Est marocain, notamment du Debdou. Quand ils sont disponibles, les noms vernaculaires français et marocains (arabo-berbères souvent locaux) ont été mentionnés. L’ordre est alphabétique par défaut.

PTERIDOPHYTES
POLYPODIACEAE :
Adiantum capillus-veneris (Cheveux de Vénus), Asplenium petrarchae (Asplénie de Pétrarque), A. ruta-muraria (Rue de muraille), Cystopteris filix-fragilis (Fougère-femelle), Ophioglossum vulgatum (Réglisse des bois), Polypodium vulgare (Réglisse des bois)
EQUISETACEAE :

Equisetum ramosissimum
(Prêle très rameuse)
CONIFEROPSIDES
ABIETACEAE :
Pinus halepensis (Pin d’Alep, snouber, reboisé)
CUPRESSACEAE :

Juniperus oxycedrus
(Genévrier oxycèdre, tagga), Tetraclinis articulata (Thuya de Berbérie, ârâar)
GNETOPSIDES
EPHEDRACEAE :

Ephedra fragilis
(Éphèdre fragile, toussaia)
ANGIOSPERMOPSIDES
AIZOACEAE :
Aizoon hispanicum (Aizoon d’Espagne, tarasult)
AMARANTHACEAE :
Achyranthes sicula (Achyranthe de Sicile)
AMARYLLIDACEAE :
Narcissus papyraceus (Narcisse)
ANACARDIACEAE :

Pistacia lentiscus
(Lentisque, drou), Rhus pentaphylla (Sumac à cinq feuilles, tizra)
APIACEAE :

Apium nodiflorum
(Ache faux-cresson), Bunium fontanesii (Terre-noix de Fontanes), Eryngium ilicifolium (Panicaut, zerriga), Scandix australis (Peigne de Vénus, Scandix de midi, mhissa), Thapsia cinerea (Thapsia, tofsa), Tingarra sicula (Athamanthe)
APOCYNACEAE :

Nerium oleander
(Laurier-rose, defla)
ARACEAE :
Arum italicum (Arum d'Italie, Gouet d'Italie, yerni, aynri, asbaba, qazqaz), Arisarum vulgare (Capuchon de moine, Gouet à capuchon, ayerni, oudinat el-kelb)
ARISTOLOCHIACEAE :
Aristolochia baetica (Aristoloche bétique)
ASTERACEAE :

Achillea ligustica
(Achillée de Ligurie), Anthemis pedunculata (Camomille pédonculée, nouara al bida), Bellis rotundifolia (Pâquerette à feuilles rondes, hallala), B. silvestris (Pâquerette sauvage, hallala), Carduncellus calvus (Chardon chauve), Carthamus pectinatus maroccanus (Chardon pectiné, kabouch el hamir), Catananche caerulea (Cupidone, telmet leghza), Centaurea involucrata (Centaurée involucre), C. fragilis subinermis (Centaurée fragile), Crupina intermedia (Crupine, doumran), Gnaphallium lueo-album (Immortelle des marais), Hyoseris radiata (Hyoséris rayonnant), Hypochoeris laevigata (Porcelle lisse), Jasione rupestris (Jasione des rochers), Onopordon acaule (Chardon acaule), Phagnalon rupestre (Phagnalon des rochers), Pulicaria odora (Pulicaire odorante), Sonchus maritimus (Laiteron mairitime),
BORAGINACEAE :
Cynoglossum creticum
(Cynoglosse de Crète, Langue de chien), Echium modestum (Vipérine), E. plantagineum (Vipérine, leçan el tsour),
BRASSICACEAE :
Alyssum atlanticum
(Alysson de l’Atlas), Arabis verna (Arabette printanière), Biscutella frutescens (Lunetière buissonnante), Cronopus didymus, Kremeriella cordylocarpus (Kremerielle), Nasturtium officinale (Cresson de fontaine), Sinapis alba (Moutarde blanche)
BUXACEAE :
Buxus balearica (Buis des Baléares)
CACTACEAE :
Opuntia ficus-indica (Figuier de Barbarie, hendia, zaâboul)
CAMPANULACEAE :
Campanula erinus
(Campanule érinus), C. afra, Trachelium caeruleum (Trachelie Bleue)
CAPRIFOLIACEAE :
Lonicera implexa
(Chèvrefeuille, zeher el açel), Viburnum tinus (Laurier-tin, meliless)
CARYOPHYLLACEAE :
Cerastium glomeratum (Céraiste à fleurs agglomérées), Dianthus sylvestris (Oeillet sauvage)(*), Herniaria fontanesii (Herniaire de Fontanes), Paronychia capitata (Paronique), Rhodalsine geniculata, Silene patula (Silène d’Afrique du Nord)
(*)
Dianthus sylvestris est une plante présentant un système de reproduction peu commun : la gynomoécie-gynodioécie. Dans les populations naturelles, on retrouve trois types d'individus : des plantes femelles et hermaphrodites présentant des fleurs femelles et hermaphrodites, et des plantes dites mixtes produisant des fleurs des deux sexes. Dans un tel système les femelles doivent avoir un avantage reproductif ou écologique compensant la transmission de leurs gènes par la seule voie femelle face aux hermaphrodites qui dispersent pollen et graines.
CESALPINACEAE :

Ceratonia siliqua
(Caroubier, kharroub)
CHENOPODIACEAE :

Chenopodium murale
(Chénopode des murs, Ansérine), Noaea mucronata (Noea mucronée, zireg)
CISTACEAE :

Cistus clusii (C. libanotis)
(Ciste du Liban, yasir lahmir), C. creticus (C. villosus) (Ciste de Crète, chtib), C. heterophyllus, C. ladanifer (Ciste à résine, taouzla), C. salvifolius (Ciste à feuille de Sauge, tuzzalt), C. sericeus (Ciste), Fumana thymifolia (Fumeterre), Halimium umbellatum (Hélianthème à bouquets), Helianthemum apenninum (Hélianthème des Apennins), H. cinereum (Hélianthème cendré), H. helianthemoides (Hélianthème), H. ledifolium (Hélianthème à feuilles de Lédum), H. polyanthum, H. syriacum (Hélianthème de Syrie)
CONVOLVULACEAE :
Convolvulus arvensis (Liseron sauvage, alleg, luwaya), C. cantabrica (Liseron de Biscaye), C. humilis (Liseron), C. siculus elongatus (Liseron), C. valentinus (Liseron, luwaya)
CYPERACEAE :

Scirpus holoschoenus
(Scirpe en jonc), S. lacustris (Scirpe des étangs)
ERICACEAE :
Arbutus unedo (Arbousier, sasnou, bakhannou), Erica arborea (Bruyère arborescente, bou heddad), E. multiflora (Bruyère à fleurs nombreuses, khenej), E. scoparia (Bruyère à balais)
EUPHORBIACEAE :

Euphorbia
briquetii, E. characias (Euphorbe characias), E. clementei faurei (Euphorbe), E. hirsuta (Euphorbe érissée), E. serrata (Euphorbe dentée), Mercurialis annua (Mercuriale annuelle), Ricinus communis (Ricin, kherwâa, introduit)
FABACEAE :

Adenocarpus bacquei
, A. decorticans (Adénocarpe, ourzir), Anthyllis cytisoides (Anthyllide faux-Cytise), A. polycephalla, A. tetraphylla (Anthyllide tétraphylle), A. vulneraria (Anthyllide vulnéraire, areg, safir), Astragalus armatus (Astragale épineuse), A. bourgaeanus, A. caprinus (Astragale des Chèvres), A. faurei, A. geniculata (Astragale genouillée), A. lusitanicus (Astragale du Portugal), Calycotome villosa intermedia (Calycotome, gandoule), Colutea atlantica (Baguenaudier, qboura), Coronilla scorpioides (Coronille Queue-de-Scorpion), Cronanthus biflorus, Cytisus arboreus (Cytise, Genêt), Ebenus pinnata (Ébénier, jibana), Genista cephalanta demnatensis (Genêt), G. erioclada (Genêt chabrague), G. hirsuta erioclada (Genêt, chabrague), G. ramosissima (Genêt très ramifié), G. spartioides pseudoretamoides (Genêt balai, hait el atrous), G. tricuspidata duriaei (Genêt, guendoul), Lotus collinus (Lotier), Onobrychis argentea (Sainfoin argenté), Ononis laxiflora (Bugrane à fleurs lâches), O. reclinata (Bugrane à fleurs renversées), O. natrix (Bugrane gluante, Bugrane jaune, Coquesigrue, l’henna), Scorpiurus sulcatus (Queue de Scorpion), Trifolium arvens (Trèfle commun, nefel), T. campestre (Trèfle des champs, nefel), Ulex parviflorus (Ajonc à petites fleurs), Vicia onobrychioides (Vesce faux sainfoin), V. vicioides
FAGACEAE :
Quercus coccifera (Chêne kermès, kermez, kouriche al hallof), Q. rotundifolia (Chêne vert, kouriche bouhar, kerrouch tassaft, ballout)
GERANIACEAE :

Geranium atlanticum
(Géranium, ibrat el raai), G. lucidum (Géranium luisant), G. molle (Géranium mou)
GLOBULARIACEAE :

Globularia alypum
(Globulaire, tsselgha)
IRIDACEAE :

Iris tingitana
(Iris de Tanger)
JUNCACEAE :

Juncus acutus
(Jonc, smar), J. articulatus (Jonc à fruits luisants), J. bufonius (Jonc des Crapauds)
LAMIACEAE :

Ballota hirsuta
(Marrube hirsute), Lavandula dentata (Lavande dentée, khzama), L. multifida (Lavande, kohhayla), L. stoechas (Lavande stoechade, Lavande Papillon, halhal), Marubium vulgare (Marrube, mrrioua), Mentha rotundifolia (Menthe à feuilles rondes, timarssat), M. pulegium (Menthe pouillot, fliou), Nepeta multibracteata (Nepeta, gouzeia), Rosmarinus officinalis (Romarin officinal, azir), R. torunefortii (Romarin de Tournefort, azir), Salvia argentea (Sauge argentée), Satureja briquetii (Sariette, menta), S. calamintha (Calmenthe, menta), Sideritis incana (Crapaudine, majja), Stachys saxicola laxa (Épiaire, m’soufa), Thymus ciliatus munbyanus, Teucrium capitatum (Germandrée, goutiba), T. polium (Germandrée dorée)
LILIACEAE :

Anthericum liliago
(Phalangère, Herbe à l'araignée, Fleur de Lis), Allium flavum (Ail jaune, busela), Aphyllanhtes monspeliensis (Aphyllante de Montpellier), Asparagus albus (Asperge blanche, sakkum), A. acutifolius (Asperge à feuilles aigües, sakkum), A. stipularis (Asperge), Asphodellus acaulis (Asphodèle, azzida), A. cerasiferus (Asphodèle porte-cerises), A. fistulosis (Asphodèle fistuleux), A. microcarpus (Asphodèle à petits fruits), A. tenuifolius (Asphodèle à feuilles étroites), Gagea durieui (busela), Ornithogalum tenuifolium (Aspergette), Merendera filifolia (Mérendère à feuilles filiformes), Ruscus aculeatus (Petit Houx, mourjal), Smilax aspera (Salsepareille, luwâya, uchba), Urginea maritima (Scille maritime, Urginée, âansal, bsal l-khenzir, timzirt)
LYTHRACEAE :

Lythrum junceum
(Salicaire, sabun l-ma)
MALVACEAE :
Lavatera olbia (Mauve royale, Lavatère d’Hyères, l’khobbiza, beqqula), Malope tripartita, Malva parviflora (Mauve à petites fleurs, l’khobbiza, beqqula), M. sylvestris (Grande Mauve, Mauve sylvestre, l’khobbiza),
MORACEAE :
Ficus carica (Figuier, karmosse)
OLEACEAE :
Jasminum fruticans (Jasmin, ghoul al ghaba), Olea europea sylvestris (Oléastre, zebouge), Phillyrea angustifolia (Phillaire, qtam),
ORCHIDACEAE :
Ophrys ciliata (Ophrys miroir)
PALMACEAE :
Chamaerops humilis (Palmier main, doum)
PAPAVERACEAE :
Papaver pinnatifidum (Pavot penné)
PLANTAGINACEAE :
Plantago albicans, P. amplexicaulis (Plantain amplexicaule, l’yâlma), P. coronopus (Plantain corne de Cerf), P. major (Plantain à larges feuilles), P. serraria,
POACEAE :
Agrostis semi-verticillata (Agrostis), Ampelodesma mauritanicum (Ampélodesme, diss), Aristida caerulescens (Aristide bleue), Arundo donax (Roseau, qsob), Stipa barbata (Stipe barbu), S. fontanesii, S. lagascae, S. tenacissima (Alfa)
POLYGALACEAE :
Polygala rupestris oxycoccoides (Laitier des rochers)
POLYGONACEAE :
Rumex vesicarius (Oseille vésiceuse)
PORTULACACEAE :
Montia fontana (Montie des sources)
POTAMOGETONACEAE :
Potamogeton natans (Potamot nageant), P. nodosus (Potamot noueux), P. pectinatus (Potamot pectiné), P. trichoides (Potamot filiforme) 
PRIMULACEAE :
Anagallis monelli (Élide mouron des champs), Samolus valerandi (Samole de Valérand)
PUNICACEAE :
Punica granatum (Grenadier, romane, apport phénicien)
RANUNCULACEAE :
Clematis cirrhosa (Clématite, louwaya), C. flammula (Clématite, masouaka), Ranunculus paludosus (Renoncule des marais), R. spicatus rupestris,
RHAMNACEAE :
Rhamnus alaternus (Alaterne, Nerprun, ambîles), R. lycioides
ROSACEAE :
Crataegus laciniata (Aubépine commune), C. oxyacantha monogyna (Aubépine épineuse, admame), Eriobotrya japonica (Néflier, lamzah, introduit), Potentilla reptans (Potentille rampante, Quintefeuille), Prunus amygdalus (Amandier, louz), Rosa canina (Eglantine, Rosier des chiens, ward, âisus, tihfert, nesrin), R. sempervirens (Rosier toujours vert, ward), Rubus ulmifolius (Ronce, setif), Sanguisorba minor (Petite Pimprenelle)
RUBIACEAE :
Asperula hirsuta (Aspérule hirsute), Crucianella angustifolia (Crucianelle à feuilles étroites), Gallium mollugo (Gaillet mou), G. verticillatum (Gaillet), G. viscosum (Gaillet visqueux), Putoria brevifolia (djefna), Rubia perigrina (Garance voyageuse)
SALICACEAE :

Populus alba subintegerrima
(Peuplier blanc, sefsaf), Salix pedicellata (Saule, al âma),
SAXIFRAGACEAE :
Saxifraga globulifera (Saxifrage globuleuse), S. granulata (Saxifrage granulée)
SCROPHULARIACEAE :

Antirrhinum majus
(Muflier Gueule de loup), Linaria heterophylla (Linaire), L. simplex (Linaire simple), L. tristis (Linaire terne), Scrophularia aquatica (Scrofulaire aquatique), Veronica anagallis-aquatica (Mouron d’eau), V. catenata (Véronique aquatique), V. praecox (Véronique précoce)
SOLANACEAE :
Solanum nigrum (Morelle noire, eneb addib), Withania frutescens (chejrat l’hbîla, irremt)
TAMARICACEAE :
Tamarix amplexicaule (Tamaris, bou-âriche)
THYMELAEACEAE :
Daphne gnidium (Garou, azaz)
VALERIANACEAE :
Fedia graciliflora snassenorum (Fédia, helhalet en naadja), Valerianella carinata (Doucette, Boursette, Mâche à carène, Valérianelle carénée),
VERBENACEAE :
Verbena officinalis (Verveine officinale), V. supina (Verveine rampante)
ZYGOPHYLLACEAE :
Peganum harmala (Rue de Syrie)


Zoocénose

Le peuplement mammalien

Quelques extraits encyclopédiques pour un peu d’humilité...

« 
Nul ne sait si l'homme préhistorique était sensible aux senteurs des fleurs. »
Alain Gullino

Étymologiquement, « Mammifère » signifie « qui porte des mamelles » : ce caractère, parmi d'autres, sépare cette classe du règne animal des autres Vertébrés. L’Ornithorynque, ovipare, est une exception primitive ! Les premiers Mammifères sont apparus il y a 220 millions d'années, ce qui semble donner à l'Homme, Mammifère le plus évolué entré en scène il y a 3 millions d'années, le rôle d'un tout nouveau figurant dans l'histoire de la biosphère. Les Mammifères descendent des Reptiles, animaux « à sang froid » et au corps couvert d'écailles, datés du commencement de l'ère paléozoïque, il y a 400 millions d'années. Vers la fin de cette période, certains d'entre eux, dont le squelette ressemblait grossièrement à celui des Lézards actuels, acquirent progressivement des caractères nouveaux, qui se sont perpétués chez les Mammifères. L'ancêtre commun à tous les Mammifères fait partie de ces Reptiles dits « mammaliens », également appelés Synapsidés. Capables de vivre sous toutes les latitudes grâce à leurs mécanismes de régulation thermique, les Mammifères ont pu s'implanter dans tous les grands milieux naturels : milieux fermés tels que les forêts et les montagnes ; milieux ouverts comme les savanes et les steppes, les déserts chauds ou les étendues glacées, jusqu'aux océans et au milieu aérien, en peuplant toutes les niches écologiques. Cette dispersion écologique a été corrélative de spécialisations en rapport avec les contraintes de l’environnement. Le facteur initial de la diversification des Mammifères a sans aucun doute été l'exploitation des ressources alimentaires. À partir du moment où, devenus suffisamment nombreux, ils entrèrent en concurrence, ils passèrent de la consommation d'Insectes, de vermisseaux ou d'autres petites proies à celle de végétaux, graines et fruits, racines et tubercules, herbes et feuillages, et certains commencèrent à consommer leurs semblables. Cette recherche de la nourriture les mena de la vie terrestre à un mode de vie arboricole ; des espaces fermés, où il est plus facile d'échapper aux dangers, à la conquête des espaces ouverts ; des rivages littoraux aux océans, que les ancêtres de leurs ancêtres reptiliens avaient quitté des millions d'années auparavant ; et des arbres enfin, ils prirent leur envol. La plupart des Mammifères ont un domaine vital, qu'ils parcourent jour après jour en quête de nourriture. Les limites en sont indiquées aux congénères par des marques odorantes, dépôts d'excréments, sécrétions glandulaires ou visuelles, voire encore par grattage des arbres ou du sol. Chez les espèces grégaires, le domaine des individus est celui du groupe. Le territoire est généralement beaucoup plus petit que le domaine. Il est défini au moment de la reproduction et son propriétaire le défend farouchement contre les intrus ; c'est aussi le lieu des rituels qui accompagnent la reproduction.

Hominidé : Mammifère Primate de la super-famille des Hominoïdes tel que le Gorille, les Chimpanzés et l'Homme actuel ainsi que ses ancêtres fossiles les plus proches.
Homininé : Mammifère Primate tel que l'Homme actuel et les espèces fossiles les plus voisines considérées comme des ancêtres possibles de notre espèce. Les Homininés forment une sous-famille de la famille des Hominidés.
Hominoïde : Primate supérieur dépourvu de queue. La super-famille des Hominoïdes comprend les trois familles des Hylobatidés (Gibbon, Siamang), des Pongidés (Orang-outan) et des Hominidés (Gorille, Chimpanzés, Homme actuel et ses ancêtres fossiles les plus proches).
Homme : Mammifère de l'ordre des Primates, doué d'intelligence et d'un langage articulé, caractérisé par un cerveau volumineux, des mains préhensiles et la station verticale. Les étapes de l'évolution de l'Homme se marquent par l'accroissement de la capacité crânienne, le recul du trou occipital, la réduction de la mandibule, l'adaptation croissante à la bipédie.

L'université d'Etat de Wayne, à Détroit (États-Unis) a analysé les 97 gènes fonctionnels de l'Homme et du Chimpanzé. La coïncidence entre les deux génomes est de
99,4 %. Devant tant de ressemblance, les chercheurs ont proposé de classer les Pan troglodytes et les Pan paniscus dans le genre Homo ! Pour mémoire, l'Homo sapiens est actuellement l'unique représentant du genre !

Sur le site des Beni-Snassen, ce Mammifère qu’est l’Homme est finalement assez peu distribué puisque la population légale recensée en 1994 sur les communes rurales qui composent le bassin versant du site des Beni-Snassen n’était que de 52.000 personnes, dont seulement 15 % résident sur le secteur le plus sensible, toutes occupées par l’agropastoral. L’indice de fécondité est de 2,77 et les jeunes générations se préparent résolument à rejoindre les villes marocaines proches ou à émigrer en Europe... pour devenir « Robot
sapiens » ! D’autres viennent d’entreprendre la culture des Nèfles... ! A noter donc que les dégradations constatées de ce bel environnement sont le fait de visiteurs.

Cette montagne était jadis célèbre non seulement pour ses grands Rapaces, mais aussi pour ses populations d’Hyène, de Lynx, de Gazelle de Cuvier et de Mouflon. Ces représentants climaciques en ont été vidés par la prédation humaine. La Zorille (
Poecelitis libyca) n’y a jamais été repérée mais est pressentie. Les Mammifères régulièrement contactés sont : le Chacal (Canis aureus), le Renard roux (Vulpes vulpes), le Chat ganté (Felis libyca), la Mangouste (Hepestes ichneumon), la Genette (Genetta genetta), la Belette (Mustela nivalis), le Sanglier (Sus scrofa barbarus), le Lièvre (Lepus capensis), le Lapin de garenne (Oryctolagus cunuculus), le Hérisson d’Algérie (Erinaceus algirus), la Musaraigne de Whitaker (Crocidura whitakeri), la Musaraigne musette (Crocidura russula), le Pachyure étrusque (Suncus etruscus), le Rat à trompe (Elephantilus rozeti), le Porc-épic (Hystrix cristata), l’Écureuil de Barbarie (Atlantoxerus getulus), la Grande Gerboise (Jaculus orientalis), la Gerbille champêtre (Gerbillus campestris), le Mérione de Shaw (Meriones chawi), le Mulot (Apodenus sylvaticus), le Rat rayé (Lemnoscomys barbarus), le Surmulot (Rattus norvegicus), le Rat noir (Rattus rattus), la souris grise (Mus musculus), la Souris sauvage (Mus spretus), le Lérot (Eliomys quercinus), le Grand Rhinolophe fer à cheval (Rhinolophus ferrumequinum), le Petit Rhinolophe fer à cheval (Rhinolophus hipposideros), le Rhinolophe euryale (Rhinolophus euryal), le Rhinolophe de Mehely (Rhinolophus mehelyi), le Rhinolophe de Blasius (Rhinolophus blasii), le Murin à oreille échancrée (Myotis emarginatus), le Murin de Capaccini (Myotis capaccinii), le Petit Murin (Myotis biythi), la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus), la Pipistrelle de Kuhl (Pipistrellus kuhli), la Pipistrelle de Savi (Pipistrellus savii), la Sérotine (Eptesicus serotinus), l’Oreillard gris (Plecotus austriacus), le Minioptère (Miniopterus schereibersi).


L’avifaune

« 
Dieu aima les oiseaux et inventa les arbres.
L'homme aima les oiseaux et inventa les cages.
 »
Jacques Deval

Voici l’inventaire des espèces contactées sur le chaînon des Beni-Snassen, ainsi que plus généralement sur les Monts de l’Oriental à formations similaires comme le Djebel Debdou. Pour ce qui concerne les unités collinéennes non boisées et à prédominance alfatière, tels tous les massifs du secteur de Jerada, l’avifaune est alors plus affine à celle de la steppe herbacée, plus spécialisée et ainsi de moindre diversité. A cette liste d’observations, quelques Oiseaux très potentiels ont été ajoutés.

Cigogne blanche, Cigogne noire (de passage), Héron gardeboeufs, Aigrette garzette, Héron cendré, Héron bihoreau, Milan noir, Milan royal (au moins en hivernage), Élanion blanc, Percnoptère d’Égypte (de passage), Vautour fauve (de passage et peut-être en hivernage), Circaète Jean-le-Blanc, Épervier d’Europe, Autour des palombes (de passage et hivernant rare), Buse féroce, Buse variable (de passage et hivernante rare), Bondrée apivore (de passage régulier), Aigle botté, Aigle de Bonelli (probablement sédentaire), Busard des roseaux (de passage), Busard Saint-Martin (hivernant), Busard cendré (hivernant), Faucon crécerellette, Faucon crécerelle, Faucon pèlerin, Faucon de Barbarie (sédentaire rare ?), Faucon lanier (sédentaire ?), Faucon hobereau, Perdrix gambra, Caille des blés, Grue cendrée, Oédicnème criard, Bécassine des marais, Bécasse des bois, Chevalier sylvain, Culblanc (?), Guignette (?), Petit Gravelot (?), Pigeon biset, Pigeon ramier, Tourterelle des bois, Tourterelle turque, Coucou-geai, Coucou gris, Chevêche d’Athéna, Chouette hulotte, Hibou moyen-duc, Engoulevent d’Europe, Engoulevent à collier roux, Martinet noir, Martinet pâle, Martinet à ventre blanc, Martinet des
maisons (ou à croupion blanc), Martin-pêcheur, Guêpier d’Europe, Rollier d’Europe, Huppe fasciée, Pic de Levaillant, Pic épeiche, Torcol fourmilier (de passage), Cochevis huppé, Cochevis de Thékla, Alouette lulu, Alouette des champs, Hirondelle de rivage, Hirondelle de rochers, Hirondelle rustique (ou de cheminée), Hirondelle rousseline, Hirondelle de fenêtre, Bergeronnette printanière, Bergeronnette des ruisseaux, Bergeronnette grise, Pipit farlouse, Pipit des arbres, Pipit rousseline, Bulbul des jardins, Troglodyte mignon, Agrobate roux, Rouge-gorge familier, Rossignol philomèle, Rouge-queue noir (de passage et hivernant), Rouge-queue à front blanc (de passage et peut-être hivernant exceptionnel), Rouge-queue (=Rubiette) de Moussier, Tarier des prés (seulement de passage), Tarier pâtre, Traquet motteux (passage), Traquet de Seebohm, Traquet oreillard, Traquet rieur, Monticole de roches, Monticole bleu, Merle noir, Grive musicienne (de passage et hivernante), Grive mauvis (de passage et hivernante), Grive draine, Bouscarle de Cetti, Cisticole des joncs, Rousserolle effarvatte, Phragmite des joncs, Hypolaïs obscure, Hypolaïs polyglotte, Fauvette pitchou, Fauvette passerinette, Fauvette à lunettes, Fauvette mélanocéphale, Fauvette orphée, Fauvette grisette, Fauvette à tête noire, Pouillot de Bonelli, Pouillot véloce, Pouillot fitis, Pouillot siffleur, Pouillot ibérique, Gobe-mouches gris, Gobe-mouches noir, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange noire, Loriot d’Europe, Pie-grièche méridionale, Pie-grièche à tête rousse, Geai des Chênes, Grand Corbeau, Crave à bec rouge, Choucas des tours, Étourneau unicolore, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Moineau espagnol, Moineau soulcie, Pinson des arbres, Serin cini, Verdier d’Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Linotte mélodieuse, Beccroisé des sapins, Grosbec casse-noyaux, Bruant zizi, Bruant fou, Bruant ortolan, Bruant striolé, Bruant proyer.


L’herpétofaune

« Quand une tortue a mangé un serpent, pour ne pas en mourir,
elle doit immédiatement manger de l’origan. »

Aristote

Bien documenté, l’inventaire des Amphibiens et des Reptiles des Monts de Beni-Snassen est parmi les plus exhaustifs du Maroc. Il comprend les espèces suivantes :

La Salamandre tachetée (
Salamandra algira), le Discoglosse peint (Discoglossus pictus scovazzi), le Crapaud commun (Bufo bufo spinosus), le Crapaud de Maurétanie (Bufo mauritanicus), le Crapaud vert (Bufo viridis), la Rainette méridionale (Hyla meridionalis), la Grenouille verte d’Afrique (Rana saharica), la Tortue grecque ou mauresque (Testudo graeca), l’Émyde lépreuse (Mauremys leprosa), la Tarente commune (Tarentola mauritanica), le Sténodactyle de Maurétanie (Saurodactylus mauritanicus), le Saurodactyle de Maurétanie (Saurodactylus mauritanicus), le Caméléon commun (Chamaeleo chamaeleon), l’Agame de Bibron (Agama impalearis), le Lézard ocellé d’Afrique du Nord (Lacerta pater) (présence pressentie), le Psammodrome algire (Psammodromus algirus), l’Érémias d’Olivier (Mesalina olivieri), l’Acanthodactyle-panthère (Acanthodactylus maculatus), l’Acanthodactyle rugueux (Acanthodactylus boskianus), le Seps ocellé (Chalcides ocellatus), le Seps strié (Chalcides minutus), l’Eumécès d’Algérie (Eumeces algeriensis), le Trogonophis jaune (Trogonophis wiegmanni), la Couleuvre fer à cheval (Coluber hippocrepis), la Couleuvre à capuchon (Macroprotodon cucullatus mauritanicus), la Couleuvre à capuchon du Maghreb (Macroprotodon abubakeri) (nouvelle espèce décrite des Beni-Snassen en 2001), la Couleuvre de Montpellier (Natrix maura), la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), la Couleuvre de Schokar (Psammophis schokari), la Vipère de Mauritanie (Macrovipera mauritanica).

Quelques Reptiles non signalés dans les Monts de Beni-Snassen mais présents sur quelques autres massifs de l’Oriental ou sur des sites littoraux sont : le Lézard à lunettes (
Scelarcis perspicillata) (Debdou), le Lézard hispanique (Podarcis hispanica), le Psammodrome de Blanc (Psammodromus blanci), l’Acanthodactyle de Duméril (Acanthodactylus dumerili) (?), le Seps à deux doigts (Chalcides mauritanicus), Chalcides ghiarai (seulement connu au Maroc des alentours de l’embouchure de la Moulouya), la Couleuvre girondine (Coronella girondica), la Vipère de Lataste (Vipera latasti gaditana).


Panorama entomologique

Le panel des niches écologiques étant assez varié, la richesse entomologique de cette chaîne ne l’est pas moins. En voici un aperçu d’abord pour les seuls Coléoptères dont le mérite est, avec les Lépidoptères, d’être toujours les mieux connus puisque matières à passion maximale de la part des entomologistes. Une cinquantaine d’espèces de
Carabidae a été recensée sur place, dont un Calosome, Calosoma olivieri, deux Carabes : Carabus favieri (ssp. locale lepelletieri) et C. morbillosus (restreint aux Gorges du Zegzel et à protéger !), deux Nébries ripicoles (Nebria andalusa et rubicunda), ainsi que des représentants des genres Techidae, Pterostichidae, Harpalidae, Callistidae, Masoreidae, Brachinidae. Les Scarabaeoidea sont représentés par quelques Trox ; un riche cortège de coprophages comme : des Geotrupidae, de très nombreux Aphodius, Scarabaeus variolosus, Gymnopleurus flagellatus, Copris hispanus, Bubas bison, Onitis numida et O. ion, six espèces d’Onthophagus ; puis trois espèces de Glaphyridae, plusieurs « Hannetons », une Hoplie (Hoplia peroni) et quatre espèces de Cétoines. Trente espèces pour une vingtaine de genres de Ténébrions se partagent le site. Parmi les Cerambycidae (Longicornes), on peut citer : Strangalia approximans, Deilus fugax, Penichroa fasciata, Hesperophanes griseus, Trichoferus fasciculatus, Phoracantha semipunctata, Semanotus laurasi, Plagionotus scalaris, Purpuricenus barbarus, Parmena pubescens algirica, Niphona picticornis, Stenidea troberti, Eupogonochaerus perroudi, Calamobius filum, Conizonia detrita, Opsilia coerulescens, Opsilia molybdaena. Au moins trois espèces de Buprestes hantent les Beni-Snassen : Acmaeodera pulchra, Anthaxia nigritula et Meliboeus amethystinus. Une dizaine d’espèces de Chrysomèles et une trentaine de Charançons sont à joindre à ce tableau des Coléoptères. L’entomofaune d’autres massifs comme celui de Debdou compte quelques variantes, notamment la présence massive certaines années favorables du Bupreste Julodis onopordi.

Les Arthropodes d’eau douce sont des Coléoptères hydrocanthares, de nombreuses entités parmi les Odonates dont le stade larvaire est aquatique (riche cortège en raison du réseau hydrographique, de l’existence de sources et d’eaux dormantes), des Hétéroptères nageurs, de nombreux Mollusques et Crustacés. Les cortèges d’Orthoptères, de Diptères, d’Hémiptères, etc., auxquels il convient d’ajouter une longue liste d’Arachnides réalisent un bilan de faunule très édifiant comme preuve d’une biodiversité méritante.

On pourrait aussi parler des Poissons : il existe, par exemple, une source thermale chaude jaillissant au pied de la Grotte du Chameau et cette station constitue une frayère pour divers Poissons, notamment pour un Barbeau local (
bouri) (Barbus moulouyensis).


Avis de recherche

En 1849, l’entomologiste Lucas décrivait d’Algérie occidentale (Djemmaa) un fabuleux Carabe à la sculpture obsolète et fortement cychrisé (rostre allongé) : Carabus aumonti, forme unanimement apparentée à Carabus morbillosus, dont C. aumonti n’est qu’un aspect prodigieusement adapté. En 1895, Bedel en nomma une race marocaine, la ssp. maroccanus, capturée dans la plaine des Angad d’Oujda (le type porte l’étiquette « Lalla Maghrnia »). Dans les années 60, Antoine, coléoptériste alors résident, signalait la raréfaction de cet énorme (plus de 4 cm de longueur) et spectaculaire Insecte prédateur d’Escargots, arguant de la mise en valeur agricole de cette plaine des Angad. Les derniers spécimens observés communément le furent dans les années 60... à l’hippodrome de Melilla. On est depuis sans aucune nouvelle – ou presque – du Carabe d’Aumont…


Compter les Papillons...

Sans atteindre la qualité du Rif ou des Atlas, les Monts de l’Oriental présentent un certain intérêt lépidoptérique, notamment par la présence d’entités propres à l’Algérie. 35 espèces de Rhopalocères, agrémentées de quelques Zygènes remarquables, volent au sein des refuges de ces petits massifs dont elles sont évocatrices du stade plus ou moins compromis de conservation.

L’association la plus riche est celle des Monts de Beni-Snassen, notamment identifiée au tout premier printemps par la Proserpine (
Zerynthia rumina) où pousse l’Aristolochia baetica, plante-hôte de la chenille. Les meilleures niches sont rudérales, mitoyennes des cultures extensives et des terrasses ou en rives des oueds, uniquement dans la partie orientale du versant méditerranéen. C’est un isolat très intéressant pour cette espèce. Le Pacha à deux queues (Charaxes jasius) et la Thécla de l’Arbousier (Callophrys avis), sont les sentinelles de l’arbouseraie, le premier s’en éloignant fort loin et jusque dans les vergers de Berkane pour y déguster le suc des fruits jonchés au sol. Pyronia bathseba, Coenonympha lyllus, C. arcanioides et surtout C. (dorus) austauti, tous tributaires des petites Graminées, sont les habitants du matorral quand il est bien stratifié et assez indemne (comme aux alentours de Taforalt). Le dernier Papillon cité, dont l’aire se superpose à l’Atlas Tellien (Nord-Ouest algérien), ne possède que les Monts de Beni-Snassen comme station marocaine. La présence, sur les peuplements de Baguenaudiers qui subsistent au sud-est de Berkane et juste au nord de Taforalt, du grand Lycène l’Azuré de l’Oranie (Iolana debilitata), qui ne compte au Maghreb occidental que trois ou quatre implantations, devrait impliquer une mise en défends intégrale de tout l’habitat, pour l’instant en bon état. Le même Papillon a disparu des alentours du Col de Jerada où sa plante nourricière arborescente fut la proie de prédilection des insatiables Caprins. D’autres Rhopalocères peuvent être cités comme Anthocharis belia, certains Euchloe, Argynnis pandora seitzi, Melitaea didyma, Hipparchia hansii, H. fidia, etc. Très à l’ouest (secteur de Mechra-Hammadi), quelques collines d’Alfa abritent une colonie de Berberia abdelkader et une petite biocénose de transition à la steppe des Haut Plateaux. Deux Zygènes éminemment sténoèces et de très grand intérêt volent dans les Monts de Beni-Snassen où elles sont étroitement localisées et très sensibles à l’altération du milieu : Zygaena marcuna tlemceni (larve sur Ononis natrix) et Z. favonia sebdouensis (sur Eryngium sp.). Notons ici que bien des taxons sont baptisés de noms évocateurs de l’Ouest algérien.

Le cortège est bien plus modeste sur le Djebel Debdou où les Rhopalocères ne comptent aucune espèce d’intérêt spécial mais deux Zygènes (Hétérocères) remarquables s’y trouvent. Il s’agit de
Zygaena marcuna ahmarica, en voie d’extinction car par un mauvais hasard ses stations sont ponctuellement victimes du piétinement intensif d’un cheptel ovin sédentaire (maison forestière d’Aïn-el-Kbira où les alentours sont livrés à un pacage sans le moindre discernement, Gaada de Debdou) et de la rare Zygaena loyselis loyselis. Quant à la faune des Papillons du Djebel Kouali, elle est désormais d’une réelle banalité.

Dans l’unité collinéenne de Jerada, ainsi qu’au sud d’El-Aïoun, on retrouve l’entomofaune de la steppe à Alfa et son fidèle
Berberia, avec quelques bémols sur les reliefs comme Hipparchia aristaeus, H. hansii et H. powelli, ainsi que Coenonympha fettigii au Col de Jerada. Là encore, le spécialiste y reconnaîtra bien des transfuges de la faune algérienne. Colotis evagore nouna, la Piéride du Câprier, y vole ça et là, fidèle à son Câprier-hôte les années d’équilibre, et surnuméraire loin de l’arbuste natal les années pluvieuses de pics opportunistes. Ce n’est pas là une espèce vraiment bioindicatrice de la qualité des lieux, mais plutôt d’une certaine steppisation.


Papillonnites : les invasions de Nymphagogues


Chaque été que Dieu fait, depuis qu’une créature diabolique du nom d’Homme a « salopé » les précieux écosystèmes qui sont pourtant son unique cadre de vie, la majeure partie du Maroc peu ou prou campagnard ou montagneux connaît une invasion apocalyptique d’une Likénée du Chêne (
Heterocera Noctuinae Catocalinae) : Catocala nymphagoga. C’est un Papillon défoliateur des Chênes sclérophylles et le moindre taillis de Chênes verts fait l’affaire. L’émergence des adultes a lieu en fin de printemps et ils se propagent alors par nuées, parfois très loin de la plante-hôte. D’activité crépusculaire et nocturne, le moindre dérangement les fait s’envoler de jour par myriades. Aucun marocain n’ignore cette plaie, bien que très peu de gens sachent vraiment de quoi il retourne. Traverser en voiture certaines zones boisées en fin de journée est chose périlleuse car les imagos s’abattent en grand nombre sur le pare-brise dont l’essuie-glace fait alors office de collectionneur de Papillons. Mais c’est aussi une manne pour des compagnies marchandes de biocides et chaque année aux alentours de juin, les « Monsanto & Co », toujours à l’affût de la juteuse méconnaissance populaire, se frottent les mains ! La grande majorité des agriculteurs, notamment arboriculteurs, voyant leurs vergers ployer sous les masses de Likénées, craignent le pire... Et ce ne sont pas les agents pourvoyeurs de produits phyto-sanitaires qui vont les rassurer en leur expliquant que le verger n’est qu’un refuge de repos et que ces vilains Papillons sont sans danger pour les fruitiers, ne dévorant que les Chênes à feuilles persistantes ! Tout commerce est affaire d’opportunité et miracle du marketing sur la cible ignorante : la Likénée se fait ennemie du Pommier ! Les bons de commande se remplissent allègrement et les ouvriers agricoles toussent (le masque est inconnu ou « ne fait pas viril » (sic !)

Les Monts de Beni-Snassen, entre-autres, peuvent servir de laboratoire naturel pour une édifiante démonstration. Vous en traversez à l’époque idoine un secteur sous protection, ou pour le moins peu pâturé, là où la chênaie verte conserve une strate végétale assez drue et bien diversifiée : la Nymphagogue y est discrète car l’écosystème est en équilibre. Les parasites et les prédateurs : Hyménoptères, Calosomes, Oiseaux, Reptiles, etc. sont là pour « faire la peau » au plus grand nombre. C’est juste la providence, le temps d’un festin ! Vous vous rendez ensuite dans une même iliçaie mais dégradée cette fois (il n’y a que l’embarras du choix !), une formation dont le sol est scalpé par la pression des parcours en sous-bois, où décline lentement une ossature de bois au feuillage rabougri sur une croûte de terre desséchée. Ce sont là des centaines de milliers de
Catocala ravageuses qui volent éperdues en tous sens. Car il y a belle lurette que le moindre Insectivore a pris la tangente d’une telle « nature morte ».

Les forêts au sol érodé et démunies de sous-bois induisent non seulement tous les indices préliminaires de la plus dramatique désertification et de son corollaire le lessivage pluvial (dont inondations meurtrières désormais monnaies courantes), mais l’écosystème déstabilisé est en outre la proie des ravageurs qui trouvent leur compte dans cet univers monospécifique démuni du moindre contrôle biologique. Faute de frontière, ces foyers infestés représentent aussi une grave menace pour les îlots mitoyens miraculeusement encore sains ou en défends, et en vertu des menaces récurrentes de tels acmés démographiques envahissants, le compte à rebours est en marche.

Une telle démonstration contrastée avec l’outil « 
Catocala nymphagoga » entre habitats en équilibre et habitats dégradés, peut être répétée partout et notamment dans les massifs atlasiques, pour peu qu’il reste encore çà et là quelques îlots peu ou prou originels pour faire la différence. Car dans bien des cas, l’infestation est continue sur les vastes périmètres où ne règnent plus que des formations misérables de Quercus rotundifolia. C’est notamment le cas dans tout l’écotone intra-atlasique entre le Moyen Atlas central et le Haut Atlas oriental, ainsi que dans le Haut Atlas occidental.

Les forêts climaciques ne connaissent pas de pullulations. Fin du sermon.


Des projets de réintroduction

En raison de ses dynamisme et configuration écologiques, voire de sa modeste démographie, les Monts de Beni-Snassen représentent un fort potentiel de transformation pour des opérations de restauration tant de flore que de faune. Le repeuplement en Chênes-liège sur les sites d’Aïn-Almou et de Ras-Foughal, où sont réalisées les conditions bioclimatiques (sud-humide nébuleux) et édaphiques (sol siliceux) favorables, reste à l’ordre du jour. Avec un programme de réhabilitation des biocoenoses et une politique rigoureuse de veille, la réintroduction d’espèces comme le Mouflon à manchettes (projet adopté), le Lynx, la Gazelle de Cuvier et le Vautour est susceptible de rendre à ce massif une partie de la richesse biologique qu’il possédait encore il y a une trentaine d’années.


Vicissitudes et désagréments

Le poubellien supérieur ou quand restent les restes...

« 
Nous sommes les seuls animaux au monde
qui acceptent de vivre au milieu de leurs déjections. »
Charles Melman

« 
Le déchet le plus facile à éliminer est celui que l'on n'a pas produit.»
Anonyme

Une forte fréquentation anthropique ne va pas sans inconvénients pour l’écosystème amphitryon. Durant les beaux jours, les alentours de Taforalt, les Gorges du Zegzel et autres niches fraîches et dépaysantes du coin deviennent chaque week-end des espaces touristico-récréatifs pour les familles des villes d’Oujda et de Melilla. La flore souffre du piétinement, du déchaussement des racines, de l’arrachage des plantes, de la souillure des eaux, par sa simple présence le public s’oppose à la régénération. Mais le top est ici la pollution par les ordures dont le niveau est vraiment inimaginable, telle une couche géologique.

L’incommensurable envahissement d’une infecte strate poubellienne du plus misérable effet est ici la signature sans appel d’un degré zéro de citoyenneté et d’un total dédain pour la nature. Ainsi donc, les visiteurs de ces lieux enchanteurs sont des pollueurs devant l’Éternel. Même affligeant constat à l’endroit de certaines activités « récréatives » comme celle très « m’as-tu-vu » qui consiste à laver « sa belle voiture » dans le lit d’un oued. « Quand ça sent la merde, ça sent l’être. » (Antonin Artaud). A chacun son type de « loisir »... Tout ceci oblige à conclure en l’absence de la moindre surveillance et du non-souci de gestion du capital vert. Il ne s’agit pas ici d’une problématique insurmontable du type surpâturage ou encore agrumiculture rongeant l’arganeraie, ou d’une diplomatique vénalité pour les devises (fauconniers du Golfe) mais « tout bêtement » et comme en d’autres niches récréatives comparables (voir : Source Vittel à Ifrane, Vert-Galant à El-Ksiba, Vallée de l’Ourika, etc.) de lutter prosaïquement contre un certain « laisser-aller ». Si aucune infrastructure d’accueil n’est envisagée en ces lieux de pèlerinages dominicaux, si aucun garde local n’est susceptible de pourvoir à cette fonction, comment ne pas qualifier d’imparable par faiblesse intellectuelle (ou politique) le processus de dégradation du biopatrimoine à l’échelle nationale ? Mais l’exemple ne viendrait-il pas d’un peu plus bas... ? Visiter la petite ville de Berkane dont les Beni-Snassen en constituent l’écrin vert, est un réel voyage au pays des ordures.

« Quand cesserat-on de penser qu'on peut fabriquer des citoyens de demain en éduquant les enfants avec de simples slogans sans rien modifier à l'environnement pestilentiel dans lequel ils évoluent ? »
Taslima Nasreen

Berkane, petite cité riche de son agrumiculture, de l’exportation de ses Mandarines et de tout un panel agricole dynamisé par des partenariats européens, est littéralement mangée par ses poubelles, comme le sont d’ailleurs la plupart des agglomérations de l’Oriental, avec Taourirt comme perle du genre (à ne pas manquer !) Des détritus à tous les coins de rue prouvent un manque d'éducation environnementale et une démission communale qui confèrent à la non assistance à populations en danger. Quand il ne camoufle plus les achats (discrétion qu’oblige une forte disparité sociale), le célébrissime sac plastique noir qui recouvre la ville et ses alentours s’anime au vent. Pour se débarrasser de leurs ordures, les gens y mettent le feu, ce qui dégage des fumées toxiques. D’autres plus « futés » achètent 15 ou 20 dirhams des contenus de camion poubelle pour nourrir leur bétail (viande « bio » avec ingestion de métaux lourds...) Notre vocation naturaliste nous détourne quelque peu du genre humain et nous n’avons guère enquêté sur les retombées d’une telle prééminence des déchets au niveau de la santé publique. Les lits d’oueds étant intégralement investis par des décharges officielles ou sauvages (chercher la différence car toutes incontrôlées...), dont l’immense lit de l’Oued Cheraâ sur 40 ha en plein cœur de Berkane, la contamination de la nappe doit être maximale. Cette pollution phréatique par infiltration du lixiviat est, on le sait, redoutable car pernicieuse. Le lixiviat est le jus résiduel provenant de la percolation de l'eau à travers les déchets et se chargeant de polluants organiques, minéraux et métalliques, par extraction des composés solubles. Outre la qualité bactériologique exécrable, qu’en est-il des polluants inaltérables ? Par places, on y effectue des remblais et s’y installent alors sans plus attendre de coquets lotissements et leurs potagers (!) Ces déchets solides se déclinent en déchets domestiques, hospitaliers, industriels, matériaux de construction…, qui offrent chacun un menu différent de nuisances et de pollutions. La décharge de Berkane recueille ainsi les déchets de l'hôpital (ceux des abattoirs sont quant à eux enfouis dans une forêt...) et l’on peut imaginer les risques encourus par  les « enfants orpailleurs » qui prospectent les tas d’ordures. Quant à ceux mieux nantis et scolarisés, leur chemin des écoliers est ainsi balisé de cet univers, ce qui ne les prépare guère à l’écoconcience dont on se gargarise dans les corridors des capitales. On a simplement l’impression qu’ici, tout un chacun fait ce qu’il peut (et l’on peut « beaucoup ») pour apporter sa contribution, populations bien mentalisées par les papes de la consommation et visiblement séduites par l’argument « jetable ». Parce qu’enfin, ces déchets ne peuvent être proportionnels à la consommation locale d’une si modeste ville ? Ou alors c’est la richesse absolue puisque ces 90.000 habitants produisent chaque jour plus de 60 tonnes de déchets solides, score un peu plus « performant » que la moyenne pondérée qui est donnée pour les Provinces de l’Oriental (0.87 kg/hab/j). La proximité de Melilla, enclave espagnole où les marchandises sont moins chères et d’où les familles reviennent chargées de brassées de sacs plastiques noirs, apporte une contribution hypertrophique à cette religion du bonheur poubellable.

L'embouchure de la Moulouya est située à une vingtaine de kilomètres au nord de Berkane. C'est une zone écologiquement riche (consulter plus après son inventaire floristique), escale migratoire de pas moins de 180 espèces d'Oiseaux, biodiversité ayant justifié son classement comme site d'intérêt biologique et écologique. Eh bien l’Oued Cheraâ qui éponge tant le filtrage de l’incommensurable décharge que les eaux usées de la ville (sans le moindre traitement en amont) est un affluent de la Moulouya ! Ces eaux très polluantes contenant des détergents, des urées et des bactéries, induisent une incontestable eutrophisation, responsable de graves perturbations dans les écosystèmes. Quand il existe au Maroc des stations d’épuration (ce qui n’est pas le cas ici) (le coût moyen pour une ville de 50.000 habitants est de l’ordre de 20 millions de dirhams), elles sont dans la plupart des cas non fonctionnelles.

Rappelons que
l’Homme est sur Terre la seule espèce productrice de déchets (la production quotidienne d’un Occidental est supérieure au kilo), les déjections de toutes les autres espèces étant naturellement recyclées. L’avènement de l’ordinateur connectif individuel va sous peu poser le problème de son élimination puisque tout un chacun va en changer aussi souvent qu’il change de chemise. Drôle de nouvelle ordure !


Autres choses...

L’Oriental est une région de richesses minières (plomb, argent, fer, charbon, barytine, etc.) et le milieu naturel de nombreux sites exploités en souffre évidemment. Ouvrir ici le dossier très sensible de la cité minière de Jerada, Germinal des temps modernes où 80 % du personnel est atteint de silicose, sortirait du cadre des écosystèmes. La fermeture des mines d’anthracite, devenue nécessaire pour la simple raison d'extinction du gisement et des conditions sanitaires très dangereuses, va de pair avec l’abandon des déchets et les risques des poussières pour tout l’environnement humain et naturel (biocénose du Djebel Bou-Keltoum).

On pourrait aussi parler du charbon de bois, aux dégâts incommensurables pour un profit dérisoire et qui était une activité assez intense sur les massifs boisés de l’Oriental, comme dans de nombreuses régions atlasiques. Mais la filière est en déclin.


Laver plus blanc que vert...

Rien n’est plus « sale » qu’une lessive ! Surtout non biodégradable. Dans tout le Maroc rural et évidemment pas par plaisir mais par nécessité, les femmes lavent encore leur linge dans les eaux courantes (et parfois plutôt dormantes ou résiduelles) des cours d’eau. Les paquets vides de Tide et autres labels détergents président donc aux berges des oueds et des asifs. Mais ce n’est plus ici le contenant-ordure qui présente le danger mais bel et bien le contenu-propre, une fois répandu dans l’eau. L’eau qui sert à laver est aussi l’habitat de tout un microcosme qui en atteste la qualité. Les détersifs vendus dans les capitales occidentales, où l’on lave à la machine et où toutes les eaux sont traitées et épurées avant rejets, sont – dit-on – biodégradables. La belle affaire si les détergents des campagnes et des montagnes du Sud ne le sont pas ! Où est alors la conscience des transnationales ? Une preuve de plus s’il en fallait que cette fausse éthique n’est que la conséquence des contraintes imposées. L’appât du gain s’exerce au détriment du respect pour la santé humaine ou pour celui des écosystèmes. On le sait.

Dans les Beni-Snassen, la prédominance calcaire, ajoutée à une pluviométrie appréciable (500-600 mm), sont à l'origine d'une grande nappe phréatique, correspondant à la plus importance réserve d'eau souterraine de la région. Principalement régi par l’Oued Zegzel et son affluent l’Oued Moulay Idriss, le bilan hydrologique est excellent. Parmi les nombreux affluents de ce réseau, dont les sources sont presque toutes captées, seul le cours supérieur du Zegzel proprement-dit est permanent. L'oued Zegzel est une artère de l'Oued Cheraâ, principal affluent de la Moulouya en aval du barrage Mechra-Homadi. Son bassin versant se situe entièrement à l'intérieur du massif des Beni-Snassen. Cours d’eau, sources, résurgences, mares, réservoirs, partout l’on lave, partout le détergent pollue. La survivance d’éléments fragiles comme le sont certains Amphibiens, les Poissons, les Insectes hydrocanthares, les larves de Libellules, les Mollusques et les Crustacés d’eau douce, les Oiseaux tributaires de ces milieux, les formations de végétaux hygrophiles et hydrophytes, est absolument hypothéquée par cette pratique. Si l’on veut continuer à compter la Salamandre tachetée ou le Discoglosse peint dans les inventaires sponsorisés par des entités conservationnistes internationales, il faut aussi leur lancer un SOS pour
contraindre les fabricants à ne distribuer dans le bled que des lessives biodégradables. C’est une revendication qui vaut pour l’essentiel du territoire marocain.


Le cloaque

Le développement du cloaque durable ou le retour aux Écuries d’Augias.

« Augias, le fils du dieu soleil Hélios, fera partie des Argonautes et attaquera ensuite Pylos. Il possédait, tout comme son père, de nombreux troupeaux qu'il faisait paître dans son royaume d'Elis. Ses écuries étaient encombrées par une telle épaisseur de fumier qu'elles étaient devenues inaccessibles. Eurysthée ordonnera à Héraclès les nettoyer en une seule journée. »

C’est l’effroyable situation dans laquelle se trouvent quelques sources et zones marécageuses du massif de Debdou, dont les anciennes biocénoses riches en espèces hygrophiles, ripicoles et fontinales (appartenant notamment à l’entomofaune) ont été récemment éradiquées, qui nous inspire ici ce chapitre, matière à réflexion. Mais l’observation est hélas universelle à bien des régions.

Outre le surpâturage que plus personne ne conteste (pas plus que la surpêche dont sont victimes les écosystèmes marins !), une autre grave dégradation du milieu par le cheptel est celle des points d’eaux, lesquels sont très souvent des habitats de grande valeur. Ces zones humides continentales comprennent des écosystèmes variés : lacs et mares naturels permanents ou temporaires, lacs de barrage, tourbières, pozzines d’altitude, cours d’eau de diverses catégories, sources, fontaines. Leur diversité est plus ou moins variée, le plus souvent remarquable par la présence d’espèces sensibles et endémiques.

La flore s’y manifeste par la végétation spécifique d’eau douce ou saumâtre : espèces de
Phragmites, Juncus, Mentha, Cyperus, Scirpus, Potamogeton, Equisetum, etc., ainsi que par le peuplement des ripisylves : Fraxinus, Salix, Populus, Tamarix, Vitex agnus-castus, etc. Les merjas, lagunes, sebkas sahariennes, estuaires, marais salants ont leurs types de végétations particulières : herbiers submergés, écosystèmes à halophytes comme les Salicornes, etc. Enfin, le plancton et les Algues sont le premier échelon de la pyramide trophique en eau douce, notamment celle des lacs naturels permanents fortement minéralisés.

La faune y est diversifiée :Crustacés, Mollusques représentés par des Gastéropodes et des Lamellibranches, Coléoptères hydrocanthares comme les Dytiscidés, formes nageuses d’Hétéroptères, Patineurs d’eau ou
Gerris (Hémiptères Gerridés), stades larvaires de Diptères et d’Odonates (pauvres Libellules !), d’autres Invertébrés comme les sangsues, quelques Poissons dont de rares endémiques, Batraciens et Reptiles (Grenouilles, Rainette, Discoglosse, Crapauds, Pélobate, Cistude, Émyde, Couleuvre vipérine), une avifaune considérable (Palmipèdes, Échassiers, Rapaces, Passereaux).

Les dayas du Moyen Atlas central, notamment celles de modeste surface, ont été vidées de leur biocénose par le saccage réitéré du bétail. En montagne, les tourbières à Laîches et les pozzines ne sont pas davantage épargnées. Sous tous leurs aspects et sous toutes latitudes, les milieux humides ont toujours constitué un met de prédilection pour la destruction. C’est ainsi que dans l’Oriental, dans les Monts de Debdou, l’environnement immédiat de certaines sources, avec parfois d’importantes zones marécageuses, ont été transformées en cloaques et ne recèlent plus la moindre vie. Toutes les mares transitoires ou permanentes à Isoétacées sont profondément perturbées et devenues de misérables bourbiers ou ont été définitivement anéanties par la surfréquentation ovine.

La moindre précaution serait une gestion protectrice des lieux et l’aménagement d’un équipement mitoyen idoine à l’usage de l’abreuvement des troupeaux. Quand on constate la bienveillance potentielle d’une maison forestière sur le site même, comme c’est très souvent le cas dans le Djebel Debdou, on se demande alors quelles peuvent être la fonction et les compétences du garde contemplant chaque jour des milliers d’Ovins patauger dans la nappe et en déprécier tout l’équilibre.


Res nullius
, res publica, res communis omnium

« 
Il pleut aussi sur la mer. »
Saint-John Perse

L’industrie artisanale d'extraction des huiles essentielles existe au Maroc depuis la conquête musulmane (VIIe siècle). Le camion a remplacé l'âne et les distillateurs parcourent toujours la campagne, achetant modestement les plantes aux particuliers (statut
res nullius), ou plus ambitieusement et en accord avec le gestionnaire du domaine forestier (res publica), voire avec les collectivités locales (res communis omnium), organisant alors des récoltes à grande échelle. Cette filière, connexe à celle du ramassage sans transformation des plantes médicinales et aromatiques, concerne des plantes spontanées (Romarin, Thym, Myrte, Menthe pouliot, Verveine, Mauve, Armoise Absinthe, racines de Sarghine). Le traitement se fait sur place, à l’aide d’un ou de plusieurs alambics à feu nu, équipement précaire le plus souvent obsolète et lent, ayant aussi une fâcheuse tendance à surchauffer, à endommager les plantes et à réduire la qualité des huiles extraites. Une partie de cette huile est en plus gaspillée lors de sa collecte. Créer une technologie répondant aux normes internationales rendrait ces produits plus concurrentiels et plusieurs projets d’amélioration sont en marche.

Pour ce qui concerne le Romarin, il développe d’importantes formations sur les Haut Plateaux et dans certains massifs, notamment celui de Debdou, et il se trouve présentement surexploité et surtout coupé n’importe comment, à n’importe quelle hauteur et n’importe quand. Une rosmarinaie bien conservée peut compter de véritables arbustes de deux mètres de hauteur, si ligneux que les paysans s’en servent comme bois de chauffe.
Il faut voir ce qu’il en reste après le passage d’une campagne de récolte ! Le Maroc en exporte annuellement 60 tonnes d’huile essentielle, laquelle quantité nécessite de couper, de rassembler et de distiller de mai à octobre 15.000 tonnes de matière végétale. Même chose pour d’autres plantes aromatiques et médicinales subissant trop souvent un même massacre. Ce n’est pas rien et l’ampleur mérite bien qu’on se préoccupe de la meilleure façon d’agir. Depuis le protectorat de 1912, les sociétés spécialisées dans l'exportation des huiles essentielles appartiennent principalement à des ressortissants français et encore aujourd'hui, toute la production est exportée à l'étranger. Une exploitation plus rationnelle et durable de cette ressource aromatique exige des techniques mieux appropriées et surtout une gestion plus attentive des ressources actuellement vulnérabilisées par une coupe sauvage et dépourvue du moindre souci de régénération. Telle qu’exercée, cette activité contribue localement à la banalisation des paysages, à l’appauvrissement de la flore et de la faune intrinsèque. Le romarin est par ailleurs une plante mellifère, souvent la seule source disponible pour les Abeilles dans ce type d’écosystème peu varié.


La Moulouya : une frontière

L’Oued Moulouya prend sa source dans la partie méridionale du Moyen Atlas central pour se jeter, après un parcours de 520 km, en Méditerranée entre le Cap de l’Eau et la frontière algérienne. Formée de la capture de trois bassins, la Moulouya conserve le type de rivière sans grand étiage et est soumise à un climat sub-aride lui procurant un régime très irrégulier (de 5 m3 à 5000 m3) qui en fait l’un des cours d’eaux les plus redoutables du Maroc, avec des crues aux effets catastrophiques. C’est par ailleurs une frontière biologique (et historique) et au-delà de son cours on pénètre dans des biocénoses fortement teintées d’influences oranaises.


Relevé floristique de l’embouchure de la Moulouya

La végétation des dunes de sables

La zone des laisses de mer est réduite et l’on passe
ipso facto à une zone plus vaste occupée par l'ammophylaie à Ammophila arenaria arundinacea investissant les microdunes de sable mobile et le cordon dunaire exposé au vent maritime. En retrait et à l'abri de l'action éolienne et des embruns marins se développe une formation mixte à Retama monosperma, Pistacia lentiscus, Ephedra fragilis, Lycium intricatum, Phillyrea angustifolia media et Juniperus lycia.


La végétation de la plaine saline de Sareg

Cette végétation est bien développée au niveau de l'embouchure de la Moulouya. Les groupements végétaux y diffèrent selon le degré de salinité du sol, son humidité et sa structure granulométrique (limon, sable, argile). Elle se décrypte en trois groupements : le premier à Salicornia fruticosa et Suaeda fruticosa, le second à Limonium gummiferum cymuliferum et Inula crithmoides, et un troisième à Lycium intricatum et Atriplex halimus.


La végétation des milieux humides : marécages et berges de la Moulouya

Ce groupement est celui d’un site excessivement humide en été et à submersion épisodique durant plus de six mois. Il est sujet à disparition si intervient un assèchement estival trop prolongé. C’est une ripisylve dominée par
Tamarix boveana, Phragmites communis et Thypha angustifolia.


Extrait d’inventaire
Quelques noms vernaculaires, parfois d’origine régionale, ont été inclus (Source : MedWestCoast, 2002.)

CONIFEROPSIDES
CUPRESSACEAE :
Juniperus phoenicea (Genévrier rouge, arar)
GNETOPSIDES
EPHEDRACEAE :
Ephedra fragilis (Ephèdre fragile, azrem)
ANGIOSPERMOPSIDES
AIZOACEAE :
Mesembryanthemum acinaciformis (Figue marine), M. cristallinum (Ficoïde glacial, lessan el hamr, ghassul kebir), M. eludis (Figue des Hottentots), M. nodiflorum (Ficoïde à fleur nodale, rhoulane)
AMARYLLIDACEAE :
Pancracium maritimum (Lis mathiole)
ANACARDIACEAE :
Pistacia lentiscus (Lentisque, drou)
APIACEAE :
Daucus hispidus (sennayrïa), Eryngium maritimum (Panicaut maritime, lahiet el maaza), Ferula communis (Férule, Faux Fenouil, kechbour)
APOCYNACEAE :
Nerium oleander (Laurier-rose, defla)
ARACEAE :
Arisarum simorrhinum
ASTERACEAE :
Anacyclus valentinus dissimilis, Artemisia herba-alba (Armoise blanche, chîb), Asteriscus maritimus (Astérolide maritime, kerkeba, tafsa), Bubonium aquaticum (fekrouna), Calendula algeriensis (Souci d’Algérie, djamir), Centaurea involucrata, C. sphaerocephala, Inula crithmoides (Inule perce-pierres, kesbane), Inula viscosa (Inule visqueuse, amagramane), Lactuca saligna (Laitue à feuilles de Saule), Launaea arborescens (bou chlaba, um lbeina, iferskil), Mantisalca salmantica (Centaurée de Salamanque), Reichardia tingitana (Reichardie de Tanger, berhim), Senecio leucanthemifolius (Séneçon, rabiât jmel), Sonchus oleratus (Laiteron), Sonchus tenerrimus (Laiteron délicat)
BRASSICACEAE :
Cordylocarpus muricatus, Diplotaxis virgata (Roquette, chart’am), Lobularia maritima (Alysson maritime), Malcolmia arenaria (Malcomie des sables), M. littorea (Malcomie littorale)
CAPRIFOLIACEAE :
Lonicera biflora (Chèvrefeuille de rivière, juher-ed-dar)
CARYOPHYLLACEAE :
Silene colorata (Silène rose, Silène colorée), Spergularia diandra (Spergulaire arrondie), S. embergeri (Spergulaire d’Emberger), S. marginata (Spergulaire marginée, Spergulaire intermédiaire), S. rubra (Spergulaire rouge)
CHENOPODIACEAE :
Anabasis prostrata, Arthrocnemum macrostachyum (Salicorne, rjem, hardjem), Atriplex glauca (Arroche glauque), A. halimus (Arroche marine, Pourpier de mer, lagtaf), Beta macrocarpa, Salicornia fruticosa (Salicorne ligneuse, belbel), S. perennis (Salicorne pérenne, belbel), Salsola kali (Salsovie, Soude, Soude brûlée, quali), S. oppositifolia, Suaeda fruticosa (Soude arbustive), S. vera (adjerem)
CONVOLVULACEAE :
Cressa cretica (Cressa de Crète, melliha)
CYNOMORIACEAE :
Cynomorium coccineum (Cynomorium écarlate Éponge de Malte , tartous)
CYPERACEAE :
Carex divisa (Laîche divisée), Cyperus kali (Souchet faux-choin), Scirpus lacustris glaucus (Scirpe des lacs, merja), S. maritimus (Scirpe maritime, debcha)
DIPSACACEAE :
Scabiosa rutifolia
EUPHORBIACEAE :
Euphorbia paniculata (Euphorbe paniculée, ngess), E. paralias (Euphorbe maritime, ngess), Ricinus communis (Ricin, kherwâa)
FABACEAE :
Benedictella benoistii, Calycotome villosa intermedia (Gandoule), Lotus creticus (Lotier de Crête, goureaïne), Medicago litoralis (Luzerne des rivages, fassa), M. marina (Luzerne maritime, nefel bahari) Ononis natrix (Bugrane, Coquesigrue), Psoralea bituminosa (Herbe au bitume, Psoralier, adna), Retama monosperma (Genêt blanc, rtem), Scorpiurus muricatus sulcatus
FRANKENIACEAE :
Frankenia laevis (Frankénie lisse, roukal)
GERANIACEAE :
Erodium chium (Bec de Grue), E. malacoides (Bec-de-grue fausse mauve, Érodium à feuilles de mauve)
IRIDACEAE :
Iris pseudo-acorus (Flambe d’eau, soçane el asfeur), I. sisyrinchium (Iris faux-Sisyrhynque) 
JUNCACEAE :
Juncus acutus, (Jonc aigu, smar), J. maritimus (Jonc maritime, azemaï)
LAMIACEAE :
Stachys hirta (Épiaire hérissée)
LILIACEAE :
Asparagus stipularis (Asperge, chebrog), Smilax aspera (Salsepareille, asref)
LYTHRACEAE :
Lythrum salicaria (Salicaire, rihan el ma)
MIMOSACEAE :
Acacia cyanophylla (Mimosa, talha)
OLEACEAE :
Olea europea sylvestris (Oléastre, zebouge), Phillyrea angustifolia (Phillaire, qtam)
OROBANCHACEAE :
Cistanche violacea (Cistanche violet)
PALMACEAE :
Chamaerops humilis (Palmier nain, doum)
PLANTAGINACEAE :
Plantago albicans (Plantain blanchâtre, heulma), P. coronopus (Plantain corne-de-cerf, boudjenah)
PLUMBAGINACEAE :
Limonium asparagoides (Statice fausse Asperge, ouden el hallouf), L. delicatilum, L. gummiferum (Statice gomme)
POACEAE :
Aeluropus littoralis, Ammophila arenaria arundinacea (Oyat, Roseau des sables, seboth), Arundo donax (Roseau, Canne de Provence, qsob), Bromus rubens (Brome rougeâtre), Cynodon dactylon hirsutissimum (Chiendent), Dactylis glomerata (Dactyle, nedjma), Koeleria phleoides (Koelérie fausse Fléole), Pholiurus incurvatus, Lygeum spartum (Sparte, sennaq), Phragmites communis (Roseau commun, ksab), Schismus barbatus, Scirpus lacustris glaucus (Scirpe des étangs, Jonc des chaisiers), S. maritimus (Scirpe maritime), Sphenopus divaricatus
POLYGONACEAE :
Emex spinosa (bou semmar), Polygonum aviculare (Renouée des Oiseaux, gerda), P. maritimum (Renouée maritime, sboul el far)
POTAMOGETONACEAE :
Zostera noltii (Zostène naine)
PRIMULACEAE :
Anagallis arvensis (Mouron des champs, l’wid l’hmar)
RHAMNACEAE :
Rhamnus lycioides (Nerprun, boutefiche)
RUBIACEAE :
Rubia peregrina (Garance voyageuse, fouaou)
SOLANACEAE :
Lycium intricatum (Lyciet de Barbarie), L. europaeum (Lyciet commun, aoucedj), Withania frutescens (bennour)
TAMARICACEAE :
Tamarix boveana (Tamaris, larich)
THYMELEAEACEAE :
Daphne gnidium (Saint-bois, azaz)
THYPHACEAE :
Typha angustifolia (Massette à feuille étroite, berdi), T. latifolia (Massette à feuille large, berdi).


Aperçu Zoologique

Ce complexe estuarien de la plus longue rivière de la façade méditerranéenne maghrébine, est un milieu essentiel pour la migration de nombreux Poissons en raréfaction, ainsi qu’une aire de transit, d’hivernage et de nidification pour de nombreux Oiseaux d’intérêt mondial : jusqu’à 1200 individus du Goéland d’Audouin (
awwa) et jusqu’à 200 couples de Sarcelle marbrée (ch’hiba). C’est enfin une mosaïque d’habitats où subsistent de nombreux endémiques de toutes catégories. S’y développent la sansouire de meilleure amplitude d’Afrique du Nord, une des plus remarquables plages sableuses de la Méditerranée, un lit fluvial en permanence inondé et une tamariçaie alluviale exceptionnelle et seulement égalée par celles de l’Oum-Er-Rbia et du Bas Drâa. Le bilan ornithologique de cette zone correspond aux deux tiers de l’échelon national.

Parmi les espèces fauniques endémiques ou rares (toutes classes confondues), il faut citer la Loutre (
kelb el mae, akzin n’ouaman) (une vingtaine de spécimens en tamariçaies, berges et zones marécageuses), le Chacal doré (eddib, ouchchen) (tamariçaies les plus denses et périphérie), le Chat ganté (mouch aberrane), la Mangouste (sebseb) (tamariçaies denses), le Busard cendré (marais et bras morts, junipéraies littorales), le Butor étoilé (sansouires et bras morts), le Râle de genêts (sansouires), l’Avocette élégante (colonies nidificatrices d’une centaine de couples), la Bécassine sourde, le Bécasseau de Temminck, le Chevalier stagnatile, le Goéland cendré, la Mouette tridactyle, la Sterne caspienne, la Sterne royale, la Sterne voyageuse, la Sterne naine, le Crabier chevelu, le Héron pourpré, le Discoglosse peint (addifdaâ munakkat) (en jonçaie), le Seps rifain (al hniech al maghribi) (tamariçaies, salicornaies), le Carabe Macrothorax morbillosus (dunes et sansouires), le Calosome Campalita maderae, les Cicindèles halophiles Lophyridia lunulata et littoralis, Taenidia litorea goudoti et trisignata, Megacephala euphratica, une foule de Carabiques (dont Scarites eurytus), sporadiquement et erratique le Petit Monarque (Lépidoptère Danaus chrysippus), et un long etc. Le Cochon sauvage (ahallouf) abonde.

Une notule quant à la portion marine de l’estuaire et à cette région côtière pour citer trois Tortues marines : la Tortue verte (
Chelonia mydas), la Caouanne (Caretta caretta) et la Tortue-luth (Dermochelys coriacea), ainsi que le Phoque moine (présence au Cap des Trois Fourches) dont les derniers sujets sont en grand danger de disparition, sans passer sous silence un précieux bivalve à perle : la Grande Nacre de la Méditerranée, un distingué coquillage qui peut atteindre un mètre et dont les derniers exemplaires sont menacés par l’action des pêcheurs (filets trémail) et par l’anéantissement de l’herbier à Posidonies, son refuge électif. Cet ouvrage ne traite pas des écosystèmes marins mais un bref regard dans cette direction prouve que l’état des lieux n’est guère meilleur que... dans la steppe à Alfa ! L’alarmisme tous azimuts est donc de rigueur.


La femelle chante, l’espèce déchante...

Le Turnix d’Andalousie (
Turnix sylvatica) est une espèce sédentaire et solitaire, de petite taille (15 cm), très semblable à la Caille des blés (ce qui lui valu d’être chassé par confusion), remarquable par le fait que c’est la femelle qui chante ! Et quel chant puisqu’il rappel le mugissement d'une Vache ! Dans le passé, il hantait les ermes et les pâturages ponctués de palmiers nains dont les massifs constituaient son refuge électif. Il s’est désormais replié dans des habitats côtiers, surtout les lagunes.

Cet Oiseau rare fut localisé il y a plus de dix ans dans les sansouires et les marais à Salicornes, Scirpes et Joncs de l’embouchure de la Moulouya. Il faisait partie de ce splendide cortège aviaire riche en espèces nicheuses tels la Poule sultane, le Héron pourpré, le Busard cendré, l'Élanion blanc, nombreuses espèces de Rallidés et de Fauvettes aquatiques. Les eaux et les sables de cette embouchure font aussi office de reposoir pour de multiples Laridés et le Goéland d’Audouin y est fidèle. Revoir le Turnix d’Andalousie sur ce site relève peut-être désormais de l’utopie eu égard au panel de dysfonctionnements qu’on y enregistre : drainage, empiètement des activités agropastorales, contamination par les biocides agricoles dont le traitement drastique des dortoirs à Moineaux, coupe des Roseaux et des Joncs en période de nidification, dérangements dus à la fréquentation de l’arrière plage, sans oublier l’envahissement d’ordures ménagères (constante du paysage dans la région).

De quoi faire déchanter pour toujours le Turnix d’Andalousie, qui a déjà le triste privilège de figurer au sein de la liste européenne des Oiseaux les plus en danger, avec moins de dix couples subsistants.