Les sentiers du Rif

« Vous aimez la liberté ?
Elle habite la campagne. »
Andrés Bello


Le Rif : un terroir
A l’ouest de Ketama

Malgré le passage de plusieurs cultures étrangères au Maroc (phénicienne, romaine, vandale, arabe, française et espagnole), les toponymes amazighs originaux sont partout restés en place, preuve s’il en fallait de l’attachement de l’Homme à sa terre. Rif : rrif ou arrif, signifie « la rangée » et le vocable est probablement tiré de l’alignement des crêtes montagneuses dont le déploiement fait frontière à la façade méditerranéenne, voire de l’Homme qui fait barrière aux invasions étrangères. Le terme arifi veut dire « l’Homme libre ». Chefchaouen ou Chaouen : achawen est le pluriel de ich qui désigne « la corne », soit la forme des deux montagnes qui dominent la ville.

La chaîne rifaine est une succession de massifs littoraux répondant au système alpin et représentant le prolongement de la Cordillère bétique de l’Andalousie de l’autre rive. Le Rif occidental humide comprend un continuum de massifs appartenant au croissant rifain, réelle cordillère ininterrompue depuis le Tangérois jusqu’à l’embouchure de la Moulouya. A l’extrême Ouest, un premier tronçon septentrional de petits djebels usés s’élève au nord de Tétouan (Djebels Moussa et Dersa). Au-delà de la vallée du fleuve Martil, le relief s’élargit et se dresse en une dorsale de calcaire jurassique (Djebels Ben-Karriche, Kelti, Bouhachem, Sougha) pour atteindre son expression culminante une fois passé l’Oued Laou par les Djebels Tassaot, Taloussisse, Meggou, Kelaa, Tisouka puis Bouhalla et Lakraa (Lechhab) dont certains sommets dépassent alors 2000 m. Contrairement à l’édifice atlasique, les altitudes rifaines sont assez modestes mais la massivité et les pentes très accentuées donnent à l’ensemble un aspect vigoureux et représentent de sérieuses difficultés de desserte. Un peu plus à l’est, à partir du Djebel Tisirene, les affleurements calcaires émergent très souvent et près de Ketama, le Mont Tidiquin culmine à 2456 m. Au sud apparaît une zone marno-schisteuse et passé le Rif central, jusqu’au bassin du Nekkor, il ne reste plus que des formations de flysch. Au-delà et jusqu’aux Monts de l’Oriental, on quitte les bioclimats humide et perhumide sur sols de forte rubéfaction (bruns fersialitiques) pour un Rif oriental essentiellement semi-aride et aux sols marrons ou châtains (croûte calcaire), parfois même dégradés et peu évolués. L’érosion a vivement entaillé l’ensemble. Dans ce labyrinthe montagnard de plis brusques, les eaux ont creusé un réseau de vallées encaissées et riantes, aux versants encore très couverts et boisés. Dans le finage des bourgs à toits de chaume se développe une agriculture rarement intensive où le travail se fait encore à la houe. Le littoral anime des paysages remarquables, avec des criques et de belles plages, mais il est très enclavé et dominé par de puissantes falaises.


Quelques trésors cachés

Le Rif ne rime pas seulement avec kif et Chefchaouen n’est pas que le « Katmandou maghrébin » de certains. Bien heureusement. D’autres y voient
un paradis naturel et culturel, un réservoir biopatrimonial et un remarquable foyer de ressources socioculturelles. L’histoire des Ghomara, habitants notamment la Province de Chefchaouen, reste encore peu connue et riche d’enseignements antéislamiques. Il convient de rappeler que cette région a hébergé certains des pôles les plus représentatifs du soufisme. Les arts et les pratiques, qui n’entrent pas dans le concept de ce livre, y sont d’un grand intérêt et méritent bien des excursions. Région d’une grande potentialité touristique, elle constitue pour les Européens la destination la plus dépaysante des exotismes de proximité.

Contrasté par un versant méditerranéen assez aride où se développe un matorral clair ponctué de Genévriers et de Thuyas, auquel s’oppose un versant atlantique fort humide qui recèle les formations à
Quercus, à Cedrus et à Abies, le pays rifain, montueux lorsqu’il n’est pas montagneux, offre un sans fin de petites routes, de pistes, de chemins et de sentiers à parcourir et à arpenter. Exceptionnels en Afrique, on y rencontre parfois sur substrat siliceux de très rares Châtaigniers. Il serait regrettable de négliger certains sites naturels des basses altitudes de ce Rif occidental et comme ils ne sont pas aisés à découvrir, nous en dressons un programme sommaire. Ils sont globalement d’intérêts floristique, faunique et paysager, agrémentés parfois de fantaisies minérales. Ce sont aussi des idées d’excursions qui complètent les initiatives de randonnées que peuvent susciter les chapitres précédents traitant de la cédraie et de la sapinière, écosystèmes emblématiques du Rif occidental. Cet ouvrage n’a nullement l’ambition de suggérer des itinéraires tout préparés et il est donc rare que nous donnions des directives excursionnistes. Nous comptons sur l’esprit d’aventure et la propre initiative du lecteur pour qu’il construise seul ses randonnées dans les forêts de Cèdres ou de Sapins, ou qu’il rejoigne quelques altitudes sommitales écorchées (éboulis, rares pelouses, modestes xérophitaies). Dans cette perspective et avec un minimum de prudence, l’on peut contacter sur place d’excellents guides pour de telles ballades écologiques qui consistent en la traversée pédestre du Parc naturel de Talassemtane, en l’accès par des pistes hasardeuses des sapinières du Tassaot ou du Lakraa, en des ballades ombragées dans les cédraies mixtes du Tisirene ou du Tidiquin. Entre la péninsule Tingitane et la région de Chefchaouen, les sites suivants permettent une découverte complémentaire à celles des grands massifs.


Perdicaris, le « poumon » de Tanger

Accessibilité : par la route, immédiatement au nord-ouest de Tanger vers le Cap Spartel.
A 150 m au-dessus de la mer, sur un mamelon gréseux dont le versant nord plonge sur le Détroit de Gibraltar, se développe une végétation luxuriante (due au thermoméditerranéen humide et chaud) et de moyenne conservation à base de Chêne zène, de Chêne-liège, de Chêne kermès, ainsi qu’une vigoureuse arbouseraie. De beaux sujets artificiels de Pins pignon et d’
Eucalyptus globulus attestent d’anciennes plantations datant du tout début du siècle précédent. La proximité de l’agglomération tangéroise n’a que peu érodé ce havre de verdure, comme en atteste le maintien d’intéressants Lépidoptères tels que le Voilier blanc (Iphiclides feisthamelii), la Proserpine (Zerynthia rumina africana), l’Aurore de Barbarie (Anthocharis belia), la Thécla de l’Arbousier (Callophrys avis) et le Pacha à deux queux (Charaxes jasius).


Le Djebel Ben-Karriche, un discret refuge

Accessibilité : le début de la petite route dégradée qui y monte, très difficile à trouver, se situe juste au sud-est de la ville hispano-mauresque de Tétouan, une fois franchi l’Oued Martil.
A découvrir de bas en haut : une pineraie à
Pinus halepensis (afforestation parfaitement transformée) abrite une cocciféraie relictuelle en garrigue et un puissant matorral à Cistes, Bruyères, Lentisques et Palmiers nains ; un alignement de hautes falaises riches en Rapaces ; un secteur pastoral très dégradé ; une zone sommitale à relief karstique ponctué de quelques éléments floristiques d’intérêt (certains blottis dans les rochers ruiniformes), avec un exceptionnel panorama mer-montagne aux quatre vents, disponible les rares jours où le brouillard tenace cède la place à l’azur. Cette nébulosité, caractéristique des massifs mitoyens à la péninsule Tingitane où s’affrontent Atlantique et Méditerranée, préside à l’originalité des biocénoses locales.


L’Oued Laou et alentours : une « vallée heureuse »

Accessibilité : par la route secondaire 8304 de Dar-Akoubaa (au nord de Chefchaouen) à Et-Tleta-de-l’Oued-Laou (sur le littoral), ses vicinales et pistes adjacentes, puis par le réseau non balisé de sentiers pédestres.
Le cours d’eau sans grand étiage tranche la dorsale calcaire par une cluse impressionnante et offre sur une quinzaine de kilomètres un parcours de gorges surmontées de majestueuses falaises parfois fréquentées par les adeptes de l’escalade. Dans le même espace et par la route tertiaire qui mène au barrage d’Akchour, les impressionnantes Gorges de l’Oued Farda valent le détour. Ce cours d’eau est alimenté par la résurgence de la source d’Aïn-Danou, dont le débit printanier est de 800 l/s et qui est le siphon de la grotte du même nom (piste muletière depuis le village d’Azilan). Le trajet est ponctué de chutes, de marmites de géants et de diverses fantaisies minérales dont une arche naturelle dénommée le Pont de Dieu et vénérée par les habitants des douars voisins. La ripisylve, parfois envahissante et inextricable, crée quelques obstacles et fait office de refuge à une faune variée, notamment d’Oiseaux, d’Amphibiens (le Discoglosse peint et le Pleurodeles de Waltl fréquentent les bras morts de l’oued), de Reptiles (Émydes, Couleuvres) et de Mammifères dont la Loutre, la Mangouste, la Genette et plusieurs Rongeurs. Il faut y observer la Loutre avec précautions par les nuits de pleine lune. Une biocénose similaire des cours d’eau froide se retrouve dans l’Oued Kelaa, situé dans les parages, parallèle à l’Oued Farda et d’une même accessibilité. Son canyon est célèbre. Ces gorges sont aussi des artères sauvages pour la pratique du canyoning dans une eau pour le moins revitalisante. Tous les alentours du village de Talembote sont intéressants et quelques oliviers séculaires suscitent l’admiration. C’est aussi depuis la belle vallée de l’Oued Laou et du douar Ifansa que l’on peut accéder au Djebel Kelti qui de partout s’affiche en proue au nord-ouest de l’horizon. D’un accès très difficile et de longue haleine, l’aventure commence sous la plante des pieds et l’ascension jusqu’aux 1926 m sommitaux traverse de nombreuses manifestations karstiques (remarquables dolines) et une petite cédraie qui représente la plus septentrionale du Maroc.


Le site d’Aïn-Souyah
 : fantaisies karstiques

Accessibilité : par la route côtière jusqu’à Bou-Ahmed, piste à Souk-El-Had, puis sentier muletier jusqu’au moulin de Tajite.
L’itinéraire consiste à remonter l’Oued El-Kanar jusqu’aux gorges de l’Adelmane, au niveau du moulin. C’est un parcours de forte dénivellation, sauvage et solitaire dans une épaisse végétation fluviale à riche zoocénose. La région est dominée par le massif du Tassaot dont sont issues les résurgences. Les cascades sont nombreuses et lors des épisodes pluvieux, il faut se méfier des montées violentes du régime torrentiel. L’entrée de la grotte se trouve à une altitude de 270 m dans le canyon de l’Oued Adelmane et elle nécessite un équipement de plongée. La source vauclusienne possède l’impressionnant diamètre de 3 m pour un débit de 400 l/s.


Sur le sentier de la sapinière : la source d’Aïn-Tissimlan

Accessibilité : à partir de la piste contiguë au camping de Chefchaouen et en ressaut du petit Djebel Kelaa.
La source, hélas vidée des plus précieuses espèces fontinales de ses alentours, constitue l’un des approvisionnements de la ville et se trouve à l’intérieur d’une grotte. C’est la première étape d’un chemin qui, après avoir délaissé un grand ravin glaciaire où l’on peut découvrir une flore très variée, s’élève en méandres jusqu’à la sapinière du Djebel Tisouka et de ses sous-bois fleuris de Pivoines (avril). Les Batraciens et Reptiles sont nombreux au tout premier printemps, puis les Papillons dès mai-juin. En début d’été, on peut y admirer quelques
Berberia lambessanus, grand Rhopalocère noir, descendant en vol plané de quelques touffes de Stipes suspendues aux plus hautes falaises.


Le site naturel de Brikcha : un îlot de climax

Accessibilité : par la route P28 depuis Chefchaouen en direction de Ouezzane, puis la 2641 à droite depuis Es-Sebt.
A la faveur d’une strate arborescente de grande amplitude, la vallée et ses abrupts offrent un îlot végétal très verdoyant sur sols profonds, où le climax est représenté par les Chênes sclérophiles (dont une remarquable formation mature de Chêne kermès) et par le Chêne zène. D’une grande diversité floristique, la biocénose compte aussi plusieurs Mammifères (Loutre, Genette, Chat ganté, Belette), une avifaune de 75 espèces recensées (très nombreux Rapaces) et d’appréciables cortèges herpétologique (dont l’Alyte accoucheur et le Discoglosse peint) et entomologique. S’ils s’éternisent un peu pour prospecter, les amateurs de microcosme ne seront pas déçus.


Le Crapaud accoucheur : la quarantaine du mâle porteur d’œufs

Le mode de reproduction du sympathique Alyte accoucheur (Alytes obstetricans) commence à être bien divulgué tant elle est singulière. Après l'accouplement, qui est terrestre, le mâle entortille le chapelet d’œufs entre ses pattes postérieures et les promène ainsi jusqu’à une quarantaine de jours, les humidifiant régulièrement dans une flaque. Les larves développées profitent d'une de ces baignades pour s'échapper et poursuivre leur croissance dans l'eau. Ces têtards sont alors totalement Herbivores et ce n’est qu’à l'âge adulte qu’ils se nourriront d'Insectes, notamment de Fourmis, de vers et d'Araignées. Certains d’entre eux n’achèvent leur métamorphose qu'au printemps suivant et ils sont reconnaissables à leur grande taille (jusque 80 mm). Rare au Maroc, le Crapaud accoucheur vit souvent en syntopie avec la Salamandre tachetée, tous deux confinés dans les montagnes rifaines les plus humides et les plus sauvages du pays.


La grotte de Kef Toghobeit : une féerie souterraine

Accessibilité : par la très mauvaise piste au départ de Bab-Taza vers les douars du Djebel Lakraa (demander la direction de Beni-M’hammed !)
Au niveau de l’abri de Outa-Malaeb, il faut escalader la pente jusqu’à l’entrée située à 1700 m d’altitude. C’est une des grottes majeures du Maroc, avec un développé de plus de deux kilomètres de galeries et une profondeur de 700 m. Comme dans tous les avens, grottes et cavités du Rif karstique, les Ptéridophytes (Fougères) et les mousses abondent aux abords de l’entrée. La faune troglobie (Arthropodes cavernicoles) n’y a pas encore fait l’objet d’une étude exhaustive. Les Chauves-souris y sont les troglophiles les plus spectaculaires : plusieurs Rhinolophes, Petit Murin, Pipistrelle commune, Minioptère. Le site est destiné aux passionnés de spéléologie et, poursuivant la montée par la chênaie mixte, puis la sapinière du Lakraa, les non initiés porteront leur intérêt sur le remarquable cortège floristique, l’entomofaune, les Reptiles, les Rapaces et le Singes Magot qui attestent que nous sommes ici dans le Parc naturel de Talassemtane. La « cerise sur le gâteau » serait d’y être témoin du vol majestueux du Gypaète barbu, citation toujours reprise dans les catalogues faire-valoir. Hélas, il n’en reste que l’ombre du souvenir car sa disparition du Rif a précédé la figure de protection administrative, comme c’est bien souvent le cas des animaux climaciques. Les bonnes actions ont toujours un tour de retard... Alors, en partenariat avec la Fondation Aga Khan et le WWF, il est ici, là et ailleurs, déjà, encore ou plus question (on ne sait plus !) de le... réintroduire. Régénérer, reboiser, réintroduire : une industrie de la poudre aux yeux ! Nous ferions mieux de préserver... Car tandis que l’on joue ici à réintroduire, l’identique est à côté en voie d’extinction.


El-Had-d’Agadir : au pays des Papillons

Situation : quitter la route P28 (Chefchaouen-Ouezzane) sur la gauche à hauteur du Pont du Loukos (El-Had-d’Agadir-El-Krouch) en direction de Mokrissèt par la vicinale 2639.
Il convient d’abandonner le véhicule après quelques kilomètres lorsque la route domine fortement la vallée et de prospecter la mosaïque de vergers et de jardins aux modestes cultures vivrières qui se détachent en contrebas. La flore des bermes de la route est d’une richesse fabuleuse, avec entre autres des massifs tapissant de
Putoria calabrica et les parcelles préservées du maquis à Arbousier sont très denses (le Sanglier y est chez lui). Partout, partout volent des Papillons ! Lorsqu’il n’est fait aucun usage de biocides, de tels espaces culturaux peuvent ainsi constituer de généreux refuges pour certaines espèces à affinités rudérales. Le réseau de sentiers discrets qui sillonne au gré d’une végétation assez luxuriante permet de descendre vers les vallons et les cours d’eau que l’on aperçoit d’en haut. C’est alors un réel ravissement que de se perdre au fil des méandres où alternent les jardins et les prairies, surprenant çà et là une Couleuvre ou un Agame. Levant le regard, le ciel est une toile où tournent impassibles Buses, Milans et Aigles dont les cris interpellent en fendant l’air dans l’apaisante solitude. Un petit paradis aux senteurs du pays rifain. Si l’on visite un piton rocheux, un arbre bien exposé au-dessus du vide ou un quelconque support en proue sur les vallons, on y observera un incessant manège « masculin » de Papillons. Ce sont des mâles d’Iphiclides feisthamelii (le Voilier blanc) (la génération estivale est ici de très grande taille), de certaines Piérides vernales (Euchloe belemia et crameri), de quelques Lycènes et de Charaxes jasius (le Pacha à deux queues) s’adonnant au hilltopping. Ce phénomène ne concerne que certaines espèces dont les mâles ont pour « habitude » de s’attribuer un poste d’observation stratégique au sommet des collines les mieux exposées. C’est là que, dominant l’espace, ils se reposent entre deux « patrouilles » à la recherche des femelles. Ces lieux électifs sont toujours des repères sommitaux aux conditions éoliennes favorables et peuvent rassembler un congrès de plusieurs sujets de différentes espèces. Lorsqu’ils sont dérangés par un congénère, ils s’affrontent au cours d’impétueuses rixes ascensionnelles, puis retrouvent le support conquis.


Lalla Outka : le monde de la futaie

Très excentré au sud du Rif central (accès depuis Ourtzarth et Rhafsaï dans le pré-Rif), le Djebel Lalla Outka est un massif bien individualisé et dont la couverture forestière s’étage du thermoméditerranéen subhumide tempéré au mésoméditerranéen humide frais jusqu’au supraméditerranéen perhumide froid (1600 m). Une chênaie mixte remarquable : suberaie, chênaie verte, zénaie et tauzaie mêlées, abrite dans ses sous-bois une flore très diversifiée, avec de nombreuses tourbières et la faune idoine.


Des poubelles peu écotouristiques

« 
Qui aime bien châtie bien » dit la sentence populaire ! Il est vrai que la critique est un acte d’amour car à quoi bon vouloir parfaire ce qui nous indiffère ? « Préserver la nature passe par la colère » est une seconde sentence qui se superpose au souci de ce livre et qui revient en leitmotiv. Hélas, la preuve est faite au quotidien que celui qui voit, s’aperçoit, critique et dénonce est davantage fustigé que celui qui détruit, sans nul doute par ce qu’il fait subséquemment surgir quelques responsabilités politiques, lesquelles sont par tradition susceptibles, voire arrogantes. Assumons donc.

Les grands principes contemporains du recyclage et du développement durable entrent dans une synergie de l’échec à Chefchaouen où tous les efforts semblent entrepris pour la promotion d’une remarquable plate forme de démonstration. Dommage pour la belle cité culturelle et son écrin de nature. C’est peut-être
un clin d’œil de l’éthique verte à l’intention de ceux qui douteraient encore de l’absence des retombées espérées des innombrables congrès et tables rondes sur le sujet de l’environnement et de la santé publique ? Et pourtant, au Maroc et ailleurs les biotechnocrates matraquent la « gestion durable » jusqu’à l’indigestion. Mais n’ayons crainte : ce n’est qu’un discours avec arrière-pensée.

Le choix du site est judicieux. Pour qui prend le sentier « de grande randonnée » qui conduit par le petit Djebel Kelaa et la fameuse source Tissemial jusqu’aux hautes
sapinières du Tisouka et au Parc naturel de Talassemtane, les préliminaires de l’excursion verte ont pour cadre enchanteur un bon kilomètre de cheminement dans une « tranchée » entre deux murs d’ordures déposées là quotidiennement par les riverains et amplifiées par les pertes des camions éboueurs puisqu’un peu plus loin se trouve, pour la plus grande joie de l’avifaune charognarde (aspect biodiversité), l’immense décharge municipale à ciel ouvert. L’odeur âcre et nauséabonde permet au randonneur de retrouver son chemin. Masque à gaz conseillé pour démarrer l’excursion ! Le camping municipal à l’intention du tourisme international est aussi agrestement là, envahi par des hordes de chiens errants se disputant jour et nuit les restants comestibles. Un peu en contrebas, l’hôtel de luxe Asma (piscine et tout) domine depuis son piton la pittoresque médina de maisons blanches aux linteaux bleu pâle. Les jours de vent, les sacs emblématiques de plastique noir s’élèvent de pair avec les Milans, les Buses et les Corbeaux, puis retombent çà et là dans la pinède, ponctuant la chaméropaie ou tapissant la valeureuse formation à Quercus coccifera qui constitue le joyau floristique des lieux. Dommage, non ? Bof ! Pourquoi les cacher puisqu’une telle exhibition, susceptible d’émouvoir les coopérants de passage, peut être la source stratégique d’intarissables aides internationales ?


Les vallées du Rif occidental : un jardin botanique

Ne revenons pas ici aux écosystèmes identifiés par le Cèdre et le Sapin et qui, aux altitudes plus hautes des grands Djebels dominant la dorsale rifaine que sont : Bouhachem, Tassaot, Tisouka, Lakraa, Tisirène et Tidiquin, ont été traités dans les chapitres plus avant. Ce sont des sanctuaires de la nature. Il s’agit maintenant de prendre connaissance du Pays rifain si particulier en s’intéressant à sa campagne et à ses vallées aux réelles valeurs de terroir.

Jusqu’à 500 m d’altitude, c’est souvent des types rudéraux qui reçoivent les biocénoses, notamment l’entomofaune que des tendances commensales orientent vers les friches, les ermes, les abords des cultures aléatoires et les vergers. Ce sont ici des biotopes essentiels car favorisés par le miraculeux maintien des « mauvaises » herbes. Les ripisylves et les berges de fonds de vallons constituent aussi d’excellentes niches de refuge sciaphile et de camouflage quand elles subissent l’envahissement des ligneux et des lianes. Les matorrals revêtent parfois dans le bas Rif une ossature remarquable où, sur silice, ils organisent de belles formations pluristratifiées à Cistes et à Bruyères, dont l’arbouseraie en pans appréciables est ici très remarquable par la densité et la hauteur de son développement. C’est à cette altitude l’une des meilleures ambiances régionales. Certains groupements préforestiers vestigiaux à figure de brousse ont comme espèces arbustives prééminentes l’Oléastre, le Caroubier et le Lentisque. Ils abritent parfois le Chêne kermès, Fagacée insigne du revers méditerranéen rifain, désormais réduit à quelques habitats préservés ou maraboutiques. Nombre d’espèces soulignent le stade de dégradation de ces groupements qui font office d’excellents havres de biodiversité. Les chênaies-liège (suberaies) ont colonisé l’essentiel du thermoméditerranéen forestier du Rif. Individualisant des groupements où règnent les Genistées et les Bruyères, elles sont néanmoins trop souvent vidées de leur contenu par une extrême exploitation. En s’élevant un peu dans le mésoméditerranéen, la chênaie verte est souvent parente de la suberaie dès 600 m et constitue de bons habitats sur les collines schisteuses du Pays Jebala. Sur sols humifères plus profonds, interviennent les chênaies caducifoliées comme la zénaie ou la tauzaie, cette dernière toujours plus dense et fermée.


Herbier des vallées et des collines rifaines

« 
Une fleur est un être entièrement poétique. »

Cet inventaire, constitué au gré des sentiers et des livres, ne reprend ni les espèces des étages supraméditerranéen et montagnard, ni celles propres à la cédraie et à la sapinière rifaines. Entre parenthèses sont inclus les noms vernaculaires français que nous avons pu compiler et plus rarement ceux marocains (arabo-berbères en général et non spécialement rifains), variables d’une région à une autre et comportant un certain potentiel de confusion. Ces derniers ne sont aisément disponibles que pour ce qui concerne les plantes dites « utiles » ou la malherbologie. Pour les espèces non domestiques ou non « nuisibles », les noms communs sont très aléatoires, puisque d’aucun usage populaire. Le classement est alphabétique.

PTERIDOPHYTES
OPHIOGLOSSACEAE :
Ophioglossum vulgatum (Ophioglosse vulgaire, Langue de serpent)
OSMUNDACEAE :
Osmunda regalis (Osmonde royale)
POLYPODIACEAE :
Adianthum capillus-veneris (Capillaire de Montpellier, chaâr l-ghoul, qesbiat l-bir), Asplenium petrarchae (Asplénie de Pétrarque), Asplenium spp. (Asplénie, Doradille), Athyrium filix-femina (Fougère-femelle), Blechnum spicant (Fougère pectinée, Blechnum en épi), Cystopteris filix-fragilis (Polypodium fragile), Dryopteris acculeata, D. villarsii, Phyllitis scolopendrium (Fougère Scolopendre), Ph. hemionitis (Scolopendre officinale), Polypodium vulgare (Réglisse des bois), Pteridium aquilinum (Fougère aigle)
EQUISETACEAE :
Equisetum maximum (Grande Prêle), E. ramosissimum (Prêle rameuse)
OPHIOGLOSSACEAE :
Ophioglossum vulgatum (Ophioglosse vulgaire)
ISOTACEAE :
Isoetes hystrix (Isoète épineux)
CONIFEROPSIDES
ABIETACEAE :
Pinus halepensis (Pin d’Alep, snouber, taïda)
CUPRESSACEAE :
Juniperus oxycedrus rufescens (Genévrier oxycèdre, taqqa, tiqqi), Tetraclinis articulata (Thuya de Berbérie, ârâar, azuka, amelzi)
TAXACEAE :
Taxus baccata (If commun, dakhs, imerwel, igen)
GNETOPSIDES
EPHEDRACEAE :
Ephedra major (Grand Éphèdre)
ANGIOSPERMOPSIDES
ADOXACEAE :
Adoxa moschatellina (Moscatelline)
AMARYLLIDACEAE
Leucojum trichophyllum (Nivéole, bsela), Narcissus viridiflorus (Narcisse vert)
ANACARDIACEAE :
Pistacia lentiscus (Lentisque, dru), P. terebinthus (Térébinthe, btem), Rhus pentaphylla (Sumac à cinq feuilles, tizgha)
APIACEAE :
Ammi majus (Ammi élevé, tlaylân, tribal, kryu), A. visnaga (Ammi visnaga, busniha, bechnikha), Daucus carota (Carotte, khizzu, sefnarya, jaâda, etc.), Eryngium campestre (Panicaut, zerriga), E. ilicifolium (Panicaut, zerriga, sekkour, kaf sbaâ), Ferula communis (Férule, Faux Fenouil, kelh, bubal, fasuh), Foeniculum vulgare (Fenouil, besbas, amsa, nafaâ), Oenanthe crocata (Pensacre), Oe. pimpinelloides (Oenanthe faux boucage), Smyrnium olusatrum (Maceron, heyyâr, habbat gerri, hayar), Thapsia garganica (Thapsie faux-Fenouil, deryâs, rwaba, abagur, abu, bu neffa)
APOCYNACEAE :
Nerium oleander (Laurier-rose, defla)
ARACEAE :
Arisarum vulgare (Arum des bois, ayerni, oudinat l-kelb)
ARISTOLOCHIACEAE :
Aristolochia baetica (Aristoloche bétique), A. longa paucinervis (Aristoloche longue, barreztem)
ASTERACEAE :
Andryala integrifolia (Andryale à feuilles entières, bu nail), Anthemis arabica (Camomille arabe, tofs), A. fuscatum (Camomille précoce), A. pedunculata (Camomille pédonculée), Astericus spinosus (Pallenis épineux, tafsa), Bellis annua (Pâquerette, hallâla), Calendula suffruticosa (Souci arbustif), Carduus myriacanthus (Chardon), Carthamus arborescens (Chardon arborescent), Centaurea sp. (Centaurée, baâjnhal, zmamour, chafraj, etc.), Chrysanthemum coronarium (Chrysanthème à couronnes, gehwan, hellala, i-gentus), Ch. segetum (Chrysanthème des moissons, kraâdjaja, gahwane, ghadou mlal), Cichorium intybus (Chicorée, hendaba), Launaea nudicaulis (lgherrima, makr, hnunat, marrara), Echinops spinosus (Boule d’azur épineuse, taskere, lkerchuf), Notobasis syriaca (Chardon de Syrie, lkerchuf el gemel), Onopordum macracanthum (Chardon aux ânes, lchubrak), Phagnalon saxatile (laateytsa), Santolina, rosmarinifolia (Santoline à feuilles de Romarin, ayrar, tayrart), Scorzonera pygmaea (chella), Tolpis barbata (Trépane barbue), Tragopogon porrifolius (Salsifis, l’giz), Urospermum dalechampii (Urosperme de Daléchamps, merrira)
BERBERIDACEAE :
Berberis hispanica (Épine vinette d’Espagne, izzirki, argis)
BETULACEAE :
Alnus glutinosa (Aulne glutineux), Betula alba fontqueri (Bouleau pubescent, Bouleau verruqueux)
BORAGINACEAE :
Anchusa undulata, Borago officinalis (Bourrache, horraycha, bou hamdoun), Cerinthe major (Mélinet), Cynoglossum creticum (Langue de chien), C. dioscoridis, Echium horridum (l-harcha s-çalha, tanasat), E. humile (Vipérine, I-harcha lhamra), E. plantagineum (lsan el-bgar), E. pomponium (Viperine turban), E. vulgare (Vipérine), Lithospermum apulum (Grémil)
BRASSICACEAE :
Biscutella didyma (Lunetière, gugalman), Diplotaxis catholica (Diplotaxis catholique, ba hammu, lkerkaz, awerdal), Matthiola fruticulosa (Matthiole en buisson, chgera), M. parviflora (Matthiole à petites fleurs, chgera), Sinapis arvensis (Moutarde des champs, bahammou l-hou, kerkaz)
BUXACEAE :
Buxus balearica (Buis des Baléares)
CACTACEAE :
Opuntia ficus-indica (Figuier de Barbarie, zaâboul, aknari, khermus hindya)
CAMPANULACEAE :
Campanula rapunculus (Raiponce, djara)
CANNABINACEAE :
Cannabis sativa (Chanvre indien, kif)
CAPRIFOLIACEAE :
Lonicera biflora (Chèvrefeuille, juher-ed-dar), L. etrusca (Chèvrefeuille d'Étrurie, louayate el yasmine), L. implexa (Chèvrefeuille, juher-ed-dar), Sambucus ebulus (Boule de neige, Hièble, Petit Sureau), S. nigra (Sureau noir), Viburnum tinus (Laurier-tin)
CARYOPHYLLACEAE :
Arenaria montana (Sabline des montagnes), Cerastium gibraltaricum (Céraiste de Gibraltar), Hernaria glabra, Paronychia argentea (Paronyque argentée), P. echinata (Paronyque hérissée), P. kapela, Silene spp.
CISTACEAE :
Cistus albidus (Ciste blanc, bou chikh, tanaghoust), C. creticus (Ciste de Crète), C. crispus (Ciste ondulé), C. ladaniferus (Ciste à résine), C. laurifolius (Ciste à feuilles de Laurier, amziwet), C. libanotis (Ciste du Liban), C. monspeliensis (Ciste de Montpellier), C. populifolius (Ciste à feuilles de Peuplier), C. salviifolius (Ciste à feuille de sauge, chettaba, irgel, tuzzalt), C. varius (Ciste variable), Halimium atlanticum, H. commutatum, H. halimofolium, H. lasianthum, H. ocymoides, H. umbellatum, Helianthemum spp. (Hélianthèmes), Pomelina fontanesii
CORIARIACEAE :
Coriaria myrtifolia (Corroyère, Coriaire à feuilles de myrte, arwaz)
CRASSULACEAE :
Cuscuta epithymum (Cuscute), Pistorinia breviflora (jeljel), Umbilicus horizontalis (Nombril de Vénus, udnin-diel-begra)
CUCURBITACEAE :
Bryonia dioica (Navet du diable, âneb d’dib, adil n-wuchen), Echallium elaterium (Momordique, feggous l’hmir)
CYPERACEAE :
Carex muricata (Laîche de Paira)
DIOSCOREACEAE :
Tamus communis (Tamier)
DIPSACACEAE :
Scabiosa atropurpurea (Scabieuse des jardins), S. stellata (Scabieuse à facettes, bumgar)
ERICACEAE :
Arbutus unedo (Arbousier, bakhannou, sasnou), Calluna vulgaris (Bruyère commune, Bruyère callune), Erica arborea (Bruyère arborescente, hlenj, bou heddad), E. australis (Bruyère d'Espagne), E. ciliaris (Bruyère ciliée), E. multiflora (Bruyère à fleurs nombreuses), E. scoparia (Bruyère à balai), E. terminalis (Bruyère de Corse), E. umbellata (Bruyère)
EUPHORBIACEAE :
Euphorbia characias (Euphorbe characias), E. clementei (Euphorbe), Euphorbia spp., Mercurialis annua (Mercuriale annuelle, archud), M. reverchonii (Mercuriale de Reverchon)
Ricinus communis (Ricin, kharwaa, awriwra, semkala ; c’est en fait une peste végétale introduite que l’on ne devrait pas citer !)
FABACEAE :
Adenocarpus complicatus (Adénocarpe à feuilles pliées), A. decorticans, A. telonensis (Adénocarpe à grandes feuilles), Anagyris foetida (Anagyre fétide), Anthyllis vulneraria (Anthyllide vulnéraire, akrus), Astragalus glaux (Astragale glaux), A. hamosus (Astragale), A. lusitanicus (Astragale du Portugal), A. monspessulanus (Astragale de Montpellier), Calicotome villosa (Calicome velu), Chamaespartium tridentatum, Colutea atlantica (Baguenaudier, qboura), Coronilla valentina glauca (Coronille glauque), C. viminalis (Coronille faux-Baguenaudier), Cronanthus biflorus, Cytisus linifolius (Cytise, Faux Ébénier, mrah), Ebenus pinnata (Ébénier, jibana), Genista anglica (Genêt d'Angleterre), G. capitata, G. erioclada (Genêt), G. quadriflora (Genêt à quatre fleurs), G. retamoides, G. tournefortii, G. triacanthos, G. tricuspidata, G. tridens, Hippocrepis sp. (Hippocrépide, Fer à cheval, menjel), Lathyrus aphaca (Gesse, tibawsin), L. clymenum (Gesse articulée, jelbânat l-hnâs), Lotus creticus (Lotier, mzerag-dieb-akreb), L. tetragonolobus (Tétragone), Lupinus angustifolius (Lupin à feuilles étroites, senqala, bou zgaiba), L. luteus (Lupin jaune, senqala, bou zgaiba), Medicago intertexta, Melilotus indicus (Mélilot, nefla), Ononis biflora (Bugrane à deux fleurs), O. natrix (Bugrane fétide, Bugrane jaune, Bugrane gluante, Bugrane puante, Coqsigrue, l’henna), Psoralea bituminosa (Herbe-au-bitume), P. americana, Retama monosperma (Genêt blanc, rtem, algou), Sarothamnus arboreus baeticus (Genêt de la forêt), S. grandiflorus (Genêt à grandes fleurs), Stauracanthus boivini, Teline osmarensis, Trifolium stellatum (Trèfle étoilé, nefla), Tripodion tetraphyllum (Anthyllide), Ulex parviflorus (Ajonc à petites fleurs), Vicia lathyroides (Vesce), V. lutea (Vesce jaune, bou zgayba), V. onobrychioides (Vesce faux sainfoin), V. sativa (Vesce cultivée)
FAGACEAE :
Castanea sativa (Châtaignier, qostal), Quercus coccifera (Chêne kermès, kermez), Q. faginea (Chêne zène, Chêne zéen, ballout ez-zane, techt), Q. fruticosa (= Q. lusitanica) (Chêne nain), Q. pyrenaica (le Chêne tauzin, techt), Q. rotundifolia (Chêne vert, ballout lakhdar, kerrouch, tassaft), Q. suber (Chêne-liège, ballout-l-ferchi, l-fernane)
GENTIANACEAE :
Blackstonia perfoliata (Centaurée jaune), Centaurium erythraea (Petite Centaurée, qantarun), C. pulchellum (Petite centaurée, fesset el far)
GERANIACEAE :
Erodium aethiopicum (lregma), E. cheilanthifolium (Bec-de-Grue)
GLOBULARIACEAE :
Globularia alypum (Globulaire, zerga)
HYPERICACEAE :
Hypericum pubescens (Millepertuis)
IRIDACEAE :
Crocus salzmannii (Safran sauvage), Gladiolus communis bizantinus (Glaïeul, sif d-dib, tafrut n-wussen), Iris planifolia (Iris), I. sisyrinchium (Iris), I. tingitana (Iris de Tanger)
JUNCACEAE :
Juncus acutus (Jonc aigu), J. conglomeratus (Jonc aggloméré), Luzula forsteri (Luzule de Forster), J. squarrosus (Jonc rude)
LAMIACEAE :
Cleonia lusitanica (Cléonie), Lavandula dentata (Lavande dentée), L. multida (Lavande, klila-diel-amir), L. stoechas (Lavande stéchade, chelchel), Marrubium vulgare (Marrube blanc, merriut), Mentha pulegium (Menthe pouillot, fliyu), M. rotundifolia (Menthe à fleurs rondes), Mentha sylvestris (Menthe sylvestre), Nepeta apulei (Fausse Mélisse, Herbe-aux-chats, quechtan), Phlomis crinita mauritanica, Prasium majus (uden-el-kheruf), Rosmarinus officinalis (Romarin, azir), Salvia argentea (Sauge argentée), S. barrelieri, Stachys fontqueri, S. ocymastrum, Teucrium fruticans (Germandrée arbustive, rchid-u-mellal), T. luteum (Germandrée), Thymus broussonetii (Thym de Broussonet, zâitra), T. capitatus (Thym de Candie), T. ciliatus
LAURACEAE :
Laurus nobilis (Laurier-sauce, chajrat, sidna moussa)
LILIACEAE :
Allium ampeloprasum (Ail, busela), A. subvillosum (Ail à feuilles ciliées, busela), Aphyllanthes monspeliensis (Aphyllanthe de Montpellier), Asphodelus cerasiferus (Asphodèle porte-cerises), A. fistulosus (Asphodèle fistuleux, berwag, ingri, berwiga), A. microcarpus (= A. aestivus) (Asphodèle à petits fruits, berwag, ingri, tigri, ansel), Fritilaria hispanica (Fritillaire), Gagea durieui (Gagée de Durieu, busela), Hyacinthoides lingulata, Muscari comosum (Muscari à houppe, ansel srhir), M. neglectum atlanticum (Muscari négligé, Muscari en grappe, Ail des chiens), Ornithogallum umbellatum (Dame-d’onze-heures, tiyerret), Scilla autumnalis (Scille d’automne), S. undulata (Scille à feuilles ondulées), Smilax asperus (Salsepareille, luwâya, uchba, tanesfalt)
LINACEAE :
Linum angustifolium, L. austriacum (Lin d’Autriche), L. numidicum (Lin de Numidie)
LORANTHACEAE :
Viscum album (Gui, lenjbar, asemmum, dakhtane)
LYTHRACEAE :
Lythrum junceum (Lythrum de Graeffer, sabun l-ma)
MALVACEAE :
Lavatera olbia (Mauve royale, l’khobbiza, beqqula), L. trimestris (Lavatère, l’khobbiza, tibbi, abejjir), Malva hispanica (Mauve d’Espagne, l’khobbiza, beqqula)
MYRTACEAE :
Myrtus communis (Myrte commun)
OLEACEAE :
Fraxinus angustifolia (Frêne oxyphylle, dardar, aseln, tuzzalt), Fraxinus dimorpha (Frêne variable, imts, aseln, tuzzalt), Jasminum fruticans (Jasmine jaune, l’yasmine, juer ed-dar), Olea europaea (Olivier d’Europe, zaïtuwn), Olea europea sylvestris (Oleastre, zebouge), Phillyrea angustifolia (Filaire à feuilles étroites)
ORCHIDACEAE :
Ophrys lutea (Ophrys jaune), O. scolopax apiformis (Ophrys bécasse), O. tenthredinifera (Ophrys Guêpe), Orchis italica (Orchis militaire), O. lactea (Orchis laiteuse), O. morio champagneuxi (Orchis casque, l-heyya ul-miyyta, baej n-hal), Serapias lingua (Helléborine)
OROBANCHACEAE :
Orobanche crenata (Orobanche, suwwal l-chruf), O. sanguinea (Orobranche sanguine, fernûn)
PALMACEAE :
Chamaerops humilis (Palmier nain, doum, ghaz, jemmar, tigeztemt)
PAPAVERACEAE :
Papaver rhoeas (Grand Coquelicot, belaâmane, waluda, aflidou), P. setigerum (Pavot, afyun), Roemeria hybrida (Coquelicot violet, nker-diel-rhorab)
PLUMBAGINACEAE :
Limonium lobatum (Statice lobé), L. sinuatum (Statice sinué) 
POACEAE :
Nombreuses espèces
POLYGONACEAE :
Emex spinosa (hummeida, henzab, zumar, dirs el’aguz), Rumex bucephalophorus (Rumex tête de boeuf, hummeida), R. papilio, R. pulcher (Faux épinard), R. tuberosus (Oseille tubéreuse), R. vesicarius (Oseille sauvage, hummeida, gurisa)
PORTULACACEAE :
Montia fontana (Montie des sources)
POTAMOGETONACEAE :
Potamogeton oblongus (mares), P. polygonifolius (mares)
PRIMULACEAE :
Cyclamen africanum (Cyclamen d’Afrique)
RANUNCULACEAE :
Adonis aestivalis (Adonis d’été), A. palmata (Anémone), Clematis cirrhosa (Clématite à vrille, louwwaya, mouqbila), C. flammula (Clématite petite flamme, nar l-barda, azenzou), Delphinium halteratum (Pied d’Alouette), Helleborus foetidus (Pied-de-griffon), Nigella damascena (Nigelle de Damas, Barbe de capucin, sanuj), Ranunculus aquatilis (Renoncule aquatique), R. bullatus (Renoncule boursouflée), R. ficaria ficariiformis (Ficaire fausse Renoncule), R. flammula, (Renoncule flamette, Petite Douve) (dans les mares), R. macrophyllus (Bouton d'or à grandes feuilles), R. paludosus (Renoncule des marais)
RESEDACEAE :
Astrocarpus sesamoides (Astérocarpe)
RHAMNACEAE :
Rhamnus alaternus (Nerprun, Alaterne, ambîles, amlilis), R. lycioides, R. myrtifolia (Nerprun à feuilles de Myrte), R. pumilis (Nerprun nain)
ROSACEAE :
Agrimonia eupatoria (Aigremoine eupatoire), Cotoneaster nummularia (Cotoneaster), Geum urbanum (Benoîte des villes), G. sylvaticum (Benoîte des bois), Potentilla micrantha (Potentille à petites fleurs), P. erecta (Tormentille, Potentille dressée), Prunus avium (Merisier), P. lusitanica (= Laurocerasus lusitanicus) (Laurier du Portugal), P. mahaleb (Cerisier de Sainte Lucie, Faux Merisier), Rosa canina (Eglantier, Rose sauvage, Rose des chiens, werd), Rosa micrantha (Églantier à petites fleurs, werd), R. sempervirens (Rosier des champs), Rubus ulmifolius (Ronce rustique, Ronce à feuilles d’Orme, üllig, sermu, aseddir, tabgha), Sanguisorba minor (Pimprenelle), Sorbus torminalis (Alisier torminal, mechtehi, zaârour)
RUBIACEAE :
Asperula hirsuta (Aspérule hérissée), Putoria calabrica, Rubia peregrina (Garance voyageuse, fuwa, tarubia, tigmit, lhamri)
SALICACEAE :
Populus alba hickeliana (Peuplier blanc, sefsaf abyad, asefasf amellal), P. nigra (Peuplier noir, sefsaf, blinz), Salix alba (Saule blanc, Saule doré), S. cinerea (Saule cendré, oum soualf), S. elaeagnos (Saule drapé), S. pedicellata (Saule), S. purpurea (Saule pourpre Osier rouge), S. triandra (Saule-Amandier Osier brun)
SCROPHULARIACEAE :
Anarrhinum fruticosum (ayn-r-rneb), Bellardia trixago (Bellardie), Digitalis purpurea (Digitale pourpre), Gratiola linifolia, Kickxia lanigera (geid nâam, dseyma), Parentucellia viscosa (Eufragie visqueuse), Scrophularia sambucifolia, Veronica anagallis-aquatica (Mouron d’eau)
SOLANACEAE :
Datura stramonium (Pomme épineuse, chdek j-mel, taburzgit, krank), Mandragora autumnalis (Mandragore, bid l-ghul, taryala, yabruh), Solanum linnaeanum (Pomme de Sodome, hdaj), S. nigrum (Morelle noire, eneb addib, adil n-wuchen), Triguera osbeckii, Whitania frutescens (lbayda, irremt)
THYMELAEACEAE :
Daphne gnidium (Garou, elzaz, lezzaz, inif, metnane), D. laureola latifolia, (Laurier des bois, lili w-adrar, walidrar), Thymelaea villosa, T. virgata, T. tartonraira (Tartonraire)
URTICACEAE :
Urtica urens (Ortie brûlante, Petite Ortie, l-hurrayga, imezri, tismekt)
VALERIANACEAE :
Centranthus calcitrapa (Centranthe), Valeriana tuberosa (Valériane)
VERBENACEAE :
Vitex agnus-castus (Faux Poivrier, Gattilier, Agnus-castus, angarf, angrif, herwaâ)
VIOLACEAE :
Viola arborescens (Violette arborescente)


Dans le ciel et sur les branches

« 
Chaque oiseau vole avec les oiseaux de son espèce. »
Mahomet

Préalablement abordée au chapitre de la cédraie, l’avifaune du Rif est exceptionnellement riche. Dans les vallées et vallons où nous mènent les chemins, il y a toujours quelques Rapaces en vol : Milan noir, Circaète, Épervier d'Europe, Buse féroce, Aigle botté, Busard des roseaux, Faucon pèlerin, Faucon crécerelle et, plus rares, Aigle de Bonelli, Faucon lanier et Autour des palombes.
 
Parmi les Oiseaux des écosystèmes établis à basse ou moyenne altitudes, dans les chênaies, les matorrals ou les campagnes, on peut citer les espèces suivantes : Cigogne blanche, Héron gardeboeuf, Perdrix gambra, Caille des blés, Oedicnème criard, Pigeon ramier, Tourterelle des bois, Hibou petit-duc, Rollier d'Europe, Guêpier d'Europe, Alouette lulu, Cochevis de Thékla, Cochevis huppé, Pipit rousseline, Tchagra à tête noire, Cisticole des joncs, Fauvette mélanocéphale, Traquet oreillard, Rossignol philomèle, Agrobate roux, Grand Corbeau, Bruant proyer.


Chasses fines dans la campagne rifaine

« Pour connaître la rose,
quelqu’un emploie la géométrie et un autre le papillon. »
Paul Claudel

Voici la narration de deux enquêtes personnelles en vue de retrouver deux belles Zygènes, « parties sans laisser d’adresse ».


Revoir
tatla, le Papillon d’une petite bergère...

En tout lépidoptériste, il y a un zygénologue qui sommeille. Personne n’est parfait ! C’est la faute aux belles Zygènes, Papillons « de nuit » qui volent de jour : a t’on idée ! Il n’est donc de « chasse aux Papillons » qui ne soit agréablement troublé par le vol d’une Zygène, a fortiori au Maroc, aboutissement des lignées phylétiques du genre et par conséquent « foyer » biologique d’une vingtaine d’espèces.

Nous étions en... mai 1941, au vieux temps rifain du Protectorat espagnol. L’entomologiste-voyageur (tous les entomologistes le sont...) Werner Marten récolte alors dans la péninsule Tingitane, non loin de Tétouan, une forme nouvelle et mélanisante de
Zygaena orana, espèce connue du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et de Sardaigne. Jusqu’alors, on n’en connaissait pas de forme noire. Elle fut nommée « tatla », du prénom de la petite bergère berbère qui procura à l’entomologiste « les premiers spécimens qu’elle tenait par les antennes ». Depuis ce temps, de nombreux spécialistes se mirent sur les traces de Zygaena orana tatla, mais sans succès. On ne la revit jamais plus et tatla rejoignit le rang des Papillons mythiques dont on ne connaît que les types.

Après dix années de traque vaine aux alentours de Tétouan, notamment au Cabo negro - la localité supposée des captures de Marten - passant au peigne fin nombre de peuplements de Lotier, la plante-hôte habituelle de l’espèce, puis aussi de prospections plus étendues sur tout le front nord jusqu’à... Saïdia, je ne nourrissais plus grand espoir de revoir
tatla. Le mélanisme d’une espèce partout plus claire au sud, sous-entendait son étroite localisation dans un habitat humide et côtier du Maroc septentrional. L’influence mélanigène induite par l’élévation hygrométrique est une bonne règle entomologique, mille fois vérifiée. Ce principe fut en l’occurrence conforté par ma découverte simultanée dans l’Anti-Atlas marocain d’une petite race xérophile claire d’altitude décrite d’Algérie subsaharienne : Z. orana oberthueri, race d’habitus opposé puisque évoluant aux extrêmes géonémiques marocaines de l’aire. Fidèle à cette théorie du mélanisme littoral, je pressentais fortement tatla dans un petit djebel à peine en retrait de la frange côtière et dominant Tétouan : le Djebel Ben-Karriche. C’est en dépit de sa modeste altitude un massif très arrosé et la plupart du temps enveloppé d’une écharpe de nébulosité. Un vrai « Pays basque » marocain. Le vif intérêt de cette montagne m’avait été souligné par la rencontre, dans la série karstique des rochers ruiniformes du sommet, d’un petit Géranium rupicole sensible : Erodium cheilanthifolium. Dans les Atlas, il ne descend guère en dessous de 2000 m. Sous l’influence du bioclimat humide, nous l’avons là, à quelques 1200 m. Mais point de Lotier pour les chenilles de tatla !

Le 3 avril 2001 fut un jour faste. Si elle vit toujours, la petite bergère pourrait avoir 70 ans, 70 ans sans qu’aucun chercheur n’ait pu remettre la main sur l’
orana noire du Rif. C’est alors qu’en visitant un splendide pan d’Astragalus lusitanicus, se développant au sein d’un matorral conquis par la cistaie et en orée d’une pinède, que mon attention fut attirée par un vol vif et rectiligne : ce ne pouvait qu’être un spécimen de tatla ! De très nombreux exemplaires furent ensuite observés butinant les fleurs de ciste ondulé, ainsi que des femelles surprises en oviposition sur l’Astragale qui est ici sa plante-hôte, l’espèce restant fidèle à la famille des Fabacées.

Mission accomplie ! Après tant d’errances, la trace de la Zygène disparue était retrouvée et sa présence réhabilitée.


Dernière carte au Pays des Beni-Routen

La scission continentale n’ayant qu’un effet ségrégatif très relatif et seulement « filtrant » sur la flore et la faune, les endémovicariants et autres espèces géminées sont légion de part et d’autre du Détroit de Gibraltar.
Zygaena fausta est une espèce atlanto-méditerranéenne fréquente en Espagne, notamment en Andalousie. L’existence d’une forme géminée « africaine », nommée Z. (fausta) elodia, est due au mérite du célèbre entomologiste Harold Powell qui en fit la découverte dans le Val d’Ifrane (Moyen Atlas) en 1934. Mais petit à petit, la Coronille-hôte (Coronilla valentina) fut éradiquée de la ripisylve ifranaise sous les effets néfastes de la dent des Caprins et la belle fausta fut gommée de l’Atlas. Fin du premier acte.

Il n’en restait plus alors qu’une sous-espèce rifaine, quelque part dans le pré-Rif, au Pays des Beni-Routen, fruit des valeureuses prospections de nos aînés (années 40). Mais voilà que depuis les années 70, elle prit aussi la tangente du Rif, toujours sous la trop forte pression caprine et le Landernau ésotérique des zygénologues s’en inquiéta fortement. Fin du second acte.

Je me mis donc en route pour la retrouver au sein de l’univers collinéen de la vaste et belle région qui s’étend de Ouazzane à Chefchaouen, avec Mokrissèt comme Q.G. Le toponyme de Mokrisset venant de tamoukrist, qui signifie nœud ou problème, le choix était déjà très encourageant ! Bien des pistes fournies par des collègues pionniers et connaisseurs du terrain me menèrent chaque fois sur des localités vidées de leur contenu : Coronille et Zygène. Les Chèvres m’avaient précédé de quelques longueurs. Une vraie compétition !

Dans les années 90, dès mes premiers voyages au Royaume du Maroc, quand la traversée n’entraînait pas de retard et que les formalités se faisaient légères, j’avais pris l’habitude, avant la longue et exaltante descente vers le sud, d’un déjeuner à Chefchaouen, « histoire de me remettre dans le bain ». Après quoi, digestion oblige, je prospectais une heure ou deux sur la charmante petite route qui, depuis El-Had-d’Agadir-el-Krouch, s’élève entre jardins, vergers et matorral dense vers le village de Mokrissèt. En plein Pays Beni-Routen. Ce fut là ma toute première station marocaine d’observation, sorte de localité-fétiche où je revenais chaque fois. « 
Aux innocents les mains pleines » car en méconnaissance de cause, j’avais vu juste. Nous allons voir pourquoi.

Par on ne sait quel hasard, les quelques troupeaux sont ici modestes et leur effet est positif, ne contribuant qu’à éclaircir une végétation assez luxuriante. Entre vallons frais, sous-oliveraies au tapis florifère et maquis bien stratifiés dominés par l’arbouseraie, je fis ici et au fil des saisons l’inventaire de l’un des plus éloquents cortèges lépidoptériques rifains. Même l’excellent site voisin de Brikcha, connu par les naturalistes pour sa biocénose d’exception, ne résistait pas à la concurrence. Dès mai-juin, les fleurs de Scabieuses y sont nombreuses et exercent un attrait nectarifère pour les Papillons. Et c’est une Scabieuse qui me livra en 1997 ma première...
Zygaena fausta portée disparue. Posée, elle butinait splendide au sein d’un petit théâtre où papillonnaient des Voiliers blancs (Iphiclides feisthamelii) aux grandes femelles très caudées, de vigoureux Machaons (Papilio machaon) et des Cardinaux (Argynnis pandora) impulsifs. Une..., trois..., des dizaines, des centaines de fausta. Mais d’où venaient-elles pour être passées si longtemps inaperçues à mes yeux et m’avoir imposé tant d’infructueuses journées de pistes dans toutes les vallées alentours ? Je découvris que la rare Coronille glauque peuplait l’essentiel des sommets des collines environnantes et la Zygène faisait le va-et-vient entre les Scabieuses et la plante nourricière de sa chenille. Depuis, je tente de revisiter les lieux à la même date et le rendez-vous ne fonctionne que rarement. Quand la fragile Zygène m’attend, c’est alors par nuées, en essaims, à tel point que – fait exceptionnel - l’on constate des accouplements illégitimes avec une autre Zygène phylétiquement éloignée et tributaire d’un Panicaut : Zygaena favonia, comme une photo ci-contre en témoigne. Il en résulte que cette espèce vole massivement mais en une génération très brève et à une date variable. Cette phénologie fantaisiste conjuguée à la vie fugace de l’imago, s’ajoutant à la raréfaction de sa source trophique, font de Zygaena fausta elodia une Zygène « fantôme » de rencontre hasardeuse. Ironie du sort : elle m’attendait là où je passais mon temps à ne pas m’en préoccuper.

Un entomologiste ne voit que ce qu’il cherche...


Quelques Papillons indicateurs de la verte campagne rifaine

A l’extérieur des formations rifaines emblématiques à
Cedrus atlantica et à Abies maroccana, marquées par des Papillons sténoèces d’importance cardinale et intimement solidaires de ces écosystèmes climaciques, et de l’étage sommital écorché induisant quelques espèces rupicoles, les Papillons indicateurs des autres paysages naturels rifains sont : Iphiclides feisthamelii (le Voilier blanc) qui témoigne de l’irréprochable qualité « bio » des arbres fruitiers dont il est majoritairement tributaire ; Zerynthia rumina africana (la Proserpine) qui indique une campagne en équilibre, riche de ses bermes de chemins et de ses plantes de fourvoiement ; Anthocharis belia (l’Aurore de Barbarie) qui implique le respect de ses crucifères-hôtes, répondant toutes au critère ségrégatif des mauvaises herbes, Tomares ballus (le Faux-cuivré smaragdin), solidaire de petites Légumineuses fragiles ; Callophrys avis (la Thécla de l’Arbousier) et Charaxes jasius (le Pacha) qui sont liés à un maquis bien diversifié ; Euphydryas aurinia (le Damier de la Succise) qui décline ou s’éteint au moindre défrichement futile des formations préforestières (en Afrique du Nord la chenille se nourrit notamment de Chèvrefeuille et non de Succisse) ; Coenonympha fettigii (le Fadet de l’Atlas) et C. arcanioides (le Fadet maghrébin) qui exigent un tapis herbacé riche en bromes et prennent la tangente au moindre parcours pastoral exagéré ; auquel panorama lépidoptérique on peut joindre Berberia lambessanus (Le Grand Nègre des Atlas), mieux implanté dans l’univers atlasique mais qui compte quelques rares isolats rifains, là où surviennent de modestes taches alfatières (Kelaa, Azilan, Tassaot) non broutées par les Caprins.


Polémique autour d’une herbe

De qui se moque t’on ?

A l’aise

Afin d’ôter à ce chapitre toute ambiguïté pouvant être attribuée à une quelconque cause partisane, n’étant ni consommateur de quoi que ce soit, ni spécialiste de la santé publique,
l’auteur ne prend part à la polémique que pour ce qui concerne l’opportunité de telle ou telle culture par rapport aux causes majeures de la détérioration du capital biologique. Il n’en demeure pas moins qu’en examinant la situation avec recul et compte tenu du parti pris de la plupart des acteurs, il faudrait être fourbe pour ne pas être narquois. La transparence de l’esprit naturaliste prêche en faveur de la seconde option.

« Et Dieu dit : « Que Darwin soit ! »
Stephen Jay Gould

Avec cette chance cognitive de l’aptitude à s’émouvoir du vol de la Proserpine, du miracle de la métamorphose, des prouesses de la myrmécophilie ou de la simple beauté d’une inflorescence d’Astragale, et de toute la survie darwinienne d’un microcosme en combat et de son « intelligence », l’auteur de ces lignes a donc traversé (péniblement !) plus d’un demi-siècle en restant à jeun de tout artifice spirituel ou chimique. Tous les naturalistes, contemplateurs rationnels, sont en règle générale logés à la même enseigne. Se conformer aux « inaccessibles » lois naturelles est aussi la meilleure façon d’esquiver l’oppression institutionnelle. Il peut donc parler à l’aise et sans parti pris des dogmes, des croyances, des tabous, des vieux démons, des mythes, de l’alcool, de la nicotine, du kif et des « éléphants roses » ! Les émotions sont des phénomènes évolutionnaires jouant un rôle essentiel pour la survie. Une fois accomplies nos émotions primaires et viscérales (manger, se protéger, reproduire...), il n’y a pas plus salutaire que d’aller puiser les autres (joie, tristesse...) dans l’environnement naturel. On y rencontre non seulement des intelligences, mais aussi l’art à l’état pur et sans arrière-pensée. L’observation d’un Charançon à la loupe binoculaire permet de reconsidérer à sa juste mesure l’art des Hommes. Et point n’est besoin du moindre psychotrope pour voir « voler » des Manet, des Monet, des Renoir... Cet incroyable produit de quinze milliards d'années d'évolution porte vraiment à l'émerveillement.

Tout milite actuellement pour détourner les jeunes générations de cet attrait pour les sciences naturelles, probablement parce qu’il s’agit d’une activité à rentabilité zéro dans le système marchand. Il faut ici exclure la quantité surnuméraire d’ONG faisant la quête pour la restauration biopatrimoniale. Pour bien mentaliser le sujet, on n’a de cesse de nous présenter la nature persécutée, l’extinction des espèces, la fin des paysages. C’est une des rares vérités médiatisées qui soit récurrente. Avec les guerres. Il faut bien maintenir la pression. La nature est ainsi réduite à l’image d’une mendiante et ses beaux restes font l’essentiel du culturel télévisé, et encore, sous l’unique aspect des espèces emblématiques (très grosses ou très colorées !)
Protéger la nature n’est pas une idée neuve, sauf qu’elle est maintenant cotée en bourse. Le mercantile a la recette de ce qu’il faut mettre en vitrine. Et toutes ces déclarations incantatoires des grands bateleurs depuis le blockhaus de leur théâtre écologique ne modifient en rien les sombres échéances puisqu’en raison du rapport de forces, la volonté pratique ne suit et ne suivra pas. Ce ne sont pas les quelques amendes honorables à saveur environnementale des compagnies multinationales qui suffiront à stopper les causes incontournables de l’agression de notre biosphère que sont les émissions polluantes des véhicules moteurs, des usines et des systèmes de chauffage fonctionnant au combustible fossile, la déforestation et la perte des habitats fauniques, le surpâturage et la surpêche, les rejets toxiques et radioactifs nocifs pour des millénaires dans l'environnement, la perte annuelle de millions de tonnes de sols fertiles par l'érosion à cause des méthodes de culture intensive, et ainsi de suite. D'ici moins de trente ans, plus de 20 % de toutes les espèces seront éteintes à tout jamais et en anticipant un peu, plus de la moitié pourraient même disparaître d'ici une centaine d'années. Cette perte de la biodiversité va en s'accélérant sans cesse et on parle d'une vitesse de destruction des centaines ou même des milliers de fois plus rapide qu'avant l'essor de la civilisation humaine. On peut toujours fustiger au passage quelques boucs émissaires. « Après la géogenèse, c'est-à-dire la genèse de la Terre, et la biogenèse ou genèse de la Vie, l'évolution est arrivée au stade de la noogenèse, la genèse de l'esprit » (Peter Russell, reprenant Teilhard de Chardin). C’est le désespoir et qu’est devenu l’observation ? Relire Jean-Henri Fabre permet d’y voir clair, de s’inscrire en faux de cette dysneylandisation du vivant et de ce culte du chaos et du déclin. Et l’on comprend parfaitement les points faibles de l’enfant « ciblé » par les communicants, celui qui grandit « sans abeille sur les pots de confiture » dans une cité carcérale en béton.

« Avant longtemps, nous pourrons constater les méfaits engendrés par l’absence de beauté. Fadeur et tristesse de l’environnement occasionnant maladies, chagrin, désespérance :
n’en déplaise à certains, c’est aussi de l’écologie. »
Jürgen Dahl


La dangerosité du Cannabis doit-elle être « cultivée » ?

Sa consommation étant de plus en plus dépénalisée en Europe, dernière cartouche démagogique voici maintenant que le Cannabis est affiché comme un ennemi du développement durable. C’est une culture certes moins prioritaire que le Blé ou la POmme de terre, mais décrire pourquoi elle serait plus agressive et dévastatrice que celles de la vigne ou du tabac relèverait d’une démystification facile mais nécessitant plusieurs chapitres. De tous temps depuis la sédentarisation du chasseur-cueilleur, l’agriculture humaine a façonné les paysages et rongé la biomasse forestière. Depuis l’Antiquité, les paysages ont été modelés par les activités agropastorales, ce n’est pas un fait nouveau. L’actuel anéantissement de l’arganeraie au profit de la tomate hors saison ou de l’agrumiculture ne semble pas courroucer l’opinion publique. Est-ce parce qu’on ne fume pas la tomate ? Et nous avons longtemps fréquenté les « nobles » régions vinicoles françaises sans percevoir la moindre rumeur critique à propos de la biodiversité défunte des riches coteaux calcaires investis par la monoculture très chimique de la vigne ou lu telle ou telle critique dithyrambique sur l’ancestrale formation boisée qui aurait – évidemment – présidé au site avant son défrichement au profit de la liqueur pour alcooliques anonymes... Il en va de même du tabac et le comble est qu’on voudrait nous imposer des champs de Maïs transgénique dont la modification du caractère gustatif et olfactif de la fleur perturbe le butinage des Abeilles ! Alors, de qui se moque t’on ?
Encore cette arrogance pour imposer au Sud d’être le gentil jardinier d’un monde que le Nord manipule et détruit ?


Quelques références

Cannabis indica (= C. sativa) (Chanvre indien, kif) est le produit psychotrope le plus consommé par les jeunes actuellement. C’est une herbe cultivée dans toutes les parties du monde pour des usages divers. Son utilisation psycho active est connue depuis des millénaires.

A l’usage de drogue, le Cannabis est consommé sous trois formes :
- L'herbe, ou marijuana, qui se prépare à partir des feuilles supérieures de la tige et des graines séchées et hachées. Elle se fume, souvent mélangée avec du tabac, roulée comme une cigarette, en pipe ou en narguilé ;
- Le haschisch (shit ou tosh) est de la résine de Chanvre indien séchée et mélangée à différents produits tels que de la paraffine, de la colle, du cirage, du henné ou des excréments d'animaux. Il se présente sous la forme de plaques compressées ou barrettes de couleur brune, verte ou jaune. Il se fume réduit en poudre et mélangé à du tabac, roulé dans du papier à cigarettes, en pipe ou en narguilé mais il peut aussi s'inhaler ;
- L'huile est obtenue par distillation de feuilles ou de résine de Cannabis. Elle se fume après avoir été déposée sur le tabac d'une cigarette ou d'une pipe.

Cette plante, contient un principe actif, le TetraHydroCannabinol (THC), qui a été découvert en 1964. Le THC à l'état pur est un hallucinogène aussi actif et nocif que le LSD. Le THC se trouve dans les tiges, les feuilles et plus encore dans les fleurs des plants femelles. La nocivité du Cannabis et de ses dérivés est donc liée à leurs taux de THC. L'herbe contient de quelques pour-cent à 22 % de THC (8 à 10 % en moyenne) ; le haschich contient un taux variable de quelques pour-cent à plus de 30 % selon son origine et le mélange réalisé ; l'huile, particulièrement toxique, contient 60 % de THC. A titre de référence, le Chanvre industriel cultivé en France ne doit légalement pas dépasser un taux de 0,3 %.


Brève rétrospective marocaine

6000 ans av. J.-C., les graines de Cannabis étaient utilisées comme aliments en Chine ; 500 ans av. J.-C., le Chanvre est introduit en Europe du Nord par les Scythes : une urne contenant des feuilles et des graines de Cannabis a été mise à jour près de Berlin, datée de cette époque ; en l’an 1000 de notre ère, les chercheurs débattent déjà du pour et du contre de la consommation de haschisch dont l’utilisation se répand à travers l'Arabie ; au XIIe siècle, en fumer devient très populaire au Moyen Orient ; au XVIe siècle, on note l’existence de cultures déjà centenaires dans la région de Ketama : elles remonteraient au VIIe siècle et à l’arrivée des Arabes ; en 1890, le Sultan Hassan I confirme l’autorisation de cultiver Cannabis indica dans cinq hameaux des tribus des Ketama et des Beni-Khaled ; le dahir (décret-loi royal) de 1932 interdit cette culture dans tout le Maroc sous Protectorat français, la France, contrairement à l’Espagne, ayant alors signé l’accord international sur les stupéfiants ; un nouveau dahir confirmant l’interdiction de 1932 est promulgué en 1954 par Mohammed V et censé s’appliquer à tout le Royaume dès l’indépendance, la tolérance restant admise au seul bénéfice des noyaux ethniques traditionnels ; nonobstant des pics velléitaires de menaces et de restrictions étatiques, l’extension pernicieuse des surfaces n’a eu de cesse (70.000 ha en 1993, 134.000 en 2002) et le laxisme régnant ne manque pas de raisons d’être, même s’il confine parfois à la pure schizophrénie ; la période répressive de 1958 à 1984 verra trois soulèvements durement réprimés ; 1980 : le Maroc devient l’un des plus grands, si ce n'est le plus grand producteur et exportateur de haschisch ; XXIe siècle : avec une consommation à tort ou à raison de plus en plus déculpabilisée et de mieux en mieux tolérée en Europe, le Cannabis est en voie d’être acquitté et il ne reste qu’à légiférer sur son mode de distribution pour sortir du contestable trafic, lequel confère au Pays rifain la regrettable image d’une zone « narcotisée » aux plans politique, économique et social.

Quelques chiffres

134.000 ha est l’actuelle moyenne estimée mise en cultures (1,5 % des terres arables du Maroc) pour 47.000 tonnes de kif récolté, occupant 800.000 personnes et générant un revenu annuel de 12 milliards de dollars, sans grand retour financier (214 millions de dollars) pour les « fermiers » (Source : UNODC, 2003, enquête réalisée en partenariat avec les autorités marocaines et grâce notamment aux clichés du satellite européen Spot). Dans cette région, 70 % de la surface agricole utile est occupée par le Cannabis, le reste étant voué aux cultures vivrières (Céréales, Légumineuses, fourrages). La presse indépendante marocaine fait quant à elle état de quelques 200.000 hectares.


Usage occidental et tradition intra-muros

Les raisons de l’actuel acquittement du Cannabis en Europe tiennent largement compte de certaines de ses vertus médicales avancées par le monde médical, mais surtout du consensus universel de condamnation du tabac, voire des excès de l’alcool, drogues dures et létales mais officielles. Précisons que les mêmes excès « planants » du Cannabis au volant seraient la cause des mêmes hécatombes ! La photo médiatique tient aussi de l’image caricaturale et le traitement n’obéit pas toujours à l’enquête scientifique. Les risques liés à la consommation du Cannabis ont fait l'objet d'une abondante littérature qui se caractérise par la coexistence de points de vue diamétralement opposés. En conséquence, il n'est pas toujours facile de faire la différence entre les hypothèses, les spéculations et les affirmations tendant à exagérer ou à en minimiser d'une part les dangers et d'autre part les risques objectifs, seuls scientifiquement fondés. En l'état actuel des connaissances, sa toxicité organique, est considérée comme bénigne. Au niveau psychologique, il ne peut être considéré comme induisant, en soi, l'escalade aux autres drogues, les vraies.

Il est seulement un fait : le Cannabis, lui, ne tue pas ! Au Pays rifain, la pipe de kif fait partie de la tradition. Ici, la fumette est beaucoup plus apparentée à une manifestation de convivialité qu'à une quelconque consommation de drogue. Le délire des champs est toujours moindre que le délire des villes. C'est pour cela que le discours sur l'éradication de la culture du kif n'est pas perçu de la même manière. "Le kif ne tue pas, la faim, si !" (A. Hammoudani, ancien député-maire de la région).


Substitution, reconversion, ressources alternatives

En ce domaine, l’imagination est au pouvoir et parcourir les textes de tout ce qui a pu être prédit, dit, voire même tenté prouve que certains acteurs n’ont rien à envier à l’esprit psychédélique. Ont été suggérés en substitution et expérimentés sans suite : le Pommier, le Poirier, et l’Amandier, déjà très habituels du verger marocain, l’Avocatier (Persea americana) (craint le long stress hydrique estival), le chérimolier ou anonier (Annona cherimola) (peu d’exigences agro-climatiques), le raisin de table, le Jojoba (Simmondsia chinensis), un arbrisseau dont les graines sont utilisées pour des huiles de soins aromatiques (...), l’apiculture, la Chèvre alpine, etc. L’une de ces offres serait-elle plus respectueuse de l’environnement ? Les conseilleurs connaissent-ils les vergers intensifs, notamment en Andalousie, d’Avocatiers et de Chérimoliers au sol pulvérulent et que la moindre plante adventice a irréversiblement déserté ? Le recours illusoire au Jojoba pour substituer un revenu de 12 milliards de dollars fait encore rire dans le bled. Quant à la Chèvre alpine, le remède est évidemment pire que le mal. De tous les projets avancés, c’est maintenant le Tabac qui est opportunément pressenti comme idée-pilote presque incontournable. Si la santé doit partir en fumée, autant que ce soit avec l’assentiment étatique : les Régies des Tabacs d’Espagne et de France sont dans le coup... En fait, seule l’option de l’agriculture biologique, la seule parfaitement idoine pour s’encarter dans le contexte régional et profiter pleinement de tous les atouts sur place, n’a jamais été évoquée...

Dans le Rif, le Chanvre indien n'a pas besoin d'être pris en charge, il s'accommode de toutes les terres et de tous les microclimats, il y a peu il n’exigeait même pas de fertilisants (mais les offres sont si alléchantes que les temps ont changé...), ni de précautions particulières. On ne peut pas trouver culture plus docile et plus facile à entretenir. Ni l'orage, ni la grêle, encore moins le chergui, n'ont jamais constitué pour le kif un véritable danger. Il se cultive sur terres pluviales (bour) ou irriguées. C'est une des raisons qui explique peut-être les difficultés de la reconversion.
"En l'absence de tout développement économique et social, la région du Rif, historiquement réfractaire au pouvoir central, deviendrait une véritable poudrière si ce moyen de survie lui était retiré... L'année 1995 restera dans les annales comme celle où les villageois, femmes et enfants en première ligne, ont investi les champs pour empêcher les gendarmes de les brûler sur pied. A leurs yeux, c'était un droit qu'ils défendaient."
(A. Ouazzani, chercheuse marocaine).


Oh ! le beau champs de
Nicotiana !

Nicotiana tabacum est à fleurs rouges, N. rustica à fleurs jaunes. C’est ce dernier qui est notamment cultivé en Afrique du Nord. C’est un tabac fort et de moindre qualité dont la teneur élevée en nicotine permet de l’utiliser comme tabac à priser. Le genre Nicotiana appartient à la famille des Solanacées et à l’instar de certaines Papavéracées, Papillonacées, Renonculacées, etc., les parties non comestibles de ces plantes contiennent des alcaloïdes, composés toxiques auxquels se réfère la nicotine.


Nicotine létale
Les entomologistes tuent habituellement leurs captures soit aux vapeurs d’acétate d’éthyle, soit à celles du cyanure de potassium. Mais il est un groupe d’Insectes d’une résilience excessive, ce sont les Zygènes. Si quelques secondes suffisent aux autres pour rendre l’âme avec les produits susnommés, ils ne sont d’aucun effet sur les coriaces Zygènes. Pour elles, l’entomologiste pratique une injection à la nicotine et l’effet létal est immédiat. L’exemple est peut être édifiant.

Brun ou blond, light ou super light, en cigare ou en pipe, le tabac nuit tellement à la santé qu'il est cause chaque année dans le monde, d'environ 3,5 millions de décès (dont 60.000 en France) et au moins 1,5 millions de nouveaux cas de cancers. Le tabac est ainsi la cause la plus importante de maladies et de décès évitables. Le Maroc est le cinquième marché africain pour les cigarettes avec une consommation de 14,4 milliards d'unités en 2002. La Régie des Tabacs y détient le monopole de la distribution des produits du tabac et sa production représente 85 % du marché national en volume.
Marquise (cigarettes blondes), Casa Sports (cigarettes brunes sans filtre) et Olympic (cigarettes brunes avec filtre) sont les produits phares. Très rentable, l'entreprise a enregistré un chiffre d'affaires net de 260 millions d'euros au 31 décembre 2002. Selon une étude réalisée par cette même Régie des Tabacs, plus de 57 millions de paquets de cigarettes de contrebande (un milliard de cigarettes !) auraient été par ailleurs commercialisés au Maroc en 2001. «Vous l’avez dans l’os !» : c’est un des spots publicitaires du Ministère de la Santé publique français contre le tabagisme. Question de proximité, les méfaits du tabagisme sont universels et, au Maroc, contrairement aux idées reçues, le Ramadan dope la consommation de cigarettes. Voilà donc un judicieux candidat à la substitution du Cannabis !


Oh ! le beau champs de Vitis vinifera !

On pourrait ici faire la même envolée dérisoire sur la Vigne (
dalya, d-litit, laâneb, adil) et en revenir alors à ses aspects on ne peut plus négatifs pour ce cher développement durable que l’on veut bien sortir du placard lorsqu’il fait l’affaire. Une visite du Médoc ou de l’Aude provoque ipso facto chez l’écologue une nostalgie de la nature rifaine ! L’éradication du Chêne-liège des alentours de Ketama ou les défrichements anarchiques des franges inférieures de la cédraie et de la sapinière ne sont pas à porter à la culpabilité spéciale du Chanvre indien mais de tout grignotage au profit de l’agriculture. Ils n’auraient pas échappé davantage à la Vigne ou au Tabac. Avec même des risques d’incidences aggravées par le fait qu’il ne s’agit plus d’une culture pseudo clandestine mais officialisée par des subventions. Un exemple parmi tant d’autres de mise en culture ne blessant pas l’ordre moral ? Nous venons d’assister (2000-2001), dans la région de Sidi-Rahal (Marrakech), au méga remembrement à l’aide d’engins lourds d’une remarquable mosaïque de bonnes terres reconverties en immensité céréalière intensive. Les opérations ravageuses et l’arasement des haies et des talus ont fait table rase du moindre ourlet végétal, des alignements bocagers, du dernier « écoinçon » d’herbes folles et faute de refuges et de zones de transition, il n’y a plus un seul Oiseau pour (dé)chanter, ni une fleur ségétale à butiner. Personne n’ignore que tout remembrement du genre est une guerre d’extermination à l’égard du vivant. Ce type de dérapage habituel de l’agriculture industrielle qui nécessite la refonte des domaines laisse donc songeur sur le respect écologique des cultures « transparentes ». Et chacune des exactions du genre nous interpelle sur le fait que les piètres exemples d’innombrables erreurs similaires vécues en Europe, puis universellement condamnés a posteriori pour leurs effets drastiques, n’aient pu servir de leçon à nos amis marocains.


« 
Le cheptel caprin, facteur de promotion de la femme rurale » (Chefchaouen, Maroc, mai 2000)

Ce slogan (qui n’est qu’un slogan), péremptoirement exhibé sur nombre de calicots dans les rues de la charmante ville en référence, nous mit – une fois de plus – la puce (ou la Chèvre) à l’oreille sur
la pratique ordinaire du paradoxe, désormais complètement familier, jusqu’au quotidien. Devenu politiquement correct et accepté par l’inconscient collectif, on en comprend bien les multiples avantages. Dévorant tout et sans discernement sur son passage, la Chèvre (qu’elle soit alpine ou bédouine !) est le pire ennemi de la nature et donc du développement durable tant suggéré. L’essentiel des meilleurs paysages semi-arides d’Afrique du Nord est depuis des lustres mis à sac par des hordes de Chèvres qui en éradiquent la moindre plante au sol. L’augmentation exponentielle du cheptel Ovin et Caprin de ces dernières décades a déjà contribué à l’établissement de nouveaux déserts dans bien des djebels. Dans la vallée du Souss, il ne reste quasiment plus aux Chèvres qu’à « butiner la canopée » des Arganiers. Il nous semble donc un peu étrange que simultanément, sous prétexte d’un Nord un peu humide et moyennement préservé, une campagne de promotion du cheptel caprin soit de mise. L’Espagne partenaire est financièrement à l’origine de ces efforts malvenus de subtile promotion caprine. Si c’est « encore » une idée de substitution au Cannabis, elle est cynique pour ce qui concerne la durabilité des écosystèmes.


Dédiaboliser le Cannabis ?

Pour sortir de la psychose entretenue autour de cette herbe, il conviendrait au moins d’en décrisper le thème, avant qu’il ne soit suranné. Nous en sommes aptes « en substance » et pour ce qui n’en concerne que les atteintes aux biocénoses locales en affirmant que
cette culture s’inscrit dans une moyenne destructive moins agressante que les alternatives jusque là proposées. Si l’idée de substituer tout ou partie des cultures de Cannabis indica persistait, l’option de l’agriculture biologique et du panel de produits qu’elle implique, devrait être la plus judicieuse compte tenu de la nature du terrain rifain, du savoir-faire local et de l’incontestable qualité « terroir ». Et ce tant que les sols ne sont pas contaminés. Si en matière de tourisme vert on cherche à marier les termes naturel et culturel, on peut aussi tenter cette belle association au profit de la ruralité autochtone.

Une autre alternative un peu cynique pour les jeunes rifains est de traverser la Méditerranée
pour aller « tousser » dans les déserts agraires et pestiférés du Sud du Royaume d’Espagne et rejoindre « l’apartheid sous plastique » auquel y est soumise la communauté immigrée. Car parlons-en ici de la gestion durable et du respect pour les phytocénoses ! Où sont-ils les donneurs de leçons écologiques ? Avec des provinces entièrement sous plastique au profit d’une agriculture intensive, le futur du pays est désormais incertain. Dans celle d’Almeria et avec 30.000 ha, c’est 80 % qui sont désormais plastifiés. Mais la fin justifie les moyens car les agriculteurs-banquiers (nouveaux gentlemen-farmers d’un bien triste western) s’enrichissent grandement. De Grenade à Alicante, l’entièrité de la frange littorale est le paysage chaotique d’une mer de plastique ayant eu raison de la moindre biocénose, les nappes de plus en plus salées sont condamnées, les serres s’accrochent maintenant aux basses montagnes.

Il est bien peu probable que le Cannabis soit un jour prochain biffé du terroir rifain où il est implanté depuis le VIIe siècle. Quant à la sempiternelle polémique qui sévit sur le sujet, elle remonte à l’an 1000 de notre ère. Avec de telles références séculaires, on peut avec le moindre bon sens arguer de la célèbre formule d’un non moins célèbre musicien « 
Cela doit-il être ? Cela est ! »